« Judge » T1 par Yoshiki Tonogai

Avec le nouveau manga de Ki-oon,  » Judge « , les fans de Yoshiki Tonogai ne seront pas déroutées. Mêmes ingrédients que  » Doubt « , même sorte de thriller ou la tension psychologique prend le pas sur la représentation gore de la violence. Avec, néanmoins, la mort qui est toujours au bout…


© Yoshiki Tonogai / SQUARE ENIX CO., LTD.

Yoshiki Tonogai est clairement un amateur de la série de sept films  » Saw « . Il en reprend les ficelles en les adaptant au monde du manga : huis clos, jeu mortel, poupée annonciatrice du chalenge, cassette vidéo (à la place d’audio), télévision servant de lien avec le monde extérieur, etc. Si cette saga américaine a su renouveler le genre  » thriller/gore « , il était facile de surfer sur cette vague de popularité. Néanmoins, Yoshiki Tonogai, même s’il s’inspire ouvertement du genre, a sût créer un univers qui lui est propre avec son premier manga  » Doubt « .  » Judge  » en reprend certaines ficelles, on est clairement dans le même monde, mais ici le challenge est plus sournois : les  » pécheurs  » vont devoirs s’entretuer pour survivre.


© Yoshiki Tonogai / SQUARE ENIX CO., LTD.

Après quelques pages couleur montrant l’agonie et la mort d’un inconnu, tout commence réellement par une histoire tranquille. Atsuya sort avec Hikari depuis peu, alors qu’ils se connaissent depuis l’enfance. Hiro, le jeune frère d’Atsuya se serait bien vu à sa place, car il se rend compte qu’il perd l’amitié de cette jeune fille qui a partagé tous leurs jeux d’enfant. Comme elle doit choisir un cadeau pour Noël en leur compagnie, Hiro annonce à son frère qu’Hikari a déplacé le rendez-vous d’une heure afin de pouvoir savourer un court instant de tête-à-tête avec elle. Alors qu’ils font tranquillement les boutiques, Atsuya, de son côté, sort de son travail et se fait renversé par un camion. Hiro se sent évidemment coupable de la mort de son frère. Deux ans plus tard, il se retrouve enfermé dans une pièce sombre affublée d’un masque de foire en forme de lapin.


© Yoshiki Tonogai / SQUARE ENIX CO., LTD.

Sept autres personnes bien vivantes et portant également un masque partagent le même sort. Une neuvième personne est pourtant la, le jeune du début, mort après avoir retiré son masque sans autorisation. Avertissement morbide en guise de préambule, ils doivent coopérer sinon ils meurent. Les masques représentent tous des animaux, comme dans  » Doubt  » il y a celui du lapin, mais également, lion, cheval, cochon, loup, chien et ours sont représentés. Tous ces jeunes sont ici pour être jugé, car ils ont tous, soi-disant, commis un péché, un des sept péchés capitaux. Ils vont donc mourir pour ça. Ils vont devoir désigner eux même qui périra et au final, seul quatre d’entre eux survivront.


© Yoshiki Tonogai / SQUARE ENIX CO., LTD.

Vu l’environnement réduit dans lesquels cohabitent les protagonistes, il ne faut pas s’attendre à une grande fresque violente, mais plutôt à un combat psychologique ou les dialogues et l’attitude des personnages prendront tous leurs sens. Dans ce premier numéro, peu de morts à part ceux du début, Yoshiki Tonogai a très bien construit son récit afin de nous laisser dans l’expectative une fois le manga refermé. Même si le lecteur découvre les vrais visages des prisonniers, il ne sait, au final, que peu de choses sur eux. Les informations sont distillées au compte-gouttes. L’état d’esprit de certains jeunes est, petit à petit, mis en avant afin d’aiguiser la curiosité du lecteur et l’obliger à reconstruire le puzzle que Yoshiki Tonogai prend un malin plaisir à tracer.


© Yoshiki Tonogai / SQUARE ENIX CO., LTD.

