Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...L’univers de Conan s’enrichit d’un « Apprenti Criminel »
Éditée depuis 1994, la série « Détective Conan » approche la centaine de recueils en papier, près de 1000 épisodes télévisuels diffusés ainsi que plus de vingt longs métrages sortis en salles. On peut clairement considérer cette série comme un classique du manga. Comme si ce n’était pas assez, il existe également des jeux vidéo, des romans, des adaptions live et même des séries dérivées à l’instar d’ « Apprenti Criminel », dont le premier tome vient de paraître en français aux éditions Kana.
« Apprenti Criminel » nous emmène dans la vie d’un homme qui se fait appeler Kris Minel. Un pseudonyme un peu trop évident, vous n’imaginiez quand même pas que cela pouvait être son vrai nom  ? Ce campagnard est à l’image de son sobriquet, complètement à côté de la plaque. Arrivé à Beika, dans la célèbre ville où officie le plus jeune des détectives, le bien nommé Conan, il va devoir affronter la jungle urbaine en commençant par déjà trouver comment sortir du métro. En effet, perturbé par les tourniquets automatiques, il ne sait pas où introduire son ticket papier. Il peine à comprendre le mouvement de main furtif des habitants de cette grande ville qui débloque cette sécurité qui ressemble à un obstacle titanesque pour lui. Bien sûr, sa première pensée va être de tuer l’étudiant qui se moque de lui et faire exploser ces barrières qui lui bloquent le chemin. Mais bon, il se dit qu’il a « autre chose à faire que perdre du temps à commettre des meurtres insignifiants ! » et de rajouter « Tu l’as échappé belle toi ». En effet, Kris Minel se voit déjà en génie du crime, mais pour le moment il doit d’abord chercher un logement dans ses moyens. Or, les seuls appartements qui sont accessibles à sa bourse sont ceux qui ont été le théâtre de crimes sanglants. Et pour couronner le tout, il arrive à se faire détrousser ce qui lui restait d’argent dans un bar douteux d’un quartier évidemment mal famé. Bref, sa carrière de criminel est mal engagée et, pour le moment, elle se résume à visualiser mentalement ce qu’il pourrait éventuellement faire subir aux personnes qui le contrarient.
Bien sûr, Conan, ainsi que d’autres protagonistes du manga original apparaissent dans cette série dérivée. Néanmoins, l’histoire est dès le départ centrée sur ce criminel en devenir. Et il est aisé de le reconnaître, car il n’est dessiné qu’en silhouette noire comme une ombre furtive. Tous les autres criminels sont également dessinés de la sorte. Du coup, il est particulièrement aisé de distinguer les méchants un peu patauds de cette histoire. Surtout, on comprend immédiatement que cela risque de mal finir pour eux au vu des actions entreprises. Ce manga n’est donc pas basé exclusivement sur une question de suspens. Cela a même un côté burlesque qui fait qu’«Apprenti Criminel » relève plus de la comédie que du polar.
Côté dessin, Mayuko Kanba a été à bonne école avec Gosho Aoyama le créateur de l’œuvre originale. Même si ses dessins n’ont pas la souplesse de ceux du maître, ils restent dans le même style clair tout en étant beaucoup plus épurés. Le personnage principal étant un jeune adulte, cette différence de traitement est même bienvenue. Les fans du jeune détective Conan se sentiront en terrain connu et devraient apprécier l’intrigue construite au fil des pages avec toutes ces pensées meurtrières qui parasite le quotidien du jeune campagnard. Bien entendu, les mêmes clins d’oeil à Sir Arthur Conan Doyle sont distillés ici, à commencer par la ville de Beika-chô qui, du point de vue de la sonorité, ressemble fortement à Baker Street, là où résidaient Sherlock Holmes et le Docteur Watson chez Mrs Hudson. À noter que la couverture reprend les stéréotypes des romans noirs avec même un hommage volontaire ou non à Edgar P. Jacob avec ce rond jaune mettant en lumière le personnage principal comme dans « La marque jaune ».
« Apprenti Criminel » reste un manga bon enfant destiné avant tout au lecteur de la série mère  : « Detective Conan ». Pour le moment, le crime ne semble pas payer et surtout, on ne sait pas encore qui ce jeune homme veut tuer dans cette ville qui semble le dépasser.
Gwenaël JACQUET
« Apprenti Criminel » T1 par Mayuko Kanba Éditions Kana (6,85 €) – ISBN  : 9782505076230