Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Alex Varenne : l’érotisme et la classe…
Avec le décès d’Alex Varenne, hier 20 octobre à 81 ans, la bande dessinée érotique perd l’un de ses pionniers : sans nul doute le plus élégant et le plus virtuose. Si son nom demeure attaché à jamais à la bande dessinée pour adultes, il a servi avec la même classe des histoires aux scénarios à la fois plus profonds et plus ténébreux.
Né le 29 août 1939 à Saint-Germain-au-Mont-d’Or, Alex Varenne devient professeur en arts plastiques à Lyon, ses études terminées.
Après « Chronique de la Oil Mar », un premier album mort-né écrit par son frère Daniel (né en 1937) et accepté par Éric Losfeld, mais jamais publié pour cause de faillite, le duo se lance dans un nouveau projet, en 1968.
Il leur faut attendre dix ans et leur rencontre avec Georges Wolinski pour être édités.
Enthousiasmé par leur histoire post-atomique, il publie « Ardeur » en 1979 dans Charlie mensuel.
Poursuivi dans Libération, puis dans L’Écho des savanes, ce récit aux paysages désolés et aux personnages désespérés leur permet d’entrer au catalogue des éditions Albin Michel.
Les deux frères proposent ensuite « L’Affaire Landscape », « Corps à corps », « Un tueur passe », tout en réalisant « Bobby Lynn » en 1986 dans le mensuel (À suivre).
Après l’adaptation de « Mars » de Fritz Zorn sous le titre « Angoisse et colère » en 1988, Alex Varenne va désormais travailler en solo.
Ce sont surtout ses histoires coquines qui forgent son succès dans la presse, puis dans les albums qui les regroupent : « Carré noir sur dames blanches », « Érotic Opera », « Amours fous »…
La consécration dans ce domaine arrive avec la création d’« Erma Jaguar », en 1988, dans L’Écho des savanes.
Au cours des années 1990, les albums se succèdent à un rythme infernal : « Les Larmes du sexe », « L’Art érotique »… aux Humanoïdes associés, « Gully Traver » chez Casterman, « Lola », « Attention femmes », « Correction ou la confusion des sens » chez Albin Michel, « Fragments érotiques » à la Sirène, « Carlotta » chez Glénat…
Véritable consécration pour un auteur européen, en 1994, il démarre la publication, au Japon, du manga « Kiro » dans Morning, lequel sera traduit en France par Casterman.
Avec la fin des années 1990, la bande dessinée pour adultes connaît un sérieux coup de frein.
Alex Varenne revient à la peinture, plus lucrative pour lui, et publie ses bandes dessinées dans les magazines branchés « manga cul » des éditions Geisha où il anime le personnage de Yumi, mais aussi dans le mensuel Unionoù il propose une histoire complète tous les mois.
Quelques albums sont publiés par des petits labels : « Les 12 Signes de l’amour » avec Brigitte Lahaie chez Geisha, « Police by Night » aux éditions du Balcon, « Varenne peintures » chez BFB, « Les Années folles des maisons closes » chez Seven Sept…
Depuis une dizaine d’années, ses travaux de dessinateur sont réunis dans des albums soignés par les éditions Zanpano : « L’Érotisme caché », « Tondi », « Strip art », « L’Eau et la femme », « La Femme et l’homme animal ».
Il préparait son grand retour à la bande dessinée avec « Dolly Doll ».
Alex Varenne est l’auteur de nombreux portfolios, d’ouvrages aux tirages limités, de sérigraphies. Il n’a jamais abandonné la peinture, son activité principale depuis de nombreuses années.
Nous ne sommes pas prêts d’oublier ses femmes fatales campées avec élégance dans des décors aux noirs et blancs somptueux. La bande dessinée érotique vient de perdre l’un de ses créateurs parmi les plus emblématiques.
Henri FILIPPINI
« Alex Varenne travaille désormais en solo adaptant « Mars » de Fritz Zorn sous le titre « Angoisse et colère » en 1988. »
C’était toujours sur scénario de son frère, il me semble.
Vous avez raison, je me suis mal exprimé ; c’est en effet le dernier album réalisé avec son frère !
On corrige…
Henri FILIPPINI
Aaahh!… Erma Jaguar… La surprise était toujours au rendez vous pour ses amants (tes)… Merci M. Varenne!
Encore une triste nouvelle.
Vous écrivez « Il préparait son grand retour à la bande dessinée avec « Dolly Doll ». », où en était ce projet? Tout juste commencé, fait à moitié ou presque achevé?
Un dessinateur d’une modernité extraordinaire dans les années 80 ; dommage qu’il n’ait pas pondu un roman BD qui fût un succès !