Frederik Peeters revient à l’autobiographie avec « Oleg » !

En attendant que l’on découvre la prochaine adaptation de son « Château de sable » par le cinéaste M. Night Shyamalan, le Suisse Frederik Peeters nous propose une nouvelle introspection de son quotidien, 20 ans après son émouvant « Pilules bleues » où il racontait la séropositivité de sa compagne, chez le même éditeur qui l’a fait découvrir : son compatriote le Genevois Atrabile. Biaisant la réalité en la plaçant à travers le prisme d’un double baptisé Oleg — une anagramme de Lego : l’ego ? —, cet auteur désormais incontournable jette un regard désabusé et quelque peu inquiet sur le monde, tout en déclarant son amour à ses proches et en revendiquant l’importance de son travail de conteur et de dessinateur.

Celui qui se complaît aussi dans des sagas de science-fiction où l’intériorisation et la vie de tous les jours priment sur l’exotisme et le spectaculaire (comme « Lupus » ou « Aâma ») (1) nous fait donc découvrir, ici, son travail sur l’imaginaire, sur ses problèmes existentiels devant la page planche, sur ses relations avec les éditeurs, sur les galères et petits plaisirs des festivals ou des séances de dédicaces… Il discute aussi beaucoup des affres de la création avec la femme avec qui il vit. Heureusement, cette dernière sait régulièrement trouver les mots pour réconforter son âme d’artiste : « Vingt ans que tu enchaînes les livres ! Toujours trois projets d’avance… Et là, c’est la première fois que tu te retrouves sans rien, c’est normal ! Pose-toi tranquille. Prends du recul. Ça se débloquera tout seul. » Ah oui, outre sa tendre et équilibrée relation de couple, Oleg aime beaucoup aussi sa fille. On le suit ainsi, jour après jour, dans une belle routine que va interrompre l’irruption de l’AVC de son amie de cœur.  Oscillant constamment entre la réalité et la fiction, comme dans un livre miroir un peu déformant, Frederik Peeters joue habilement sur cette ambiguïté constante. Par ailleurs, il profite de cette belle déclaration d’amour à sa femme et à sa fille pour nous rappeler — toujours via le cynique Oleg — que la planète et le genre humain courent aujourd’hui à leur perte.Enfin, avec son très expressif dessin noir et blanc réalisé ici au stylo-pinceau, l’artiste expérimente encore de nouvelles voies, passant sans ambages d’un jeté qui privilégie la vitesse et la souplesse à un style plus minutieux et léché : sans que cela soit au préjudice de son habituelle narration remarquablement limpide…

Gilles RATIER(1)   Sur Frederik Peeters, voir, par exemple, sur BDzoom.com : « L’Homme gribouillé » par Frederik Peeters et Serge Lehman, « L’Odeur des garçons affamés » par Frederik Peeters et Loo Hui Phang, « Aâma » T1 (« L’Odeur de la poussière chaude ») par Frederik Peeters, « Aâma » T2 (« La Multitude invisible ») par Frederik Peeters, « Château de sable » par F. Peeters et P. O. Lévy

 « Oleg » par Frederik Peeters

Éditions Atrabile (18 €) — EAN : 978-2-88923-096-9

 

Galerie

11 réponses à Frederik Peeters revient à l’autobiographie avec « Oleg » !

  1. EC Comics fan dit :

    _ Bonjour ..
    le genre de bd qui ne me fais ni chaud ni froid …. bizarre , car même si je m’ennuierais dans une salle d’attente elle ne piquerait pas ma curiosité ; désolé d’être si négatif .

    • PATYDOC dit :

      Les éditions Atrabile publient des BD d’atrabilaires, tellement représentatives des publications d’aujourd’hui

      • caramel dit :

        Bien malin celui qui peut avoir une vue d’ensemble sur les publications en France avec une moyenne de 5500 ouvrages.
        Avec ce qui nous est présenté, on à un travail de qualité graphique avec une belle maitrise des clairs obscurs et de la composition autant des cases que de la planche qui sert la narration comme le souligne Gilles Ratier.
        Lire la bd et la commenter ensuite me semble plus pertinent que de vagues suppositions de Et si.

  2. BARRE dit :

    On sent le vécu avec le coup du trottoir devant le palace! J’ai vécu la même chose devant un hôtel à Genève, le portier qui nous fait signe d’attendre le temps que passe des gens qui visiblement sont considérés comme supérieurs au quidam de base! J’adore Peeters, et j’adore la Suisse (mais là je m’égare… de Cornavin!)

