« Décennies Marvel dans les années cinquante : oh, Captain America, pourquoi es-tu si méchant ?» et les Skrulls déclarent la guerre !

A l’occasion des 80 ans des comics Marvel, Panini édition propose une collection patrimoniale bienvenue : Décennies. Chaque volume s’attache à célébrer un personnage, une décennie, avec une sélection de récits rares. Une aubaine, consacrée pour ce volume 2 à un Captain America vintage chassant les communistes dans un flashback assez kitsch. Mais est-ce bien Steve Rogers  ?
On parle aussi plus bas de la guerre Krees/Skrulls.

Dans Young Men #24, d’Atlas comics, daté décembre 1953, la couverture fantastique nous dévoile un homme torche du plus bel effet, envoyant des boules de feu contre un immeuble. Un des passants, affolé, crie « Regardez, il est revenu d’entre les morts, c’est la torche humaine » Dans une petite bande au bas de la couverture, le Submariner (Namor) et Captain America ainsi que son fidèle Bucky ont chacun une vignette, assurant leur retour dans ce numéro. Sur six pages, nos deux acolytes au service de la grande Amérique vont sauter d’immeubles en immeubles, à la seule force de leurs corps de soldats entrainés, à la poursuite des méchants jaunes, des « rouges », « vermines communistes ».

Comme l’explique en introduction de l’album Jess Harold, ce volume permet de redécouvrir une période phare pour le héros au bouclier. Celui-ci combat en effet dans ces dix récits (plus un) les communistes, et un crane rouge passé chez les soviets. Mais comme chaque amateur ne manquera pas de le remarquer, notre héros est sensé être mort avant la fin de la deuxième guerre mondiale, et ne doit réapparaître que dans les années soixante ? Qu’est-ce donc que ce tour de passe passe ?

En fait, comme l’écrit Roy Thomas lui-même dans ses deux postfaces datées 2006 et 2008. En 1949, Human Torch, Sub-Mariner, Captain America et la série phare de la maison d’édition Marvel Mystery Comics sont toutes annulées. Les quatre titres se sont transformés en séries horrifiques ou romantiques, et vivotent jusqu’en 1957. Cependant, dés 1953, Martin Goodman, éditeur Chez Timely Comics, souhaitant surfer sur le succès de la série télévisée « Les Aventures de Superman », et donc d’une nouvelle mode super-héros, décide de parier sur un retour improbable de ses propres héros. Cela se fait sur une poignée de revues de la future maison des idées, dont Young Men. Sur huit mois, pas moins de vingt-deux numéros vont être publiés (2 Human Torch, 10 Sub-Mariner, 5 Young mens, 2 Men’s Adventures, 3 Captain America), avant que les ventes ne dégringolent et que les titres ne stoppent pour un bon moment.

Du Romita senior influencé par ses maîtres, jusqu'aux thèmes...

Dans la revue Young Men, l’épisode mettant en scène nos deux héros à la bannière étoilée ne dure à chaque fois que sept pages maximum. Pas de quoi développer un récit très prenant. Crane rouge, l’Exécuteur ou Captain America lui-même ‘« La Trahison de Captain America ») sont au centre des histoires, assez basiques, où l’on traque et frappe à coup de poings son adversaire.  John Romita senior est au dessin (et quel dessin!), sur le scénario d’un auteur dont le nom n’est pas parvenu jusqu’à nous. Mort Lawrence assure l’épisode de Men’s Adventure #27, et la case 1 de l’épisode # 24, redessinée suite à la demande de l’éditeur. Le dessin original de Romita est cela dit reproduit en fin de volume. Le style de John Romita jr évolue rapidement au fil des épisodes, et aussi bien dans Young Men que Men’s Adventures, et encore davantage dans Captain America, on se régale de ce dessin très marqué années cinquante, mais on pourra dire aussi Ec comics. Les figures sont très caricaturales, ou très stylisée, c’est selon, les corps toujours en action, et les cadrages hyper dynamiques. On remarquera facilement les références du dessinateur aux maîtres que représentent alors Jack Kirby et Milton Caniff. Je rajouterai aussi Jack Davis.

Mais alors, quelle est la réponse à la question posée en début d’article ? Comment ce Captain America sensé être mort revient en 1953 ? Howard Chaykin et Edgar Delgado nous apportent un début de réponse dans leur très bon « Captain America Theatre of War – America First » publié originellement en 2008. Dans ce récit de 44 pages au dessin semi réaliste très adulte, les auteurs nous plongent dans une chasse à l’ennemi rouge, qui donne l’explication de l’existence de ce nouveau héros, un étranger qui aurait pénétré, après la guerre, des entrepôts nazis interdits à Berlin, et qui aurait rapporté aux fédéraux la formule volée du sérum de super soldat. Il aurait négocié un marché avec eux, devenant ainsi le deuxième Captain America, luttant contre le communisme, la nouvelle menace. Alors que Nick Fury, agent du CIA doit répondre de ses actes devant la cour et le sénateur Mc Murphy, le plus convaincu des chasseurs de « rouge », notre héros incriminé découvre le pot aux roses… Une histoire énergique et sans concession, concluant en beauté ce recueil d’inédits.

