La dernière interview d’Alain Saint-Ogan…

J’ai rencontré Alain Saint-Ogan le 10 dé?cembre 1973.

Le hasard me permit ainsi de réaliser la toute dernière interview professionnelle qu’il accorda, et ses ultimes photogra?phies.

Le lendemain, il entrait à l’hôpital.

J’ai rencontré Alain Saint-Ogan le 10 dé­cembre 1973.

 

Le hasard me permit ainsi de réaliser la toute dernière interview professionnelle qu’il accorda, et ses ultimes photogra­phies.

 

Le lendemain, il entrait à l’hôpital.

 

Il ne devait jamais en ressortir vivant. Dans son appartement de la rue de Passy, où il me reçut en présence de son frère Bertrand, je fis la connaissance d’un homme courtois, mais à l’aspect sévère, et presque intimidant. Pourtant trés vite, le contact s’établit. Et la longue conversation que j’eus l’heureuse idée d’enregistrer, prend aujourd’hui d’autant plus de valeur, que très vite son état empira, et que les quatre opérations suc­cessives qu’il subit, rendirent bientôt Im­possible toute conversation suivie.

 

Il est de tradition, dans ce genre d’in­terview, de le remanier plus ou moins, pour les lecteurs. Volontairement, je n’en ai rien fait, voulant conserver à ces lar­ges extraits, l’authenticité et les Imper­fections du document original.

 

 

 

J.-L D. ? Comment se présentait la Bande Dessinée à vos débuts ?

 

 

 

St-0. ? Eh bien d’abord, la Bande Des­sinée, en France, était alors réservée aux enfants. D’abord. Ensuite c’était un art mineur ? je n’ai pas dit » inférieur », j’ai dit mineur ? charmant et sans pré­tention.Maintenant c’est devenu un art complet, entier, pour adulte…

 

 

 

J.-L D. ? Le neuvième art…

 

 

 

St-O. ? … Oui, mais je regrette un peu, un tout petit peu justement, cette trans­formation. Parce que la Bande Dessinée était, au début, un peu ce qu’était le feuil­leton imaginé page par page, jour par jour… On mettait les héros dans une certaine situation, il fallait en sortir par une façon… pas absurde, mais extrava­gante. Et. dans le fond, il y avait une petite chute à la fin de chaque page. Et puis il y avait aussi quelque chose, c’est que le dessinateur faisait tout à ce moment-là. Il faisait le scénario, il faisait les dessins, il faisait même la couleur, sur calque d’ailleurs, mais assez grossière­ment parce que les procédés étaient beaucoup moins perfectionnés qu’aujour­d’hui. Mais, d’un autre côté, cela avait une qualité que n’ont plus les dessins d’aujourd’hui, c’est-à-dire une homogé­néité. Maintenant c’est trop.

 

Il y a le scénariste, il y a le dessinateur principal qui, dans le fond, ne fait que des silhouettes, les autos sont faites par un spécialiste, les maisons sont faites par un architecte, tant et si bien que cela ne va pas toujours très bien ensemble.

 

Mais il n’en est pas moins vrai que les dessinateurs actuels ?écoutez je ne cite­rai aucun nom ? sont très, très forts… très forts.,. Je dirais même que ce sont des conservateurs du dessin, ce qui n’existe pas beaucoup dans le dessin humoristi­que, et encore moins en peinture… où nous sommes en plein art abstrait… con­tre lequel je ne suis pas… dans le fond ça se soutient l’art abstrait… La musique, par exemple, est un art abstrait, incontes­tablement. Il n’en est pas moins vrai que c’est un art, peut-être même le premier de tous, car c’est le seul qui peut changer môme votre manière d’être, momentané­ment. Il est certain que certaines musi­ques vous rendent sentimental, certaines musiques vous rendent gais… vous don­nent envie de danser, et même le courage de mourir…

 

 

 

J.-L. D. ? Mais vous ne pensez pas que cette minutie du détail apportée par les dessinateurs actuels correspond a une exigence de leur public « J Il est connu qu’Hergé, par exemple, a été obligé de moderniser, dans ses rééditions, ses voi­tures, ses avions…

 

 

 

St-0. ? Nous sommes tout à fait d’ac­cord, mais ce n’est pas exactement ce que je voulais dire. Si vous avez, par exemple, un dessin humoristique et des personnages qui sont dans une voiture, il faut Que la voiture soit également humo­ristique… Il y a quelques années, quand on faisait une voilure dans un dessin, on se gardait bien de faire un modèle exis­tant, parce que c’était alors considéré comme une réclame…

 

 

 

J.-L. D. ? Vous regrettez donc que la précision d’aujourd’hui ait un peu détrô­née la fantaisie d’hier ?

