Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Aux carrefours du destin » : Autheman, pionnier du roman graphique…
Il est des auteurs qui, malgré leur immense talent, ne parviennent pas à trouver leur lectorat. C’est le cas de Jean-Pierre Autheman qui, dès le début des années 90, a tenté de séduire les amateurs de bandes dessinées en cassant le format de l’album cartonné de 46 pages en couleurs qui dominait alors le marché de la BD. Cinq récits éblouissants de ce pionnier du roman graphique sont aujourd’hui réunis dans un pavé de près de 900 pages !
Né à Arles en 1946, malgré des études d’architecture et de lettres, Jean-Pierre Autheman se tourne vers la bande dessinée dès le début des années 70. En 1972, il publie à compte d’auteur son premier album, « Mémoires d’un gardien de phare ». Repéré par Georges Wolinski, il entre en 1975 à  Charlie Mensuel. En 1978, il publie seul « Escale à Nacaro », première histoire avec Condor dont il poursuit les aventures avec le dessinateur Dominique Rousseau. Seul, il crée « Vic Valence » en 1978 dans Circus dont le premier épisode reçoit le prix Alfred du meilleur album à Angoulême. Faute de séduire les lecteurs de BD classique, il se tourne vers le roman graphique avec la publication du « Filet de Saint-Pierre » en 1992 aux éditions Glénat.
Un autre ouvrage suivra chez le même éditeur, puis trois autres aux éditions Dargaud. Après avoir signé « Les Nanas » en 1998, puis « Le Trésor d’Alcazar » chez Dargaud, il écrit le scénario de « Zambada » chez Glénat pour Éric Maltaite. Il se tourne alors vers le dessin de presse, travaillant pour L’Hémicycle, le journal interne de l’Assemblée Nationale. Il est aussi l’auteur de « L’homme du Général », roman publié par Actes-Sud en 1990.
Le présent ouvrage réunit les cinq romans graphiques, baptisés en ces temps lointains Romans BD publiés aux éditions Glénat et Dargaud :
-      « Le Filet de Saint-Pierre » (Glénat, 1992) : Arles, 1987,Fernand Morin, dit l’Amiral, ancien patron des services secrets français, comme ses anciens compagnons maquisards mène une vie paisible de retraité. Jusqu’au jour où débarque un des responsables des services secrets qui lui confie une mission qui le conduira jusqu’à une affaire d’otages au Liban.
-      « Place des hommes » (Glénat 1993) : C’est encore Arles qui sert de décor à ce récit dont le héros, José Montès petite gloire de la tauromachie, revient dans sa ville natale où il vient d’hériter d’un hôtel. Rattrapé par son passé, il sort de dix années de prison en Colombie, le matador va devoir livrer un ultime combat.
-       « Le Pet du Diable » (Dargaud, 1996) : Obèse, cosu, solitaire, lucide, l’inspecteur Castelo enquête sur le meurtre de deux femmes coupées en morceaux. Honnête, il doit affronter l’inspecteur Cornillas qui trafique avec Chato, un moins que rien. Un polar  efficace avec pour cadre San Fernando, une petite île perdue de l’Océan Indien.
-       « La Passe du manchot » (Dargaud, 1996) : Ce récit se passe dans une cité Lénine baptisée la Cité du Soleil, située  au bord de la mer Noire où la guerre civile menace. Traqué par la justice, un ancien apparatchik va devoir se battre pour gagner sa liberté. Une affaire sordide au coeur d’un pays post soviétique.
-       « Exotissimo » (Dargaud, 1997) : Merlin, inspecteur de la P.J. est envoyé à Puerto Madrina pour une banale mission de convoyage. Il doit rapatrier en France Pierre Lafaye, l’homme qui a détourné 10 millions de francs. Merlin, conquis par les charmes de cette contrée exotique, voit sa mission se compliquer…
Cinq histoires noires superbement exécutées par un auteur maniant avec efficacité et élégance des scénarios au cordeau à la fois acides et drôles. Les dessins aux noirs et blancs précis accompagnés d’un lavis ne se perdent pas dans les petits détails inutiles. La lecture de ces 864 pages est un régal. Un ouvrage important qui réhabilite un auteur de premier plan dont il est conseillé de lire l’intégrale de la trilogie « Condor », toujours disponible à un prix dérisoire (éditions Glénat, 144 pages couleurs, 9,15 €, ISBN : 9782723429665).
Henri FILIPPINI
« Aux carrefours du destin » par Jean-Pierre Autheman
Éditions Glénat (39 €) – ISBN : 9782344034859
M Filippini votre enthousiasme pour Condor est débordant, vous faisant prendre vos désirs pour des réalités ; s’il existe bien une intégrale (distribuée de manière fugace) de Vic Valence, il n’y a malheureusement pas encore d’intégrale Condor …