Road trip initiatique pour un veilleur des brumes de moins en moins contemplatif …

Nous avions laissé Pierre, Roxane et Roland en fort mauvaise posture à la fin du premier volume de « La Veilleur des brumes ». Isolés, perdus dans une forêt menaçante, ils n’ont que huit jours pour retrouver le calme protecteur de leur cité du Val-de-l’aube. Commence pour eux un long voyage dans un univers inconnu mais sans ténèbres qui va leur permettre de découvrir beaucoup de choses sur le monde et surtout sur eux-mêmes.

Il y a un an, à la sortie du premier volume de la série, nous avons fait connaissance avec toute une petite troupe d’animaux anthropomorphes. Parmi eux, le petit Pierre un jeune cochon orphelin et très courageux. Jour après jour, il entretient la mécanique précise d’un moulin installé sur un gigantesque barrage. En l’actionnant, toutes les douze heures, il repousse une brume noirâtre et mortifère. Le créateur de cet ingénieux système n’est autre que son père. Le veuf en a montré toutes les subtilités à son fils attentif avant de s’enfoncer, un soir de profonde déprime, au sein du brouillard surnaturel.

Le Veilleur des brumes T2 page 10

Désormais seul, le timide Pierre a des journées bien occupées entre l’entretien des délicats mécanismes du moulin et ses journées du cours. La vie n’est pas facile pour lui car les habitants de la petite bourgade du Val-de-l’aube ne lui montrent aucune gratitude pour son action bénévole. Au contraire, il est ostracisé par la plupart de ses camarades. Roxane, une jeune renarde délurée est sa seule amie. Et encore, Pierre est désespéré qu’elle soit souvent accompagnée par un gros hippopotame balourd, prénommé Roland.

Or, un jour qu’ils sont tous les trois en haut du barrage, une monstrueuse avancée de la masse noire surnaturelle et tueuse fragilise le moulin. Les trois enfants sont emportés au loin, au cœur d’une forêt régulièrement recouverte par les brumes. Ils ont neuf jours pour rejoindre leur cité avant la venue d’une nouvelle vague. Commence alors un long et périlleux voyage en territoire énigmatique et dangereux.

Crapauville

Ce deuxième volume détaille une semaine de ce périple incertain à la découverte d’un monde fort différent de celui qu’ils s’imaginaient.  En effet, loin des ténèbres redoutées, le trio d’aventuriers en herbe découvre des cités ressemblant étrangement à la leur. Ainsi Crapauville est protégée de la brume nocive par un barrage très haut et un moulin comme Val-de-l’aube.

Mais la cité qu’ils explorent est beaucoup plus grande et industrialisée que la leur et le moulin est entièrement automatisé, donc pas besoin de veilleur ici. Roxane, Pierre et Roland ne sont pas au bout de leurs surprises, ce monde qu’ils croyaient mort est vivant, bien vivant même, peuplé de différentes tribus aux coutumes plus ou moins étranges.

Le Veilleur des brumes T2 page 22

Guidé par Vince, un lézard à collerette exubérant, le trio d’amis s’enfonce profondément en terre inconnue jusqu’à l’antre souterrain de Frida, une rhinocéros mystérieusement devenue reine des taupes. De là, Vince peut les reconduire en ballon volant jusqu’à leur ville d’origine. Il est grand temps, une vague de brume est annoncée pour le lendemain mais, Pierre hésite, il sent qu’il est proche de découvrir un grand secret. Il a remarqué, en différents endroits, la marque du veilleur des brumes, toujours accompagnée par l’ombre noire et flottante de son père. Il a besoin de connaitre la source de ces marques et sans doute celle de la brume malsaine.

Ce beau et dense petit album étale sur près de 160 pages une intrigue prenante, malicieuse et émouvante. Dans ce récit initiatique original, en se déplaçant dans un univers inconnu qu’il subodorait bien plus dangereux, le petit Pierre prend conscience de bien des aspects du monde réel et des manières de l’aborder pour lui, si introverti à l’origine. De quoi développer pour les auteurs des thématiques humanistes telles l’amitié, l’acceptation de l’autre, le travail de deuil, la solidarité dans un groupe ou l’appropriation de sa propre indépendance à l’adolescence.

Le road trip commence ...

Les auteurs, – Robert Kondo et Dice Tsutsumi -, sont d’anciens directeurs artistiques du studio Pixar. Ils ont ainsi œuvré sur des films comme « Ratatouille », « Toy Story 3 » ou « Monster University ». Ensemble, ils réalisent « The Dam Keeper », en 2015. Ce court métrage d’animation reçoit un Oscar la même année. Ils créent ensuite leur propre studio « Tonko House », qui leur permet de diffuser la bande dessinée, « Le Veilleur de brumes », adaptée de leur film.

Nous signalions dans cet article tout le bien que nous pensions de leur travail : « La série est digne d’éloges. Profondément humain, le récit se déroule à la hauteur d’un enfant solitaire et observateur. Le lecteur partage ses angoisses, ses peurs, ses envies. La fable fantastique bascule, vers une quête initiatique dans un milieu inconnu et hostile. De quoi intriguer, car nul ne peut prévoir ce que vont découvrir les trois petits robinsons. Le dessin rond, expressif et très inventif, de Tsutsumi développe le côté étrange et inquiétant du scénario. La gamme chromatique choisie surprend et charme : de la douceur, des effets de clair-obscur artistiques et un jeu fascinant sur les degrés de noirs de la brume mortifère et changeante. ». Nous maintenons ces éloges dans l’attente impatiente de la sortie du troisième et dernier volume, prévue pour le printemps 2020.

L'ombre du père

Vince, un lézard exubérant

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Le Veilleur des brumes T2 : Un monde sans ténèbres » par Daisuke « Dice » Tsutsumi et Robert Kondo

Éditions Grafiteen (16,50 €) – ISBN : 978-2-7459-9500-1

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>