Captain America par Howard Chaykin

Le précédent volume était consacré à la Torche humaine, celui des années soixante, paraissant en juin, mettra Spider-Man en avant, tandis que celui des années soixante-dix (juillet), consacrera la légion des monstres. Ce tome s’impose comme un indispensable pour tout amateur de Captain Amercia et de Marvel en général, ne serait-ce que pour l’aspect patrimonial, en faisant fi d’un côté un peu suranné autorisant pas mal de sourires. Cela dit, les encrages de John Romita senior et l’épisode d’Howard Chaykin valent largement le détour. Une collection top, pour amateurs.

© Panini comics - John Romita Jr 2019

Restons avec Captain America, pour parler d‘un album paru il y a quelques semaines :
« Avengers : la guerre Krees/Skrulls », réédition bienvenue d’un classique des Avengers de 1971 précédemment édité y a dix ans et particulièrement dans l’actualité grâce aux derniers films Marvel/Disney. Roy Thomas, Neal Adams, et la famille Buscema y sont au top.

Pour tous les amateurs des Avengers, les deux derniers films « Captain Marvel » et « Avengers Endgame » auront permis de se familiariser un peu plus avec les deux races d’extraterrestres opposées : les Krees, dont est issu Captain Mar-Vel, et les Skrulls, figures belliqueuses à première vue, vertes de peau et anthropomorphes. Cet arc commence avec le Avengers 89 en juin 1971. Sal Buscema est au dessin, tandis que les Avengers découvrent un Captain Mar-Vel nouveau, revenu sur terre suite à une mission inachevée. Ce dernier est cependant mourant, chargé d’énergie radioactive et doit être sauvé.

L’occasion d’un flashback sur son histoire et de la mise en avant des personnages de Rick Jones, son Alter ego, Vision et Goliath. Nick Fury est aussi de la partie, pour tenter de défendre un tant soit peu cette équipe, accusée par H.Warren Craddock, président du comité des affaires alien d’en aider un. Ces événements trouvent un épilogue de première partie dans le numéro 92, avec l’épisode « Tout a une fin », qui voit l’équipe anciens et « nouveaux » Avengers se disloquer.

On est en 1971, ou bien ? © Panini comics - Roy Thomas, Sal Buscema

La vraie guerre du titre du recueil commence avec l’épisode suivant, « La terre en ligne de mire », mis en scène graphiquement par Neal Adams. Et là, concrètement, le niveau va monter et le scénario s’étoffer, s’ouvrant encore d’avantage sur la science-fiction et le Space Opera. D’abord avec l’excellent passage du voyage de Ant Man à l’intérieur même de la Vision, afin de le sauver du mal qui le ronge, (« Journey to the Center of an Android », hommage au film de 1966 « Le voyage fantastique »), puis ensuite par l’apparition et l’attaque d’une escouade de Skrulls, piégés depuis quelques mois sur terre par Red Richard sous la forme de…vaches.

Un élément qui pourrait prêter à rire si les conséquences n’étaient pas désastreuses et synonymes d’un conflit galactique. Car les Skrulls détiennent Captain Marvel et souhaitent par tous les moyens lui soutirer le secret des omninondes afin d’anéantir la Terre, et leurs ennemis Krees au passage. L’élément vraiment extraordinaire, cela dit, est très certainement le moment où Rick Jones, retenu par Ronan, inquisiteur Kree banni, est aidé par l’intelligence suprême, et, à travers l’espace et le temps, permet à Captain Marvel de retrouver certains pouvoirs. Le summum étant l’improbable mais magnifique feu d’artifice provoqué par l’apparition presque fantomatique des héros Marvel de l’enfance de Rick Jones, matérialisés grâce aux pouvoirs incommensurables de son « hôte », permettant de mettre un point au conflit. Une fin dessinée par John Buscema, et qui n’en est pas vraiment une, car l’on sait qu’avec ces héros, il est bien difficile de les garder à la maison.

Neal Adams : a Real Space Opera !

Toujours est il que cet arc, écrit par une équipe de talents mille fois reconnus, (en n‘oubliant pas Sam Granger pour les premiers, puis Tom Palmer ensuite à l’encrage), fait partie des épisodes, sinon fondateurs, au moins pouvant être considérés parmi les plus indispensables de l’âge de bronze. Chaque amateur de comics de super héros se doit de le posséder dans sa bibliothèque. Couvertures originales, crayonnés et planches encrées sont ajoutées en fin d’album.

 

Franck GUIGUE

« Décennies Marvel dans les années cinquante : Captain Amercia : la légende » par John Romita senior, Howard
Chaykin, Edar Delgado
Éditions Panini comics (26 €) – ISBN : 978-2809480061

Un récit publié dés 1982 en France dans le petit format Thor.

 

 

 

« Avengers : la guerre Krees/Skrulls »
par Roy Thomas, Sal Buscema, Neal Adams et John Buscema
Éditions Panini comics (22 €) – ISBN : 978-2809480023

 

 

Galerie

2 réponses à « Décennies Marvel dans les années cinquante : oh, Captain America, pourquoi es-tu si méchant ?» et les Skrulls déclarent la guerre !

  1. Crissant Clavier dit :

    Article intéressant sur une époque plus naïve des comics,le plus souvent.

    Toutefois ,il y a quelques petites confusions entre John Romita père et fils :-) .

    • Franck G dit :

      Mais c’est bien sûr Criss ! Le senior apparaît, puis se transforme en Jr…
      Merci de votre attentive lecture, et du commentaire, et « rendons à césar…  »
      Cordialement,

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