Entretien avec David Berry : l’auteur de trois volumes de strips sur de lubriques patates érotomanes à l’humour trash et cash

Adepte d’un humour second degré transgressif, David Berry s’adonne à des blagues de mauvais goût aux allusions sexuelles explicites dans des strips aux dialogues libidineux entre patates dépravées. Il nous en explique l’origine dans un entretien facétieux et nous révèle son côté grand public d’auteur pour la jeunesse.

Olivier Dupin est un auteur jeunesse qui n’assume pas son côté obscur. Il s’est trouvé un pseudonyme, David Berry, pour assouvir son addiction aux blagues douteuses ayant pour sujet les dépravations, le plus souvent sexuelles, les moins avouables. Il s’en délivre dans des strips en 3 ou 4 cases au dessin simpliste et aux propos libidineux sans filtres. Il nous confesse tout de son addiction aux tubercules concupiscents dans cet entretien amusé.

BDzoom.com : Bonjour David, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis auteur, au sens large du terme, que ce soit des BD, des textes courts, des romans, ou tout ce qu’on me proposera, rapport à la situation de crevard des artistes-auteurs. Je suis donc dispo pour écrire des discours de mariage ou des éloges funèbres, contre un repas chaud ou une bouteille de whisky.

BDzoom.com : Vous avez commencé dans le monde de la narration visuelle par des strips photographiés de patates, parlez-nous un peu de vos débuts dans ce domaine.

La raison de ce choix est on ne peut plus simple, j’avais envie de composer des strips humoristiques, mais n’étant ni dessinateur ni graphiste, il ne m’était pas possible de faire une BD standard. J’ai songé au roman photo et, les membres de ma famille étant sains d’esprit, ils ont refusé de poser pour moi. Je me suis rabattu sur des patates. J’ai ensuite utilisé un logiciel amateur pour créer mes petits strips.

BDzoom.com : Vous êtes aussi auteur pour la jeunesse sous votre véritable nom, la création de strips trashs est-ce pour vous une question d’équilibre ?

C’en est l’essence même. J’ai commencé ma carrière d’auteur jeunesse il y a dix ans, et l’une de mes premières séries de romans portaient sur les bébés animaux tout mignons trognons, les poneys gentils et les méchants pas trop méchants qui sont punis à la fin, mais gentiment. C’était rose et sucré, j’ai vraiment aimé le faire, et j’en referai peut-être, parce que ça m’a beaucoup aidé et que j’ai rencontré plein de jeunes lecteurs et lectrices qui les adoraient, mais ça a fini par me faire tourner en bourrique et j’avais besoin d’une catharsis. J’ai donc créé mes strips les plus dégueulasses à cette époque et je les ai balancés incognito sur Facebook, sans même le dire à ma femme, et sans intention d’aller plus loin que ce simple défouloir. Aujourd’hui, c’est mon côté obscur, et je crois, en effet, qu’il y a un bon équilibre de la Force.

BDzoom.com : Pouvez-vous résumer les principaux thèmes qui apparaissent dans les dialogues entre patates ?

Perso, j’ai l’impression de dénoncer, de faire bouger les lignes, genre j’intellectualise pour faire croire qu’il y a un fond sous une apparente dégueulasserie, mais si j’en crois les descriptions faites par les lecteurs, c’est surtout des histoires de cul. J’aime bien m’amuser avec les sujets qui dérangent, les sujets glauques : l’inceste, la pédophilie, la nécrophilie et… ah oui, en effet, c’est quand même plutôt cul tout ça. J’ai toujours considéré mes patates comme des gros enfoirés, je leur fais dire des choses odieuses pour me moquer d’elles. Y a parfois un strip plus intelligent, qui sort du lot, mais c’est parce que je travaille beaucoup en plagiant les gens qui ont vraiment du talent.

BDzoom.com : Vous censurez-vous parfois ?

Au départ, pas le moins du monde, car j’étais absolument incognito. Le jour où vous faites votre coming-out et que vos parents commencent à vous suivre sur Facebook, ou des collègues, des amis, ben… on se retient parfois un peu plus. Mais pas trop. Maintenant, j’évite les sujets réellement sensibles, genre ceux pour lesquels on se fait couper la tête. Parce que j’ai une famille.

BDzoom.com : Avez-vous eu des retours outragés sur certaines de vos publications, une censure de l’éditeur ou de facebook, plateforme sur laquelle vous êtes très présent ?

Par de lecteurs, pratiquement jamais. Les gens qui suivent ma page savent ce qu’ils vont y trouver. Ceux qui n’aiment pas se désabonnent. Une fois seulement, j’ai eu un message d’une personne handicapée qui avait été blessée par un dialogue maladroit. Les patates en question étaient franchement dégueulasses vis-à-vis du handicap – je vous ai dit que les patates étaient des enfoirés ! – et la personne l’avait mal pris, ce que je peux comprendre. J’avais expliqué mon intention en retour et la personne l’avait tout autant comprise. Cependant, Facebook m’a supprimé ma page en avril 2019, juste après avoir atteint avec fierté les 10 000 abonnés. J’en ai créé une nouvelle, et en un an, j’avais retrouvé tous mes abonnés, mais paf ! Ils sucrent la page de nouveau. J’utilise une page de secours, mais Facebook s’en est rendu compte et l’a supprimée également. Bref, je ne publie plus que sur mon profil, car je n’ai plus de page. Et pour finir, les retours de mon éditeur… le gars est fou, il accepte tout. Je l’en remercie.

