Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...Pas de quartier (général) avec Boucq !
Les coulisses du retour de de Gaulle au pouvoir, épisode un peu oublié de la naissance de notre Ve république, sont ici traitées avec un ton moqueur, et même loufoque, dont on n’a pas l’habitude en histoire, même en BD. En 1958, la IVe république finissante, sous la présidence de René Coty avec Pierre Pfimlin comme chef du gouvernement, s’enlise dans la guerre d’Algérie qu’elle ne maîtrise plus, entre indépendantistes algériens et partisans de l’Algérie française. De hauts cadres de l’armée (le fameux « quarteron de généraux ») et quelques hommes politiques tentent de réaliser un coup d’État pour mettre fin à cet immense bazar, et paradoxalement pour selon eux sauver les institutions. Un album drôle et haletant, servi par un dessin de Boucq dans sa veine caricaturale, rapide, mais efficace. (1)
Une longue première partie décrit les hésitations, les maladresses, les tiraillements de tous les acteurs, généraux et politiques, et pour tout dire, le ridicule des initiatives dans cette période impossible. Les généraux Salan, Massu et les autres, jamais d’accord, se chamaillent comme des gamins (mais un avantage à Salan qui mène la danse… jusqu’à ce qu’il soit dépassé). De son côté, de Gaulle, retiré depuis 1945, semble attendre patiemment que les choses mûrissent… Le gaulliste Soustelle, député et ancien gouverneur en Algérie, saisit cette occasion pour faire appeler de Gaulle par les généraux insurgés, comme un recours logique et inévitable. Malgré leur désaccord, et même leur haine, entre eux et envers de Gaulle, les uns et les autres, pris dans ce tourbillon, n’auront pas d’autres choix face à la crise de régime.
Après un intermède corse pour une insurrection armée destinée à faire peur au pouvoir, et qui accélère la gravité des évènements, tout est en place pour un appel, demandé par le président Coty, de Pfimlin à de Gaulle, via une rencontre secrète. Tout au long de l’album, on verra peu de Gaulle lui-même, hormis chez lui dans le prologue et ensuite par courts extraits, ainsi qu’en dernière partie avec son investiture à l’assemblée et son discours à Alger, célèbre pour son « Je vous ai compris ! »
Les auteurs se sont focalisés sur les épisodes de tractations, d’actions réfléchies ou non, d’enchaînements insensés de maladresses et d’initiatives, marquant la fin pitoyable de la IVe république. En montrant les rouages de cette drôle de machinerie, improvisée, foutraque, l’album est à la fois instructif et amusant. Reconnaissons que les attitudes, les actions désordonnées et souvent ridicules de tous ces protagonistes sont un peu forcées, et pas toujours conformes à la vérité historique, mais c’est le légitime propos des auteurs. C’est évidemment volontaire, car le plaisir du dessinateur est visible dans les grimaces, le jeu outrancier des personnages qui auraient pu être des acteurs comiques (de nanars, bien entendu), jusqu’à de Gaulle trop vieilli et au ventre plus gros que nature. Et on ne peut que reconnaître que Boucq excelle dans ce genre, avec gourmandise ! Ceci rappelle son travail pour San Antonio : des couvertures caricaturales, incongrues, terriblement marrantes, reprises en recueil.
Enfin, l’album montre clairement que le déblocage de certaines situations et les grandes solutions peuvent être issus d’actions peu glorieuses, mesquines, maladroites ou trop habiles, humaines, quoi. Bref, en résumé ou en conclusion : « Je vous hais, compris ?! »
Un album au long cours (130 planches environ) de Boucq n’est pas à négliger, c’est toujours un plaisir ; celui-ci est distrayant et sort de l’ordinaire. La rencontre entre Boucq et de Gaulle via un livre était logique : les deux grands hommes sont nés à Lille.
Un dossier explicatif final donne utilement des informations et des clés sur le contexte de cette période troublée, mais fondatrice. L’album bénéficie de deux éditions : l’une en noir et blanc, en tirage limité, et la seconde en couleurs.
(1) Le dessinateur fait ainsi, en ce premier trimestre 2022, un doublé cohérent avec son autre album tout aussi moqueur chez Fluide glacial : « Le Petit Pape Pie 3,14 ».
« Un général, des généraux » par François Boucq et Nicolas Juncker
Éditions Le Lombard en couleurs (22,50 €) — EAN : 978-2-8082-0122-3
Parution 4 février 2022
Édition Le Lombard en noir et blanc, tirage limité à 2 600 exemplaires (35 €) — EAN : 978-2-8082-0363-0
Parution 21 janvier 2022
Boucq excelle dans le comique, et on est largement servi avec ses 2 albums récents !
Le présent album semble être l’évènement du trimestre, puisque de nombreux articles lui sont consacrés, et deux publications de presse BD (Casemate, dBD).
Ensuite, il nous faudra quelque chose de plus consistant, profond, parfois violent, toujours brillant. « Janitor » : on peut penser avec la récente intégrale, c’est achevé. Alors, un « Bouncer », la suite ?…