« Naufrageurs » : au temps des pilleurs d’épaves…

Les naufrageurs ne manquent pas dans les bandes dessinées dédiées à la piraterie maritime. À son tour, le vieux routier du scénario qu’est Rodolphe se frotte à ce thème barbare ; mieux, il en fait le sujet unique de ce récit aux protagonistes hauts en couleur. Un one-shot parfaitement maîtrisé et riche en rebondissements qui devrait combler les lecteurs amateurs de grande aventure aux images soignées (dues à Laurent Gnoni).

Nous sommes à Greenway, en Angleterre, le 14 octobre 1704. Par une nuit de tempête, les habitants de ce pauvre village — isolé de tout — attirent un navire en détresse et provoquent son naufrage sur les récifs, afin d’en récupérer la cargaison. L’euphorie du pillage est de courte durée : le bâtiment est le Meredith, goélette du capitaine Gibbons dont les naufrageurs connaissent la plupart des marins. À son bord se trouve le mystérieux chevalier de Saint-Martin : porteur d’un fabuleux trésor destiné à un certain Lord, trésor qui attire la convoitise d’une bande de pirates conduite par l’impitoyable Capitaine. Jim, un jeune villageois de 14 ans initié malgré lui aux activités nocturnes des hommes de son village, assiste pour la première fois au massacre des survivants et à la folie des siens qui sont prêts à tous les sacrifices pour préserver leur secret et échapper à la pendaison.

Entre les soldats à la recherche du navire disparu et le secret entretenu par les siens, Jim hésite. Il est encouragé par Jenny (une jeune aveugle, qui est la fille du chef du village et dont il est amoureux), accompagné de son chien et dusinge facétieux du chevalier : seul rescapé du naufrage et qu’il baptise Gris.

Usant avec habileté de ces ingrédients explosifs, Rodolphe propose une aventure passionnante en 70 pages aux nombreux personnages secondaires : tour à tour effrayants, attachants ou cruels. On peut cependant être un peu dubitatif devant la conclusion qui s’avère un peu trop fleur bleue, après tant de cruauté dégustée avec gourmandise au fil des pages…

Né le 18 mai 1948 à Bois-Colombes, Rodolphe signe des dizaines de scénarios pour Glénat, Delcourt, Dargaud, Vents d’Ouest, Soleil, Mosquito, Le Lombard, Grand Angle… Il collabore depuis une dizaine d’années aux éditions Daniel Maghen, où il a publié « Ter », « Sprague », « L’Or du temps », « Iruene » et la trilogie « Terre » (avec Christophe Dubois au dessin) dont le dernier opus vient de paraître.

Né le 6 novembre 1973 à Nice, Laurent Gnoni effectue des études d’informatique avant d’intégrer à 21 ans l’atelier Marseil BD. Il commence sa carrière chez Soleil avec la trilogie « L’Ombre du cinéphage » et travaille ensuite pour Dargaud, Glénat, Bamboo… C’est en 2018 qu’il rencontre Rodolphe, avec la mise en images de « Je suis un monstre » chez Delcourt, puis de « Radcliff » aux éditions Robinson.

Son trait semi-réaliste inspiré par les comics américains — mais aussi par « Torpédo » de Bernet — est soigné, riche en décors superbes et personnages aux trognes irrésistibles. Destinées à être vendues à la galerie Daniel Maghen, ses planches ne souffrent pas des restrictions budgétaires exigées en d’autres maisons d’édition.

Henri FILIPPINI

« Naufrageurs » par Laurent Gnoni et Rodolphe

Éditions Daniel Maghen (16,50 €) — EAN : 978-2-3567-4150-9

Parution 17 mai 2023

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>