Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Les Pionniers » d’un art nouveau : le 7e !
Juste après l’Exposition universelle de Paris (1890) et son symbole (la tour Eiffel), les inventions techniques continuent, avec Paris encore au centre, pour le siècle nouveau qui arrive. Les pionniers se nomment Pathé, Gaumont, Alice Guy, Méliès et d’autres. Ils ne sont pas tous ingénieurs ou industriels, mais vont révolutionner le spectacle et la vie du public.
On va suivre leurs débuts compliqués et leurs tribulations qui vont finalement expérimenter, promouvoir, puis imposer un nouvel art, le 7e : invention effrayante pour certains, moyen de création et de progrès pour d’autres. L’Histoire a tranché, mais l’album détaille le parcours mouvementé de ces formidables pionniers. Voici un premier tome passionnant sur l’invention du cinéma en France, qui sera suivi par un second sur ses débuts aux États-Unis.
Le livre s’ouvre sur l’incendie, devenu célèbre, du Bazar de la Charité, tragédie qui a failli compromettre l’avenir du cinématographe… Tous attirés par la technique, plus que par un nouvel art, Pathé, Lumière, Méliès et les autres sont pleins d’espoir, mais ne savent pas réellement comment vont évoluer leurs inventions. Au fil de l’album, on va faire leur connaissance, les uns après les autres, avec comme guide Alice Guy : seule femme du lot, au départ secrétaire-sténographe, mais au rôle important. Elle va notamment demander à un technicien de mettre au point la machine permettant de capturer les images.Â
On suivra leurs aventures, où tout est à faire pour la première fois : et c’est surtout une aventure humaine, avec obstacles, doutes, rivalités, et succès récompensés par l’effort. Gaumont, Pathé et les Lumière, à la fois rivaux personnellement et alliés de fait pour cette cause qui les dépassent, redoublent d’effort pour achever l’invention du siècle qui vient. Méliès le magicien, quant à lui, fera faire des progrès immenses à cette technique, par ses images insensées pour l’époque.
Cette histoire vraie, très française (n’oublions pas que notre pays a inventé le cinéma) est passionnante à suivre et au long cours (135 pages environ). C’est aussi un livre soigné, au dessin vivant et actuel, mais intemporel : réaliste, clair, au raffinement évident et pourtant très accessible. Le style graphique est très agréable, s’approchant de celui de Mathieu Bonhomme, par exemple.
La mise scène des protagonistes plus ou moins célèbres, leur rend justice, sans fanfaronnade, avec justesse, dans des décors très dépaysants, de plus d’un siècle de recul. C’est même par le papier (à sentir, à toucher) : mat, un peu gaufré, crème, que le plaisir de lecture s’invite. Un bel écrin pour cet hommage aux pionniers du cinéma.
Patrick BOUSTER
« Les Pionniers T1 : La Machine du diable » par Jean-Baptiste Hostache, Guillaume Dorison et Damien MaricÂ
Éditions Rue de Sèvres (25 €) — EAN : 9 782 810 212 705.
Parution 20 avril 2022