Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Après sa très spectaculaire « Partition de Flintham », revoilà Barbara Baldi et son travail pictural éblouissant, fascinant, étrange aussi, réalisé autour de personnages qui inspirent la pitié et dont on a du mal à se détacher. Avec « Ada », on est en Autriche, en 1917, mais loin, très loin de tout, et surtout de Vienne, au fin fond d’une forêt ténébreuse où règne l’autorité écrasante d’un père exécrable…
On entre dans les récits de Barbara Baldi par des paysages travaillés comme des tableaux, des forêts inquiétantes, des ciels sombres aux nuages menaçants, plutôt à la tombée de la nuit quand la lumière se perd et que la solitude pèse encore plus fort. C’est dans cet apparent no man’s land que vivent Ada et son père, la douce et silencieuse Ada et son père gueulard à la bouille effroyable. Il est bucheron, mais il est probable que même les arbres le détestent !
Depuis que la mère est partie, l’homme est devenu autoritaire et monstrueux, faisant de sa fille sa bonne à tout faire. Point d’inceste, non, mais une esclave, corvéable à merci. Pourtant, Ada obéit, se tait, ne réagit pas, se réfugiant dans l’observation des décors qui l’entourent, leurs couleurs, leurs formes, car Ada est une artiste s’isolant dès qu’elle peut pour peindre. Son goût pour les crayons et les pinceaux la font tenir, mais jusqu’à quand ?
On souffre pour elle, on aimerait tant qu’elle se révolte, mais on fait comme elle : on profite des paysages, on savoure ces ciels inspirants, ces arbres ployant sous le vent, ces lueurs matinales et ces soleils timides, mais également les pluies glaçantes ou les neiges éteignant les contours. Ada la timide, la taiseuse, résiste pourtant, intérieurement, artistiquement : la louve sortira du bois et Vienne n’est pas loin, Egon Schiele non plus…
Ce deuxième album de Barbara Baldi est aussi remarquable que le premier, publié en mai 2018 et qui nous invitait du côté de Nottingham, en 1850, avec une très sombre histoire d’héritage à la clé. Au cœur du conflit, deux sœurs que tout oppose, l’une, Olivia, souhaitant tout vendre ; l’autre, Clara, s’obstinant à sauver le domaine de Flintham, mais s’enfonçant peu à peu dans les difficultés, les échecs, les drames, la déchéance… Là encore, la coloriste et illustratrice faisait la part belle aux paysages, neigeux, pluvieux, glauques, avec un récit dramatique autour d’une jeune femme également artiste (claveciniste en l’occurrence), solitaire et battante.
Ces deux portraits de femme forcent l’admiration par l’économie des mots et la puissance des images qui les mettent en scène. Émouvantes, troublantes, elles séduisent le lecteur, le travail pictural de chacune des cases n’étant pas étranger à la fascination qu’elles provoquent et qui les rend inoubliables.
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Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
 « Ada » par Barbara Baldi
Éditions Ici-Même (24 €) – ISBN : 978-2-3691-2051-3
« La partition de Flintham » par Barbara Baldi
Éditions Ici-Même (24 €) – ISBN :