« Le Menhir d’or » : l’univers Astérix, un chantier enchanté !

Si l’année 2020 a été notablement endeuillée par la disparition (le 24 mars) d’Albert Uderzo, l’univers d’« Astérix », créé depuis 1959 avec René Goscinny, continue fort heureusement de nous servir de potion magique régénérante, par le biais de mille et une annonces. Le 21 octobre, les éditions Albert René republient ainsi l’une des pépites méconnues de la série : le livre disque « Le Menhir d’or », écrit et enregistré en 1967, était devenu introuvable pour nombre de lecteurs et collectionneurs. Antihéros de cette aventure imaginée dans la veine des télé-crochets d’antan, Assurancetourix désire participer à un célèbre concours de chant des bardes gaulois… Une irréductible annonce qui a de quoi faire frémir tout l’empire romain, au-delà de la présence protective d’Astérix et Obélix ! Publié à 100 000 exemplaires, cet album de 48 pages bénéficie en outre d’une nouvelle mise en page et d’une restauration visuelle, suivie fin 2019 par Uderzo en personne. Une occasion en or de rendre hommage au talent des auteurs d’« Astérix », série de bande dessinée franco-belge la plus vendue au monde avec 380 millions d’exemplaires écoulés…

Astérix triomphera-t-il de la Covid-19 en 2020 - 2021 ?

Publiée dans Pilote de 1959 à 1973, poursuivie par Uderzo seul (entre 1980 et 2009) puis par Jean-Yves Ferri et Didier Conrad avec une belle régularité depuis 2013 (« T35 : Astérix chez les Pictes » ; « T36 : Le Papyrus de César » en 2015 ; « T37 : Astérix et la Transitalique » en 2017 ; « T38 : La Fille de Vercingétorix » en 2019), « Astérix » s’est assez sereinement installé en tête du marché de la bande dessinée européenne, soutenu s’il en était besoin par ses diverses déclinaisons filmiques, ludiques et para-BD. Plusieurs annonces successives sont ainsi venues rappeler le dynamisme incessant de cet univers, bien loin de l’immobilisme intransigeant de « Tintin » : à commencer par la double réédition anniversaire des 60 ans de « La Serpe d’or », proposée en version classique (depuis juillet), enrichie par un cahier bonus de 16 pages, et qui sera disponible en novembre en version luxe grand format, comprenant l’intégralité des planches encrées et un cahier making-of de 32 pages. C’est ensuivi l’annonce d’un prochain opus cinématographique (« Astérix & Obélix : L’Empire du milieu »), réalisé par Guillaume Canet, qui interprétera aussi Astérix aux côtés de Gilles Lelouche en nouvel Obélix, de Marion Cotillard en Cléopâtre et de Vincent Cassel en César. Ce film, attendu en salles en 2021, demeure une gageure en dépit de son budget de 65 millions d’euros, au beau milieu des inévitables retards et aléas liés à l’actuelle pandémie. Une série d’animation (en 52 épisodes de 11min30) centrée sur Idéfix (« Idéfix et les Irréductibles ») verra également le jour sur France Télévisions l’an prochain afin de raconter les aventures lutéchiennes (sic) de ce futur compagnon de nos fiers Gaulois. Parallèlement, notons la création – sous le même nom – d’une série d’albums BD dérivés, dessinés par Jean Bastide et scénarisés par Mathieu Choquet, auteur habitué à cet exercice sur d’autres séries animées (« Les Dalton », « Lastman », « Lanfeust Quest », etc.). Le scénario ? Une mystérieuse épidémie de hoquet qui impose la mise en quarantaine de toute la ville de Lutèce… Un récit imaginé avant l’irruption catastrophique de la Covid-19, assurent les auteurs ! Des aventures totalement inédites dans tous les cas, et qui pourraient assez vraisemblablement être (pré)publiées dans le numéro 10 d’Astérix Mag cet hiver. À suivre…

Une édition anniversaire pour « La Serpe d’or », aventure parue en 1960 dans Pilote.

Visuels pour la série d'animation et l'album « Idéfix et les Irréductibles ».

En attendant (fin 2021) le 39e opus des aventures d’Astérix, c’est donc un titre hors-série qui réapparaît en librairie cet automne. Bien loin des 5 millions d’exemplaires devenus la norme exceptionnelle pour l’impression des nouveaux titres, cet opus vise à compléter une série qui totalise déjà bon nombres de tomes précisément qualifiés de hors collection ou de hors-série. À commencer par les biens connus « Les 12 Travaux d’Astérix ! » (1976), « Comment Obélix est tombé dans la marmite du druide quand il était petit » (1989), « Le Livre d’Astérix le Gaulois » (1999), « Astérix et ses amis : hommage à Uderzo » (2007), « Astérix et compagnie » (2009) ou encore le très récent « Générations Astérix – L’album hommage », paru fin août 2019. Si plusieurs albums illustrés ont de tous temps accompagnés les différentes sorties cinématographiques (voir par exemple « Le Coup du menhir » en 1989 ou « Astérix et les Vikings » en 2006), voyons que la refonte récente de la maquette de toute la série (coordonnée par Hachette depuis 2010) a conduit l’éditeur à choisir de nouveaux critères. Et notamment à identifier clairement sous la référence d’« albums illustrés » uniquement trois volumes, parfois sous des titres légèrement modifiés : « Les XII travaux d’Astérix », « Comment Obélix est tombé dans la marmite du druide quand il était petit » et « Le Secret de la potion magique » (2018). L’actuel « Le Menhir d’or » est par conséquent le quatrième album à rejoindre très officiellement cette collection parallèle diffusée doublement par Hachette et les éditions Albert-René.