 

 

 

St-O. ? … Oui… de même que la ten­dance, dans le dessin actuel, à l’exagé­ration caricaturale, contre laquelle je ne suis pas, quand elle est de bon goût… mais ce n’est pas toujours le cas…

 

 

 

J.-L D. ? Vous avez souvent abordé avec vos différents héros le fantastique et même la science-fiction, comment jugez-vous celle d’aujourd’hui ?

 

 

 

St-O. ? Extrêmement ennuyeuse, à mon avis… parce qu’il y avait une époque où l’on pouvait supposer qu’il y avait des habitants sur la lune par exemple… On ne peut plus, maintenant qu’on y va… D’un autre côté, on pouvait imaginer un certain nombre de possibilités qui sont rendues, par l’état de la science actuelle, absolument impossible, tant et si bien que cela réduit énormément les possibi­lités. Prenez l’apesanteur : c’est une chose qui pouvait être amusante à une cer­taine époque, mais maintenant cela n’amu­se plus personne… La vérité est qu’on se désintéresse aujourd’hui beaucoup de la réalité même de la science actuelle… les voyages dans la lune n’intéressent plus personne… ça devient d’une banalité désespérante… Alors il faut ajouter d’au­tres planètes, extrêmement lointaines, à des millions d’années lumière… tant et si bien que ça devient impossible… Alors II y a une surenchère continuelle… on ne se contente plus d’une hypothèse…

 

Prenez Wells, par exemple ? je suis un grand admirateur de Wells ?, il y a une hypothèse qui est valable, c’est l’Homme invisible, ou le Voyageur dans le temps, quoi que… quoi que.. Il y a une contradiction très grande dans le Voyageur dans le temps.. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de faire un article sur ce sujet ? bien imprévu pour moi ? dans – La Revue des 2 Mondes », pour démon­trer justement l’impossibilité de retourner en arrière, pour une machine voyageant dans lô temps… C’est assez compliquéà expliquer, mais je vais essayer.

 

Supposons par exemple, pour simplifier, qu’il parte un 1″ janvier 1972 et qu’il arrive le 1er janvier 1973. Alors, à ce mo­ment-là il descend et il passe un cer­tain temps en 1973. Eh bien il est cer­tain qu’il ne pourra plus jamais repartir, parce qu’il ne pourra plus jamais repasser par le temps où il était hors de sa ma­chine…

 

 

 

J.-L O. ? Mais tout cela nous éloigne un peu de la Bande Dessinée… Comment y êtes-vous arrivé ?

 

 

 

St-O. ? Si vous voulez, j’ai commencé les dessins dans les journaux… d’ailleurs je continue encore dans le «Parisien Li­béré», mais je dois dire que pour ce qui est de la Bande Dessinée, ça a com­mencé, parce qu’il y avait à ce moment-là un journal qui s’appelait « Dimanche Illustré», avec, dans sa double page du milieu, une histoire de Bicot, qui était une histoire américaine, et la Famille Mir­liton, je crois, histoire américaine aussi.

 

En dernière page il y avait de la publi­cité. Mais il n’y avait pas toujours de la publicité. Tant et si bien que, pour rem­plir cette dernière page quand elle était incomplète, ils ont eu l’idée de me deman­der une histoire, en Bande Dessinée. Elle parut donc, pas très régulièrement, et j’allais très vite. L’histoire était d’une simplicité enfantine : deux gossss qui veulent faire fortune en Amérique ?ça me paraissait être un sujet sur lequel tous les enfants ont rêvé?, alors évi­demment, la première page, ils essayaient de partir, ils prenaient un bateau bien sûr, forcément, obligatoirement, le bateau fai­sait naufrage, forcément ils se réfugiaient sur une île avec des nègres… et puis ça eut brusquement tellement de succès que, du coup, on a débarqué la Famille Mir­liton, on m’a mis au centre, à côté de Bicot, et qu’à ce moment-làà commencé véritablement l’histoire de Zig et Puce, parce que je me suis dit, il faut y aller beaucoup plus doucement… et en effet, puisque ça a duré quelque chose comme… près de quarante ans. Même la guerre n’a pas interrompu leurs aventures.

 

Après la guerre, ils ne paraissaient plus dans » Dimanche Illustré» puisque cet hebdomadaire n’existait plus, mais dans « Cadet-Revue », qui était un de mes jour­naux ; puis ça a paru à l’étranger., ça a paru dans des quantités de choses… en Belgique… au Canada… en Hollande… en onze langues quoi…

 

 

 

 J.-L. D. ? De lous les nombreux héros que vous avez créés, ce sont eux qui ont eut le plus de succès ?

 

 

 

St-O. ? Oui… je ne agis pas pourquoi d’ailleurs.

 

 

 

J.-L. D, ? Et pour quelle raison Puce a-t-il hérité de cette coiffure « piquante » et si originale ?

 

 

 

St-O. ? Qu’est-ce que vous voulez… Pourquoi Tintin a-t-il une mèche sur la tête ?…

 

 

 

J.-L D. ? Oui. mais reconnaissez qu’il s’agit là d’une coiffure plus classique,

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