Les filles du Terrain vague : l’immortalité en 16 albums !

Entre 1964 et 1973, Éric Losfeld a publié 16 albums coquins qui, à l’époque, ont fait hurler les censeurs de la France gaulliste. Aujourd’hui cultes, ils conservent une réputation sulfureuse que nombre d’entre eux ne méritent pas. Benoît Bonte revient sur cette aventure éditoriale inédite, conduite par un personnage insaisissable. L’occasion est belle pour brosser un large panorama sur ces sexties qui ont fait apparaître, au grand jour, la bande dessinée pour adultes.

Né le 9 mars 1922 à Mouscron, en Belgique, Éric Losfeld se lance à Paris dans l’édition d’ouvrages souvent clandestins sous divers labels dont Arcanes, Le Terrain vague et, plus tard, Le Dernier Terrain vague.

Régulièrement censuré, il écrit une cinquantaine de romans pornographiques sous divers pseudonymes (dont Delfos), édite Vian, Kyrou, Miller, Malet, Sternberg, Ionesco ou Duchamp, réédite Sade et Masoch, et, enfin, publie clandestinement « Emmanuelle », en 1959.

Après avoir édité un millier d’ouvrages, tenu sa propre librairie rue de Verneuil à Paris, il décède le 18 novembre 1979.

Éric Losfeld découvre les attraits du 9e art bien avant l’arrivée de « Barbarella » à son catalogue : dès les années 1950, alors grand pourvoyeur en ouvrages vendus sous le manteau, il publie « Suzanne écolière d’amour ».

1963 marque son entrée dans le monde de la bande dessinée avec la parution de « Barbarella » de Jean-Claude Forest dont les pages sont issues du trimestriel V magazine.

Quinze autres albums suivront jusqu’en 1973, dont quelques-uns sont remarquables : « Jodelle » de Guy Pellaert, le premier « Lone Sloane » de Philippe Druillet, « Scarlett Dream » de Claude Moliterni et Robert Gigi, « Époxy » de Jean Van Hamme et Paul Cuvelier, « Valentina » de Guido Crépax, « Saga de Xam » de Nicolas Devil…Benoît Bonte consacre de longs chapitres à ces ouvrages, à leurs auteurs, à leurs rééditions et à leurs déboires avec la censure.

À ces textes riches en découvertes s’ajoutent d’autres tout aussi passionnants, dont celui consacré aux défricheurs où sont évoqués Giff Wiff, Phénix, Jean Boullet et son « Kiosque », V Magazine… et un autre dédié à « Elric le nécromancien » adapté par Philippe Druillet.

Sans oublier un cahier de documents édifiants qui s’ajoutent à la riche iconographie qui illustre l’ensemble de l’ouvrage.

Vous saurez tout sur « Les filles du Terrain vague » : titre quelque peu réducteur, tant ce bouquin est riche en informations sur l’ensemble de la bande dessinée pour adultes des années 1950-1960.

Benoît Bonte, né en 1958 à Tourcoing, travaille pour la publicité tout en collaborant aux éditions Artima/Aredit au début des années 1980.

Il aurait bien des choses à raconter sur le fonctionnement de cette maison mythique où il a remonté et lettré le matériel américain destiné aux nombreux magazines de format pocket.

Les numéros hors-série de Circuslui permettent de réaliser son rêve : dessiner ses propres histoires avec le concours du scénariste Jean-Pierre Croquet.

Benoît Bonte dans Circus.

C’est avec lui qu’il met en images, à partir de 1997, sept enquêtes de Sherlock Holmes pour la collection BDétective des éditions Lefrancq, puis pour Soleil.

Aujourd’hui dessinateur et graphiste, mais aussi musicien et amateur de pop culture de mauvais genre, il est très actif aux manifestations dans le domaine de la BD dans le nord de la France.

En 280 pages de format 16 x 24 cm en couleurs richement illustrées, il nous invite à voyager dans une période mal connue de l’histoire de la bande dessinée, au-delà des sempiternelles productions franco-belges.

Ce 31e volume de la collection Mémoire vive dirigée par Philippe Morin est modestement tiré à 800 exemplaires.

 Henri FILIPPINI

 « Sexties : les filles du Terrain vague » par Benoît Bonte

Éditions P.L.G (18 €) — EAN : 978 2 9178 3737 5          

Galerie

2 réponses à Les filles du Terrain vague : l’immortalité en 16 albums !

  1. Patrice Delva dit :

    Bonjour,

    Remarquons que les publications Losfeld s’inscrivaient en pleine période psychédélique Youthquake – Swinging London.

    http://www.forumpimpf.net/viewtopic.php?f=1&t=35498&p=793918#p793918

  2. Didier dit :

    Passionnant ! Mais pourquoi les caractères sont-ils aussi petits ? On s’abîme les yeux.

Répondre à Didier Annuler la réponse.

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