  3. EC Comics fan dit :

    _ Bonjour ..
    dit caramel , puis-je te poser une question d’une simplicité sans équivoque ?
    voilà ; doit-on lire une bd pour être certain qu’elle vous plaît ou qu’elle ne vous plaît pas ???
    le type d’histoire (SF , horreurs , polar , westerns , comics « patrimoine » , franco-belge , manga … etc … etc … ) ne permettrai pas, selon vous, qu’un passionné de bd puise rejeter le type de bd qu’il sait pertinemment qu’il n’affectionne pas ?

    • EC Comics fan dit :

      Et puis un peu dans ce même genre de scénario  » fenêtres de la vie d’aujourd’hui  »
      il y a aussi le récent  » VERNOM SUBUTEX  » qui est sympa dans le genre , et même si mon commentaire sur  » Oleg  » manque de tact , je l’avoue , du moment que d’autres lecteurs trouvent leurs plaisirs avec la bd de F. Peeters lá est le principal .

      • BARRE dit :

        Je vous invite à lire « pilules bleues », vous m’en direz des nouvelles… Libre à vous ensuite de poursuivre dans l’univers de cet auteur attachant…

        • harry naybors dit :

          et puis surtout résumer l’appréciation d’un livre à un genre est quand même une vision bien limitée. Comme si le seul talent de Stephen King était de faire de la littérature fantastique ou que l’œuvre de Philip K.Dick ne se destinait qu’aux amateurs de SF. C’est une vision tellement restrictive…

          De surcroit si il y a bien un auteur auquel cette vision ne s’applique pas, c’est bien Fred Peeters qui a investi depuis 20 ans des genres très différents de la science fiction au polar, du western au fantastique. A moins de ne voir qu’en lui un simple « raconteur d’histoire », on voit bien que ses livres ne peuvent être envisagés uniquement par le prisme du genre. Ne voir que ça, c’est passer à côté de ce qu’il peut y avoir de singulier et de personnel dans chacune de ses BD, quelque soient leurs genres ou leurs sujets.

  4. EC Comics fan dit :

    (Re) Bonjour …
    Harry Naybors vous avez tout-faux…. si Peeters sur un coup de tête nous enverrai
    une BD comme celle de L. Lefeuvre « Comme une odeur de diable » ou de SF, nul
    doute que je serais impatient d’attendre son arrivée chez mon libraire préféré.
    Donc, deuxième édition : non , ce n’est pas l’auteur qui ne m’intéresse pas , mais cette BD
     » Oleg  » …. dont acte !!
    Avec mon budget « BD » mensuel (~ environ 100 €), je dois être vigilant quand á mes
    achats, comme la majorité d’entre-nous j’imagine ; hélas !!

    • Harry Naybors dit :

      Dans ce cas, cher EC Comics fan, il suffit d’aller chez votre libraire ou dans une bonne bibliothèque pour satisfaire votre curiosité : Peeters a déjà été l’auteur de deux space-opera en l’occurrence LUPUS (chez Atrabile) et AAMA (chez Gallimard) et de trois récits fantastiques: KOMA (avec Pierre Wazem) et CHATEAU DE SABLE (avec Pierre Oscar Levy) et L’HOMME GRIBOUILLE (avec Serge Lehman) et même si le cœur vous en dit, d’un western L’ODEUR DES GARÇONS AFFAMES (avec Loo Hui Phang).
      Et « seconde édition », vous verrez peut-être que ce qui rend ses livres vraiment passionnants, c’est qu’à chaque fois, comme tout bon auteur, Peeters arrive à imprimer sa patte sur chacun de ses récits et que cette même patte se retrouve y compris quand Peeters écrit des récits intimes ou réalistes, mieux encore, ces deux facettes de son œuvre se complètent et s’éclairent et enrichissent notre expérience de lecture.
      Quant aux limites que nous fixe notre budget, je ne saurai trop vous le reprocher, la nécessité de gérer son budget de manière parfois serrée s’accorde mal à l’offre pléthorique des sorties en librairie, il faut faire avec.

      Cordialement,
      Harry

  5. EC Comics fan dit :

    _ Merci Harry pour votre gentille réponse et vos conseils avisés , car même si comme la majorité
    des intervenants de ce site j’ai découvert la bd assez jeune (focalisé principalement sur Pif gadget, Janus Stark, Picsou mag d’EDI Monde, Strange et les 4 FF, et Il est minuit… , dans les années 70), il est clair que je n’ai pas le niveau d’érudition des intervenants de BDzoom ( mais le même degré de passion ), donc vos conseils ne seront pas de vaines écritures .
    Bien à vous …

    PS : j’ai lu un jour un commentaire d’une personne dans le mag  » Collectionneur & Chineur  »
    qui a dit : « … il y á deux genres distincts de collectionneurs ; ceux qui un jour arrête leur
    collection et passe à une autre , et ceux qui continueront leur collection jusqu’à leur mort … »
    Je suis de ceux de la deuxième catégorie Harry .

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