« L’Oiseau rare » : Stalner dans la Zone !

Après avoir sublimement adapté « Pot Bouille » et « La Curée » d’Émile Zola (Les Arènes), Éric Stalner et son fils Cédric Simon retrouvent la fin du XIXe siècle avec, cette fois-ci, une œuvre de pure fiction. Le duo fonctionne à merveille et propose un diptyque qui prend les lecteurs aux tripes. Avec pour cadre insolite la Zone : bidonvilles qui, à l’époque, ceinturait Paris.

En préambule à son histoire, Éric Stalner confie que ce récit lui a été inspiré par une photo d’Émile Atget découverte il y a longtemps : un document représentant une petite fille pauvre au sourire lumineux, chantant auprès de l’orgue de barbarie activée par un vieillard. Une photo qui l’a longtemps hanté et à partir de laquelle il a imaginé, avec la complicité de Cédric Simon, la trame de son intrigue.Nous sommes à Paris en novembre 1892. Eugénie, la gosse de la photo, chante face à une assistance de bourgeois pendant que, dans la foule, leurs complices les frères Lucien et Constantin allègent les spectateurs de leurs bourses. Eugénie vit dans une vieille roulotte stationnée au cœur de la Zone, en compagnie des deux frères, de son grand-père Arthur, et de Tibor l’ancien dompteur hongrois. Elle conserve pieusement les fruits de ses filouteries dans une vieille boîte en fer portant l’inscription L’Oiseau rare : le nom du cabaret de son grand-père qui a été détruit par un incendie et qu’elle rêve de faire reconstruire. Il n’y a rien de plus merveilleux qu’un théâtre pour une petite fille qui ne jure que par Sarah Bernhardt qu’elle vénère. Hélas, la vie n’est pas toujours généreuse avec les rêveurs. Les révélations concernant son passé, les problèmes avec les Apaches et la police, l’emprisonnement de Tibor et la mort du grand-père vont compromettre les beaux projets d’Eugénie. Et tant mieux pour nous lecteurs qui se passionnent pour ce mélodrame riche en rebondissements.Grâce à une solide documentation accumulée au fil de ses ouvrages précédents, Éric Stalner imagine avec crédibilité la vie quotidienne au cœur de cet ensemble d’habitations précaires, détruites seulement au début des années 1930 : là où s’entasse, dans la misère, le petit peuple de Paris chassé par la modernisation de la capitale menée par le baron Haussmann. L’auteur y fait évoluer des protagonistes tour à tour truculents, inquiétants, toujours vrais. Au héros principaux, s’ajoute une quantité de personnages secondaires dont les trognes, soigneusement croquées, raviront les lecteurs. Le scénario écrit avec la complicité de Cédric Simon est riche en situations cocasses, fidèle à la grande Histoire, tout en laissant une grande place à l’imagination. Alternant récits fantastiques et aventures situées au cœur de la réalité historique, Éric Stalnert poursuit avec ce diptyque la construction d’une œuvre riche et variée. Ce nouvel album est la première participation des Stalner père et fils pour le label Grand Angle des éditions Bamboo. Un cahier pédagogique consacré à la zone de Paris, à Sarah Bernhardt, et Serge Atget complète ce premier récit de 54 pages.

Extrait du tome 2.

Un ouvrage qui fera le bonheur des amateurs de bandes dessinées classiques aux images soignées et au scénario bien ficelé, d’autant plus que le deuxième et ultime tome de ce diptyque est déjà annoncé pour le début janvier 2021.

 Henri FILIPPINI

 « L’Oiseau rare T1 : Eugénie » par Éric Stalner et Cédric Simon

Éditions Grand Angle (14,90 €) — EAN : 978 2 8189 7544 2

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