C’est devenu une tradition depuis quatre ans (1) : tous nos collaborateurs réguliers se donnent le mot, en fin d’année, pour une petite session de rattrapage ! Même s’il est assurément plus porté sur les classiques du 9e art et son patrimoine, BDzoom.com se veut quand même un site assez éclectique : pour preuve cette compilation de quelques albums de bandes dessinées que nous n’avions pas encore, pour diverses raisons, pu mettre en avant, lors de leurs sorties dans le courant de l’année 2024.
Lire la suite...« Le Transperceneige » : double actualité !
La grande série fantastique imaginée par Jacques Lob, il y a plus de 40 ans, connaît une double actualité : début de « Snowpiercer » (première saison d’une série télévisée prometteuse diffusée sur Netflix) et publication aux éditions Casterman du second volume de la trilogie « Extinctions » signée Matz et Jean-Marc Rochette.
L’histoire éditoriale du « Transperceneige » est à elle seule une épopée. C’est en 1977 que Jacques Lob (1932-1990) et le dessinateur surdoué qu’était Alexis (Dominique Vallet, 1946-1977) travaillent sur les premières pages du « Transperceneige » : « Depuis que j’habite à la campagne, je voyage beaucoup par le train et c’est peut-être cela qui m’a donné l’idée de faire cette histoire. Alexis aussi pratiquait beaucoup les trains, mais je ne crois pas que ce soit uniquement pour cela que j’ai pensé à lui pour cette histoire ! Il s’agit d’un grand récit se passant à une époque où le monde a été envahi par le froid, où la civilisation a été vaincue par le froid. Et les derniers survivants se sont réfugiés dans un train, le Transperceneige, qui roule perpétuellement, sinon éternellement. On dit qu’il a mille et un wagons, ce qui est une façon un peu poétique de dire qu’il est très long. Et à l’intérieur de ces wagons s’est constituée notre société, une société très compartimentée. C’est très symbolique ! En tête du convoi, il y a les wagons dorés où vivent les maîtres, des aristocrates décadents et des prêtres mécanos. Viennent ensuite les classes moyennes puis, en queue, des wagons à bestiaux où les plus déshérités sont entassés dans une promiscuité épouvantable. Il y a aussi des wagons militaires et des wagons potagers où l’on pratique la culture sans sol… ».
Ainsi me parlait de son « Transperceneige » l’ami Jacques Lob, en 1978, dans le numéro hommage des Cahiers de la bande dessinée dédié à Alexis décédé à la suite d’une rupture d’anévrisme à l’âge de 31 ans. Il a eu le temps de dessiner seulement 16 pages, destinées à être publiées dans les premiers numéros du futur (À suivre) des éditions Casterman. Grâce à la gentillesse de Jacques Lob, douze ont été publiées dans ce Cahiers de la bande dessinée n° 38.
Après divers autres tentatives (dont un essai avec François Schuiten), il faudra attendre octobre 1982 pour découvrir les premières pages du « Transperceneige », dans le n° 57 de (À suivre).
Pour illustrer ce voyage au bout de la mort blanche, Jacques Lob s’est trouvé un nouveau partenaire, lui aussi fort doué : Jean-Marc Rochette. Lob à son tour décédé en 1990, le train aux mille et un wagons poursuit sa course folle avec d’autres scénaristes : Benjamin Legrand, Olivier Bocquet et Matz, mais toujours avec les dessins sublimes de Jean-Marc Rochette.
« Extinctions », imaginé par Matz et Rochette, revient aux origines du « Transperceneige ». Un groupe d’écolos terroristes radicalisés parvient à mettre son projet à exécution : détruire l’humanité par le froid, à la suite de catastrophes nucléaires en chaîne. Zheng, un milliardaire chinois, met au point un train indestructible dont le moteur autonome lui permet de rouler éternellement. Alors que la température de la planète chute régulièrement, le train parti de Pékin multiplie les escales, ceci afin de faire monter les survivants qui possèdent une réservation. En fil rouge, le jeune Jimmy et son père errent sur les routes d’une Amérique sous les glaces, à la rencontre du train…
Ce récit évoquant l’origine du « Transperceneige » (pas si éloignée de celle imaginée par Lob) permet de retrouver des personnages croisés dans les histoires précédentes. Inutile de vous dire qu’on se régale, d’autant plus que la noirceur des superbes images de Rochette vous met sans problème dans l’ambiance de ce récit glaçant.
Et voici que débarque la série TV, sept ans après « Snowpiercer » : l’excellent film du Coréen Bong Juon-ho, avec Chris Evans, Tilda Swinton, Ed Harris et Song Kang-ho (seulement 678 000 entrées en France, mais on peut en savourer les images sur Netflix). Il aura fallu cinq années de tractations pour enfin découvrir le premier épisode d’une première saison prometteuse, laquelle nous permet de retrouver le train et ses passagers six ans après son départ de Pékin.
Produite par la chaîne TBS, cette série est diffusée sur Netflix depuis le 15 mai, à raison d’un nouvel épisode hebdomadaire. Cette saison, qui compte dix épisodes, est interprétée par Jennifer Connelly, Daveed Diggs, Mike Summer et Iddo Goldbug. Le tournage de la saison 2, en cours de réalisation, a été interrompu pour cause de pandémie.
Je ne peux m’empêcher de penser avec émotion au bonheur qu’aurait éprouvé l’ami Jacques Lob en voyant sa création en si bonne santé, après tant d’années. Destin qu’il était loin d’imaginer lorsqu’il me parlait avec gourmandise de son projet…
 Si vous souhaitez retrouver l’intégralité du « Transperceneige », rien de plus simple. Il suffit de vous procurer les ouvrages disponibles aux éditions Casterman : « Le Transperceneige », intégrale éditée en 2014 réunissant les trois épisodes de la première époque signée Lob, Legrand et Rochette (280 pages, 25 €, EAN 9 782 2030 8805 4), « Terminus » réalisé en 2015 par Bocquet et Rochette (232 pages, 25 €, EAN 9 782 2030 8941 9) et enfin le premier épisode d’« Extinctions » de Matz et Rochette paru l’an dernier (96 pages, 18 €, EAN 9 782 2031 6581 6).
Henri FILIPPINI
« Le Transperceneige Extinctions T2 : Acte 2 » Jean-Marc Rochette et Matz
Éditions Casterman (18 €) — EAN : 9 782 2031 7229 6
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