Revenant au dessin et aux fondamentaux de ses débuts — à une époque où il privilégiait la gaudriole, le grand guignol et la liberté graphique, ce qui était notamment le cas dans le recueil intitulé « Nocturnes » —, Régis Loisel nous gratifie d’un étonnant et magnifique album, de très belle facture, aux éditions Rue de Sèvres : « La Dernière Maison juste avant la forêt », avec l’aide scénaristique de son ami Jean-Blaise Djian. Une histoire foisonnante — de 160 pages — située dans un univers loufoque, délirant, aux limites du fantastique, mais qui est remplie de bons sentiments, et où l’on retrouve tout l’amour pour l’humanité du cocréateur de « La Quête de l’oiseau du temps » ou de « Magasin général » !
Lire la suite...« Senso » : les jeux de l’amour et du hasard vus par Alfred…
Lui, il est là par hasard, et elle, elle ne voulait pas venir ! Pourtant, ces deux cinquantenaires vont être présents, tous les deux, à cette même fête de mariage, dans un vieil hôtel du sud de l’Italie… Avec cette belle et poétique facétie, l’auteur de « Come Prima » (1), Fauve d’or — Prix du meilleur album — au festival international de la bande dessinée d’Angoulême en 2014, met finement en scène les émotions, les hésitations, les désirs et l’anxiété d’une rencontre, alors que tout se met en œuvre pour séparer ces deux êtres un peu à la dérive…
Après diverses galères ferroviaires et caniculaires, alors qu’il se destine à aller voir une exposition des photographies de sa fille, Germano, un agriculteur bio ruiné et réseaux-socialement largué, trouve enfin son hôtel ; mais on lui annonce que sa chambre n’a finalement pas été réservée.
Comme la confirmation de son arrivée n’a pas été faite par internet ou par SMS, la chambre a été réattribuée à un couple d’invités au mariage organisé ce soir-là dans ce palace qui eut, certainement, son heure de gloire.
C’est le copropriétaire de cette résidence, qui n’a donc plus aucune chambre de libre pour la nuit, qui se marie. Or, par un heureux hasard, il se trouve qu’il s’agit de l’un des amis d’enfance de Germano.
Le nouveau marié l’invite alors aux agapes et lui propose de squatter un canapé à la réception, en attendant qu’une chambre se libère. Même s’il n’a pas trop le cœur à la fête, Germano va errer au milieu de la noce… C’est là qu’il rencontre Elena : une femme sympathique et assez joviale, mais un peu perdue elle aussi…
Mixant avec talent et pertinence les ambiances et les explorations graphiques, Alfred met en écho, à cette théâtrale situation de départ assez amusante et digne d’une comédie « à l’italienne », des projections sur des perspectives parallèles, en se basant sur ces expériences personnelles : des pages muettes avec un couple qui fait l’amour dans la chambre qu’aurait dû occuper Germano, des discours philosophiques et sociétaux tenus par un veilleur de nuit ou par des invités à la fête ayant trop abusé de la boisson, ou encore des promenades quasi oniriques dans un somptueux parc romantique, où tout peut arriver…
 « Senso » par Alfred
Éditions Delcourt (23,95 €) — ISBN : 978-2-7560-8284-4
 (1) Voir : « Come Prima » par Alfred.

