Quelques enregistrements et vinyles historiques !

En 1967, les éditions Dargaud, associées au label Philips, publièrent donc « Le Menhir d’or » sous forme de livre-disque, autrement dit un livret imprimé (d’une douzaine de pages illustrées) complété par un disque vinyle. Dans cette aventure imaginée par Goscinny, le regretté Roger Carel prêtait son inimitable voix à Astérix, Jacques Morel à Obélix, Jacques Jouanneau à Assurancetourix et Pierre Tornade à Abraracourcix. Parodiant le concours de l’Eurovision, cet épisode insolite devait également beaucoup à la musique de Gérard Calvi, compositeur officiant aussi sur les productions animées de l’époque. Cependant, les standards chantés par Assurancetourix (« Si j’avais un dolmen » parodiant Claude François, « Le Folklore armoricain » détourné de Sheila ou « Menhir montant » inspiré par Charles Trénet !) ne passionnèrent pas l’auditoire des bédéphiles. Mais, n’ayant pas obtenu le succès escompté, « Le Menhir d’or » fut rapidement retiré de la circulation ! Dargaud, qui avait précédemment réalisé des disques 33 tours à partir d’« Astérix le Gaulois » (décembre 1960) et de « La Serpe d’or » (décembre 1962), en reprenant les enregistrements des feuilletons diffusés sur Radio Luxembourg, réitérera toutefois l’opération bien des années plus tard, avec une version vinyle des « 12 travaux d’Astérix » en 1976.

Une réédition 2020 restaurée et réenregistrée...

Pour cette réédition, la douzaine d’illustrations originales illustrant le texte de Goscinny ont été entièrement remises à jour. Un travail de romain, supervisé par Uderzo fin 2019, rendu nécessaire pour supprimer la trame d’impression initiale tout en préservant la qualité de l’encrage, mais respectueux dans l’étalonnage des couleurs du rendu vintage des années 1960. Enfin, n’oublions pas le changement de support : le passage ici au format album classique de 48 pages, afin – comme l’affirme l’éditeur – de « mieux se plonger dans les textes et dessins de ces deux génies du neuvième art ». Cerise sur le gâteau, un nouvel enregistrement audio du « Menhir d’or » sera également disponible en téléchargement sur Internet : les voix de Jean-Claude Donda (Astérix), Bernard Alane (Panoramix), Guillaume Briat (Obélix), Emmanuel Curtil (Assurantourix), Julien Châtelet et Caroline Klaus vous permettront de juger des véritables talents d’Assurancetourix. Une nouvelle édition qui devrait barder dans vos enceintes, et assurément en-chantante !

Version originale et version restaurée.

Philippe TOMBLAINE

« Astérix hors collection T4 : Le Menhir d’or » par Albert Uderzo et René Goscinny
Éditions Albert-René (9,99 €) – EAN : 978-2864973461

Galerie

3 réponses à « Le Menhir d’or » : l’univers Astérix, un chantier enchanté !

  1. BARRE dit :

    Sur les deux dernières vignettes, si j’ai bien compris, la version originale est celle du haut? Si c’est bien ça, je dois avoir des problèmes oculaires car je la préfère nettement à la version restaurée!

    • JC Lebourdais dit :

      Moi aussi je préfère l’original, tout comme je préférais la version des autres albums originaux avant que quelqu’un chez Hachette ne s’avise que des couleurs criardes seraient mieux adaptées aux « goûts » des jeunes générations…Va comprendre, Charles.
      Mais ce qui me hérisse le plus, c’est l’audace d’avoir réenregistré l’audio en faisant un magistral bras d’honneur aux artistes vocaux originaux et à la musique de Gérard Calvi. Certes je ne nie pas le talent de Donda, Curtil et des autres qui sont sans aucun doute des pros dans leur genre, mais Jacques Jouanneau, Jacques Morel et surtout le légendaire Roger Carel sont irremplaçables. Par conséquent je vais me contenter de réécouter pour la énième fois le 33 tours acheté il y a bien des années et faire l’impasse sur ce nouveau produit un peu trop clinquant à mon avis. Une simple remasterisation n’aurait-elle pas suffi ? ou proposer les deux et laisser chaque génération choisir laquelle écouter…

  2. Thark dit :

    Entièrement d’accord là-dessus !
    Cette manie (voire cette obsession) d’une soi-disant « mise au goût du jour » – au détriment du respect des Å“uvres originales dans leur intégrité et leurs spécificités d’époque – me hérisse le poil !
    Pour Le menhir d’or, côté audio, on peut écouter par ici sa version initiale, plus colorée, plus croustillante que le nouvel enregistrement : https://youtu.be/xQjPySMvabQ
    (Hélas, un défaut sonore assez dommageable provoque des ‘bugs’ chroniques qui altèrent la restitution des épatantes musiques de Calvi. En revanche, ça n’abîme pas les savoureux dialogues !) :)

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