Outre le remarquable « Planète Arédit » de Benoît Bonte, coédité avec Néofélis, que nous avons déjà mis en avant sur notre site (1), les éditions P.L.G — petite structure portée par l’infatigable passionné qu’est Philippe Morin — ont sorti deux autres essais sur le 9e art dans leur collection Mémoire vive. Et ils méritent votre attention, d’autant plus que leurs sujets sont pour le moins originaux et qu’ils sont concoctés par des spécialistes du genre : il s’agit d’une part d’une histoire de la bande dessinée au Luxembourg, et d’autre part des métamorphoses médiatiques de la BD et des jeux vidéo. Incontournables, improbables et donc indispensables !
Lire la suite...L’édition : tout un métier fait de « Réimp’! »…
Encore un manga sur le monde du manga ! À croire que les éditeurs (et les auteurs) n’ont plus d’idées : alors, ils parlent d’eux. C’est un peu vrai, mais pour une fois, il est question de la partie gestion du monde du manga : de la gestion des auteurs à la gestion de l’impression, en passant par la gestion de la quantité à distribuer et la gestion des libraires. Bref, « Réimp’ ! » parle de manga, mais au sens large, et surtout pas comme d’autres titres sur le même sujet.
Kokoro est championne de judo. Elle doit aujourd’hui trouver un travail où ses qualités peuvent être utiles. Elle répond donc à une offre de poste d’une maison d’édition. Elle a bossé son entretien et se montre combative. Tellement combative que, lorsqu’un homme se précipite dans la salle armée d’un bâton, elle fait bloc de son corps pour protéger les jurés et arrête le malandrin d’un ippon parfaitement réalisé. L’audience est médusée, surtout quand elle comprend que c’est le grand patron de la maison d’édition qu’elle vient de mettre à terre. Penaude, elle rentre chez elle, pensant avoir été recalée. Or, c’est tout le contraire : le patron fut impressionné par la prestance de la jeune fille. Il sent que c’est une battantte.
Bien évidemment, Kokoro commence en bas de l’échelle, il faut bien donner un peu de piment au récit, tout en guidant le lecteur à la découverte de ce métier qu’il connaît finalement peu. Il y a toute une chaîne du livre, entre l’auteur et le lecteur. C’est celle-ci que Kokoro va devoir gérer. Et elle semble plutôt douée et inventive. Sa motivation fait du bien à voir. Elle se donne à fond et cherche à apprendre de ses aînés.
Le récit est dense, mais le dessin n’est pas toujours d’une très grande lisibilité, du fait de son aspect fouilli, avec ses personnages qui sortent des cases, elles même imbriquées les unes dans les autres. Pourtant, c’est aussi ces pages qui montrent l’ébullition qui règne dans les rédactions. Certains pages plus calmes et aérés servent de tampons entre deux séquences un peu plus brutes et haletantes.
Bien que distincts les uns des autres, les protagonistes semblent réalistes. Habillés normalement, sans fioritures, ils ressemblent à des acteurs lambda évoluant dans le monde de l’entreprise. Même l’héroïne est assez banale. À part ses deux oreilles décollées qui font qu’elle ressemble à un petit singe, elle n’est jamais habillée pareil, et surtout pas à la mode. En soi, cela renforce le côté réaliste des situations et du propos évoqué.
« Réimp’ ! », contrairement à « Bakuman » ou « Hitman », ne se focalise pas sur une seule facette du monde de l’édition. Au fil des pages, l’héroïne côtoie les libraires, les éditeurs, les commerciaux, les graphistes, les auteurs… Ainsi que toutes les personnes gravitant au sein d’une maison d’édition. C’est toute la chaîne du métier du livre qui est évoquée : chaque chapitre se focalisant sur une problématique précise. Ainsi, quand elle rencontre un grand auteur sur le déclin, on a l’impression d’avoir un personnage qui nous est familier ; et la manière qu’a Kokoro de comprendre le problème et de l’expliquer est touchant. Car elle le fait de manière très didactique.
Bien évidemment, les métiers qui nous sont présentés le sont du point de vue japonais. Il n’est pas toujours facile de retranscrire ça du côté français. C’est pourquoi un entretien avec divers professionnels du secteur en France est inséré en bonus dans chaque volume. Le premier à s’y coller, c’est Quentin Gratpanche : l’un des responsables commerciaux pour les éditions Glénat.
Être auteur de mangas ou libraire n’est pas la seule manière de travailler dans le monde du livre : cette série, dense, nous le montre bien. Voilà une bonne lecture pour tous les amateurs de mangas qui rêvent d’un jour où ils trouveront, peut être, leur place dans ce monde aux multiples facettes.
Gwenaêl JACQUET
« Réimp’ ! » T1 par Noko Mazda
Édition Glénat (7,60 €) – ISBN : 978-2-344-04920-4
JUHAN SHUTTAI! © 2013 Naoko MAZDA / SHOGAKUKAN