Dans le cadre de l’anniversaire de leurs 50 ans, les éditions Futuropolis publient un recueil des pages du dimanche en couleurs, inédites en album dans nos contrées, du célèbre Popeye par son créateur Elzie Chrisler Segar (1). Apparu pour la première fois le 17 janvier 1929 dans l’humoristique « The Thimble Theatre », le rude marin à la pipe obtient un tel succès qu’il en devient le personnage principal (et le compagnon d’Olive Oyl) : la série étant retitrée « Thimble Theatre Starring Popeye » en 1931. Cette bienvenue démarche patrimoniale est également un hommage à la mythique collection Copyright de l’éditeur — à l’époque d’Étienne Robial et Florence Cestac —, qui avait proposé, alors, huit tomes du plébiscité « Popeye » qu’il serait bon de rééditer.
Lire la suite...« Révolution T1 : Liberté » : une fresque magistrale pour revivre 1789…
Premier volume d’une trilogie sur la Révolution française, « Liberté » ressuscite avec panache 1789 en se promenant dans tous les étages de la société. Avec ses 328 pages représentatives des foules, grandes figures et décors d’époque, la fresque est grandiose. Après cinq de travail à quatre mains, les auteurs entament avec ce volume une fresque d’une folle ambition (1000 pages !), évocatrice des événements de 1789 à 1794. Au plus près du bas peuple et d’un tumulte insurrectionnel porteur des désespoirs ou des espérances, l’ouvrage trouve de troublants échos dans le contexte social actuel, 230 ans après la prise de la Bastille…
Projet écrit et dessiné en commun par Florent Grouazel et Younn Locard, le chantier « Révolution » fut lancé dès janvier 2014. Comme l’expliquent les auteurs, il s’agissait alors de composer un « récit choral prenant place dans le Paris révolutionnaire de 1789. Une romance et une tragédie, une plongée dans le tumulte insurrectionnel. C’est par dessus tout une tentative de comprendre comment fonctionne la société dans les heures ou tout valse : Les valeurs, la loi et jusqu’à l’ordre cosmique. Qui se soulève, pourquoi, contre qui ? Et qui gagne à la fin ? ». Pour ce qui est de l’exécution et de la genèse graphique : « [nous avions envie] de dessiner tous les deux sans chercher à composer un style commun. La question s’est posée de trouver une justification scénaristique à la coexistence de nos deux dessins : récits imbriqués, illustration de points de vue contradictoires… Finalement toutes ces pistes nous paraissent artificielles. Nous avons opté pour en rester à cette question, qui sonnait déjà pour nous comme une réponse : quelles raisons aurions-nous de ne pas le faire ? Il y a donc dans « Révolution » deux graphismes qui cohabitent, deux sensibilités, deux regards qui se répondent au fil des scènes et finalement deux visages. » Alternant concrètement toutes les 15 à 20 pages.
Locard et Grouazel ne sont pas des inconnus dans le monde de la bd ; en novembre 2013, l’An 2 publiait déjà un album très remarqué, « Eloi », un huis-clos dramatique situé à bord de la frégate La Renommée, de retour en France depuis la Nouvelle-Calédonie en 1842. Pour « Révolution », la documentation graphique était toute aussi impérative : habits courants et uniformes, maisons et palais, objets de la vie courante, visages connus et personnages de fiction… Dans ce premier tome, alors que Versailles et Paris sont plongées dans l’effervescence des États généraux (lesquels débutent à Versailles le 5 mai 1789), et que l’opinion est globalement encore soudée autour du roi, le lecteur apercevra Marat, Lafayette ou Robespierre. Mais ce sont des acteurs moins connus qui adoptent ici les premiers rôles et échafaudent chacun des 11 chapitres (plus ou moins longs) composant l’ouvrage : une gamine des rues, un journaliste pamphlétaire et agitateur, deux aristocrates jumeaux montés de leur Bretagne natale, une poissonnière des Halles ou un philosophe anglais. Chacun apporte jour après jour sa part de réponses aux multiples interrogations qui émergent de ce contexte inédit et incertain : comment s’inventent, dans le tumulte, de nouvelles manières de vivre, de penser et de lutter ? Quel usage faire de soi-même au sein d’une telle époque ? Comment incarner ou défendre les grands idéaux qui se font jour ? Autant de perspectives sur lesquelles le lecteur pourra méditer un contemplant ces vastes panoramas ou ces double-planches qui parsèment l’album, comme autant de respirations et d’espaces contemplatifs dignes des grandes fresques de la peinture historique.
Chronique de ces années lumières et de ces années terribles où le monde bascule, « Révolution » s’illustre en couverture par une première et forte image symbole : un bras rougeâtre levé et tenant un pistolet, sur fond protestataire (poings dressés) et insurrectionnel (piques brandies), semblant pointer (ou lutter pour…) le mot « Liberté ». D’une révolution à l’autre, d’un titre à l’autre, ce détail se retrouvera par exemple dans « La Liberté guidant le peuple » de Delacroix en 1830. Dans le même ordre d’idée, concluons avec un extrait très éclairant du texte de l’historien Pierre Serna, figurant en fin d’ouvrage : « « Liberté » constitue un vrai récit, au ras du sol un temps, au niveau des députés ensuite, dans l’entresol aristocratique, mais toujours tendu vers un ciel nouveau enfin, comme cette magnifique couverture montrant un bras tendu tenant un pistolet, comme pour tirer les coups de feu qui vont changer le destin du monde en inventant la Révolution, et par la suite d’abord la République, et la démocratie – encore à construire en ce début de XXIe siècle. » Tout est dit !
Philippe TOMBLAINE
« Révolution T1 : Liberté » par Florent Grouazel et Younn Locard
Éditions Actes Sud – L’An 2 (26,00 €) – ISBN : 978-2330117375