« Cyberwar T1 : Day one » par Denys et Daniel Pecqueur

Objet d’une cyberattaque sans précédents, les États-Unis sont plongés dans un blackout total. Alors que le Président Anderson est évacué vers Camp David, la situation internationale menace de virer à la Troisième Guerre mondiale. La clé USB que vient de remettre un homme mourant à Jack permettra-t-elle d’éviter le chaos ? Menée tambour battant, la nouvelle série de Daniel Pecqueur s’inscrit d’office comme le pendant haletant des techno-thrillers et blockbusters actuels, tels « 24 heures chrono » et « La Chute de la Maison Blanche ». De quoi nos faire jeter notre ordinateur ou notre smartphone avant qu’il ne soit trop tard !

Un Président surpris en plein match de base-ball (planches 1 et 2 - Delcourt 2018)

Les lecteurs du Rouannais Daniel Pecqueur (« Thomas Noland » de 1984 à 1998 avec Franz, « Golden city » depuis 1999 avec Malfin, « Arctica » depuis 2007 avec Bojan Kovačević et « XIII Mystery T12 : Alan Smith » en 2018 avec Buchet) ou du Guérandais Denys (« District 77 » de 2006 à 2008 ; « Comptine d’Halloween » de 2000 à 2002 ; plusieurs tomes de « Jour J » depuis 2015) retrouveront sans peine dans « Cyberwar » ce mixte entre anticipation, thriller, espionnage et suspense que l’on retrouve au cinéma jusque dans la saga « Mission Impossible ».

Réalisée par Nicolas Siner, la couverture nous plonge dans une ambiance aux atours post-apocalyptiques : forces de l’ordre dépassées, émeutes et pillages urbains, instances gouvernementales en péril, valeurs et symboles nationaux mis à mal. Seul le héros solitaire (à la fois en fuite et fonçant vers l’aventure au guidon de sa fière monture mécanique !) incarnera l’esprit de résistance inhérent à ce type de récit. Au-delà des codes et des archétypes (le scénario s’appuie sur les figures et standards du genre : hackers, agents de la CIA et militaires en tête), l’album sait enchaîner les lieux, les personnages et les séquences sans jamais perdre son lectorat, détail important que l’on pourrait reprocher par exemple aux similaires « Prométhée » et « Olympus Mons » de Christophe Bec, beaucoup plus complexes dans leurs trames. Parfaitement lisible et documenté, le dessin de Denys se nourrit de nombreux détails (scènes de foules, décors et personnages variés) tout en sachant glisser des textes explicatifs parfois denses.

Une cyberattaque d'ampleur mondiale (planche 3 - Delcourt 2018)

Comme le rappelle les premières pages de l’album, une cyberattaque a pour but de paralyser entièrement un système informatique, à plus ou moins grande échelle : réseaux de transports, services bancaires, centrales nucléaires, satellites et télécommunications, moyens de défense géostratégiques sont menacés, nombre de puissances (Russie, Chine, Corée du Nord, Indonésie, Brésil, Iran, Turquie, émirats, etc.) rêvant de ravir le leadership mondial. Depuis 2007, date de la première cyberattaque officiellement recensée (de la Russie contre l’administration estonienne), plusieurs États ont eu à déplorer des tentatives de très grande ampleur : évoquons ici le virus « Stuxnet » en 2010 (visant la centrale nucléaire iranienne de Bouchehr) ou la cyberattaque de 2011 visant Lockeed Martin, entreprise majeure du secteur de l’armement américain fabriquant notamment les avions de combat F-16. Plus récemment, les 12 et 13 mai 2017, une cyberattaque de grande ampleur paralysait les ordinateurs de multinationales (dont Renault, FedEx) et de services publics (Telefonica, Deutsche Bahn) de plus d’une centaine de pays. 230 000 ordinateurs furent contaminés par des e-mails en apparence anodins, infectés du cybervirus « Wannacry » ! Bien conscientes de ses risques, les entreprises font désormais l’objet de campagnes sécuritaires -voir par exemple cette page explicative). Le marché mondial de la cybersécurité est ainsi estimé à 170 milliards pour l’horizon 2020.

Pays et particuliers visés par les cyberattaques (infographies Statista et Le Parisien 2017)

« Si une cyberattaque s’apparente à un acte de guerre, notamment par la gravité de ses effets, une riposte adéquate s’impose, au-delà même de la neutralisation des seules infrastructures impliquées, dans une logique cette fois de conflit ouvert », avait expliqué, en décembre 2016, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense. Et d’ajouter : « Une attaque informatique majeure, eu égard aux dommages qu’elle causerait, pourrait constituer une agression armée au sens de l’article 51 de la « Charte des Nations unies » et justifier l’invocation de la légitime défense. » Souci : cette posture pose non seulement la question de l’ajustement du curseur des éventuelles représailles, mais surtout la détermination de l’identité de l’agresseur. Une double donnée destabilisatrice qui est au cœur du scénario sous tension de Daniel Pecqueur. Vivement la suite (fictionnelle !) de cette « Cyberwar », annoncée pour 2019.

Philippe TOMBLAINE

« Cyberwar T1 : Day one » par Denys et Daniel Pecqueur
Éditions Delcourt (14,50 €) – ISBN : 978-2413002734

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