BDzoom.com : En règle générale, quels sont les retours des lecteurs ? Savez-vous si votre lectorat est genré, plutôt masculin ou féminin ? Avez-vous des anecdotes issues d’échanges avec vos lecteurs ?

J’ai assez peu de retours, si ce n’est les commentaires et les partages. Un petit message, deux ou trois fois par mois, d’abonnés qui me remercient d’égayer leur café grâce à mon dernier strip ou avec l’un de mes billets d’humeur. Ça fait super plaisir. J’ai l’impression qu’il y a autant d’hommes que de femmes qui suivent les patates. De toute façon je suis pour la parité, je suis donc aussi misogyne que misandre, en gros, je déteste tout le monde pareil.

Parfois des lecteurs m’envoient des idées de vannes, pour que je les adapte en patates, mais je refuse. Tout d’abord, car certaines existent déjà, voire sont carrément très connus, et je ne plagie que les gens pas trop connus, sinon ça se voit trop, et parfois c’est juste à chier. Comme tous les auteurs, j’ai le sentiment d’être le meilleur, donc ce qu’on me propose, c’est forcément moins bien.

David le Magnifique, extrait 1.

BDzoom.com : D’où vous viennent vos idées de scénarii ? D’expériences vécues ? De choses lues ou entendues ?

Durant toute mon enfance, mes parents ont essayé de me faire suivre par un psychiatre, mais je m’enfermais dans le placard de l’entrée pour ne pas y aller. Je me mettais tout nu, et j’avais un chien, Popy, et on jouait des heures durant, tandis que mes parents frappaient contre la porte du placard, menaçant de me tuer si je n’ouvrais pas, et moi, je mettais mes mains sur mes oreilles et je hurlais, et Popy était complètement excité, il était toujours en chaleur, ce con de clébard, et j’avais cet embout de parapluie qui me fascinait, et comme Popy… Pardon, je ne sais plus quelle était la question… Ah oui, les idées. Eh bien, non, aucune n’est issue d’expérience personnelle. J’ai une vie simple et équilibrée.

BDzoom.com : Vous venez de publier un roman : « David le magnifique », « une autobiographie fantasque et approximative, à la narration digressive, et à l’humour régressif » d’après l’éditeur. Est-ce un roman ou une autobiographie ? Y pratiquez-vous le même d’humour que dans « Patates » ?

En réalité, c’est un roman, mais les gens qui me connaissent reconnaissent des morceaux de tranches de vie, des personnes qui existent réellement. Mais clairement, c’est un pur délire. Ce n’est pas exactement le même humour que les patates, question de format, mais on retrouve énormément le mot  bite quand même, de l’humour absurde, et je crois que les lecteurs de Patates s’y retrouvent.

BDzoom.com : Quels sont vos projets maintenant, allez-vous privilégier livre pour enfants, BD pour public averti ou œuvre romanesque ?

Je poursuis mes strips patates, et quand il y en aura assez, on fera peut-être un tome 4, de toute façon l’éditeur s’est engagé sur 12 tomes si j’en crois la page de crédits à la fin de « Patates T3 ». J’ai un autre roman à paraître, dans quelques semaines ou quelques mois, il s’intitule « Le Bermuda », c’est très noir, drôle aussi, mais moins absurde, avec un petit côté thriller.

J’ai un chantier de polar patate, commencé il y a des années, et qui doit se faire aux éditions Lapin également. Il faut que je m’y remettre parce que ce sera très cool. Et pour finir, un projet de roman, un truc qui sera vachement bien, plus littéraire et plus construit que « David le magnifique », mais tout aussi drôle j’espère. Je nourris de grands espoirs avec ce projet. Y a plus qu’à l’écrire, quoi…

Et le jeunesse, bien sûr, car c’est mon activité artistique principale, et j’adore ça. J’ai des supers albums à paraître chez des éditeurs géniaux. J’en suis très fier.

Nous tenons encore à remercier David Berry pour sa grande disponibilité.

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Patates » T3 par David Berry

Éditions Lapin (16,00 €) – ISBN : 978-2-37754-101-0

« Croc-fesses » par Olivier Dupin (Un album rigolo sur le monstre qui vit au fond des toilettes)

Éditions Lapin (10,00 €) – ISBN :  978-2-3775-024-2

« L’Histoire du loup qui connaissait les lois » par Olivier Dupin (une revisite absurde des 3 petits cochons.)

 Éditions Lapin (10,00 €) – ISBN  978-2-37754-049-5

« Barbouillé » par Quentin Zuttion et Olivier Dupin (Un album sérieux traitant des violences familiales)

Éditions Lapin (12,00 €) – ISBN :  978-2-37754-085-3

« David le magnifique » par David Berry

Éditions Spinelle (13,00 €) – ISBN  978-2-37827-308-8

David le Magnifique, extrait 2.

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