SI le scénario est prenant, il est dommage de le desservir avec un dessin qui manque d’aboutissement. Les personnages sont tous longilignes, sauf le mort du début gros et bouffi. Les visages sont étirés comme si le dessin était déformé. Le trait est régulier : trop régulier… Il manque de vie, de plein et de déliés. Néanmoins, cela contribue à rendre l’ambiance encore plus froide et pesante. La mise en page et les multiples changements de plan permettent, de leur côté, de bien s’imprégner de l’atmosphère qui règne dans ces pièces malgré le peu de décors représentés. Yoshiki Tonogai fait de superbes illustrations, les couvertures sont là pour le prouver, mais il est obligé de différencier ses personnages par des artifices vestimentaires afin de ne pas perdre le lecteur. La couverture justement, extrêmement soignée et positionnée à l’horizontale comme pour «  Doubt « . La règle est la même, les protagonistes en couleur et masqués sur la jaquette apparaissent en noir et blanc et démasqués sur la couverture du dessous. Sur ce numéro un, ils sont tous debout. Au fil des volumes, ils tombent les un après les autres. Il vaut mieux ne pas trop prêter attention aux couvertures des volumes non lues si l’on veut garder le suspense. Mais, même si l’on sait qui est le prochain sur la liste à décéder, ce n’est pas cela qui est important. Ce qui compte, c’est son histoire personnelle, la raison qui l’a amené, de force, à participer à ce jeu macabre. C’est également la cohésion du groupe, le tiraillement psychologique obligeant ces jeunes à faire mourir un de leurs camarades afin de survivre de leur côté qui rend captivant ce manga. Le lecteur de son côté est également mis à l’épreuve. Impossible de ne pas penser à ses propres actions, ses propres péchés. Et surtout, comment réagirions-nous en présence d’un tel dilemme. Comment jugerait-on et surtout, de quel droit le ferions-nous et avec quelle conviction ?


© Yoshiki Tonogai / SQUARE ENIX CO., LTD.

Seuls trois volumes sont parus à ce jour au Japon. Il est donc aujourd’hui impossible de savoir le fin mot de l’histoire. Si Yoshiki Tonogai arrive à toujours tenir son lectorat en haleine avec autant de brio, cela augure un nouveau succès pour les éditions Ki-oon.


© Yoshiki Tonogai / SQUARE ENIX CO., LTD.

L’éditeur à d’ailleurs mis le paquet pour le lancement de ce titre. La sortie en librairie était prévue pour le 30 juin afin de coïncider avec le début du festival  » Japan Expo « . Yoshiki Tonogai, l’auteur, a fait le déplacement depuis le Japon afin de dédicacer son Å“uvre à quelques chanceux tirés au sort. Et, clou du spectacle, une énorme exposition, en plein centre du festival met en scène certains protagonistes en taille réelle avec leur masque, bien évidemment. Ces représentations ont étaient fabriqués en France dans les locaux de la société Atakus bien connus des collectionneurs de figurines. Extrêmement détaillés et posés sur des mannequins habillés comme dans le manga, positionné au milieu d’un plateau vide et froid : l’effet est saisissant (1).


Les masques qui ont était utilisés par Ki-oon pour son diorama grandeur nature. Ils ont été sculptés par l’équipe d’Atakus, bien connu des amateurs de figurines de collection.


De nombreux objets promotionnels sont offerts durant le salon Japan expo. Notamment ce trio de masque en carton assez bien réalisé et que les lecteurs pouvaient acquérir en s’offrant des mangas sur le stand de l’éditeur Ki-oon.© Yoshiki Tonogai / SQUARE ENIX CO., LTD.


Commeà chaque festival, les sacs Ki-oon faisait bonne impression par leur taille imposante (prêt d’un mètre de largeur). Quatre séries phare de cette éditeur sont représentées sur les deux modèles disponibles en recto-verso : Judge, Run Day Burst, Amanchu et Brides Stories. © Yoshiki Tonogai / SQUARE ENIX CO., LTD.

Enfin, signalons que  » Judge  » n’est pas une copie conforme de  » Doubt  » : ce manga est dans la même veine, sans être une suite directe. Du coup, il devrait trouver assez facilement son public. À moins que celui-ci tombe, à son tour, dans la paranoïa en dévorant ce thriller machiavélique.

Gwenaël JACQUET

 » Judge  » T1 par Yoshiki Tonogai

Éditions Ki-oon (7,50 € )

ISBN : 978-2-35592-282-4

(1) : Vu les restrictions imposées par Japan-Expo concernant la diffusion des photos, nous ne pourrons vous présenter le stand finalisé que d’ici demain.

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