Sandrine Revel et Théa Rojzman veulent briser le « Grand Silence »…

Utilisant la technique narrative du conte pour aborder un propos difficile à appréhender (les violences sexuelles commises sur les enfants par des adultes), deux talentueuses autrices réussissent à nous remuer les tripes avec un récit déchirant, qui se termine quand même sur une note d’espoir.

Sur une île imaginaire où vivent des humains qui nous ressemblent, Clotilde et Paulo célèbrent leur union par une somptueuse fête réunissant leurs deux familles. Octave, le frère de Clotilde, un homme important qui est député des Hauts Sommets, est évidemment invité à ce mariage. Intéressé par les enfants, il emmène Freddy, le neveu de Paulo, dans la forêt toute proche et l’agresse sexuellement. Même si le garçon a honte, il garde le silence.Les années passent, les deux époux se séparent et se partagent la garde de leurs jumeaux : Ophélie et Arthur, lequel reste avec son père. Paulo reçoit alors momentanément Freddy, âgé désormais de 18 ans et qui est devenu un jeune homme complètement paumé et alcoolique. À son tour, il va devenir l’agresseur, après avoir été la victime.De son côté, Ophélie habite avec sa mère qui invite son Octave de frère… : et ce qui devait arriver arrive… Toutefois, les deux enfants ne dénoncent pas leurs assaillants. Ils gardent le silence, et ce silence — qui prend la forme de bulles blanches, vidées de leur texte dans la bande dessinée — devient assourdissant…Cependant, les jumeaux vont trouver une alliée inattendue pour détruire l’usine de Grand Silence qui avale les cris de ces jeunes que personne ne veut entendre : l’une des intervenantes de leur école — handicapée et victime d’une amnésie traumatique — qui ressent intimement la souffrance qu’ils dissimulent…Par le biais du conte pour enfants destinés aux adultes, Théa Rojzman et Sandrine Revel (1) livrent un puissant roman graphique sur une problématique complexe, grâce à une narration et des dialogues forts, un trait faussement naïf, et de subtiles couleurs pastel : la dureté du propos contrastant habilement avec la douceur et la sobriété du dessin.Une véritable lecture coup de poing !

Gilles RATIER

(1)   Notons que Sandrine Revel est très prolifique ces temps-ci, puisque paraît, quasiment en même temps, « Crépuscule des pères » aux éditions Les Arènes BD : un roman graphique où elle illustre un terrifiant fait-divers scénarisé par Renaud Cojo. Saluons donc, comme il se doit, la dextérité de cette autrice qui a déjà été récompensée par le Prix Artemisia 2016 pour son superbe « Glenn Gould, une vie à contretemps » publié chez Dargaud ! Voir sur BDzoom.com : Il y a de plus en plus de femmes talentueuses dans le 9e art !, « Je suis top ! Liberté, égalité, parité » par Sandrine Revel et Véronique Grisseaux [d’après Blandine Métayer]

« Grand Silence » par Sandrine Revel et Théa Rojzman

Éditions Glénat (23 €) — EAN : 978-2-344-04105-5

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