« The Dying and the Dead » par Jonathan Hickman et Ryan Bodenheim

Revoilà un des scénaristes les plus doués de sa génération, auteur des séries ou albums acclamés : « East of West », « Red Wing », « Project Manhattan » ou encore « Black Monday Murders », avec un nouveau récit intrigant, convoquant mythologie et action, dans un thriller fantastique à l’esthétisme envoûtant.

Partant d’un postulat de départ somme toute assez classique, dans le genre film d’action : le massacre, en 1969, de la totalité d’une réunion de convives à un mariage fortuné sur une île grecque, par un commando surarmé, le récit bifurque très vite dans le genre fantastique. Car ce qui est caché au cœur de la propriété visée n’est autre que le Bah Al’Sharur, un objet ancestral ésotérique à la puissance divine. Qui est la femme menant cet assaut ? L’envoyée du concurrent d’un peuple très ancien, précédant l’humanité, qui l’a dominée au fil des siècle grâce à une arme, devenue au final dangereuse même pour ses créateurs et divisée en trois parties distinctes, cachées en trois endroits du globe. Ce peuple de l’ombre fait appel à l’ancien colonel James Canning, une connaissance de confiance, pour l’aider à récupérer cette épée de Damoclès. Le deal : lui permettre de ramener sa femme en phase terminale de cancer, parmi les vivants…

Cette histoire d’artéfact aux pouvoirs divins s’étant retourné contre ses créateurs n’est pas une thématique inconnue pour les lecteurs de comics ou de bandes dessinées en général. On peut même sans chercher bien loin dans le temps se rappeler la chronique de « Skybourne » de Frank Cho, rédigée ici il y a peu, ou l’épisode « La Colère du Guerrier éternel » (Robert Venditti, Raul Allen), s’alliant à une entité diabolique pour avoir les bons auspices d’une autre. C’est un terreau fertile et on pourra aussi se remémorer un certain nombre de références cinématographique dans le genre, dont le film « Ghost Rider » de Mark Steven Johnson en 2007, pour n’en citer qu’un.

Si cette quête est un prétexte, il s’agit avant tout pour Jonathan Hickman d’embarquer le lecteur dans une histoire aux ramifications nombreuses, liant passé, présent et futur, tout en nous faisant naviguer dans des paysages et décors extraordinaires. Que ce soit la cité des Baduri, cachée des yeux du monde, à laquelle on accède par le biais d’une église perdue au milieu du désert texan, puis en traversant dans ses profondeurs une sorte de Styx, ou bien un bunker où l’on assiste à un repas entre Mussolini, Hirohito et Hitler ou encore un atoll du pacifique durant la Seconde Guerre mondiale. C’est là en effet que le colonel, envoyé en mission top secret en compagnie de ses camarades soldats, va, pour la première fois, on s’en doute, faire la connaissance de ses « maîtres ». Aujourd’hui, c’est avec la même équipe de vétérans, fourbue à l’impensable, on le comprend, qu’il fait appel pour régler LE deal qu’il a accepté.

Il baigne dans ce premier tome de « The Dying and the Dead », rassemblant les cinq premiers chapitres sur les 10 que comporte la série en cours depuis 2017 aux États-Unis, un parfum Lovecraftien évident. On pourra arguer que cette référence littéraire est devenue quasi systématique dans toute bonne œuvre mêlant fantastique et une certaine forme d’horreur en comics ces quinze dernières années, et cela ne sera pas faux. Mais lorsque le fantôme du romancier de Providence se conjugue si bien avec le talent d’un scénariste hors pair, sachant raconter une histoire et appuyer sur la psychologie de ses personnages, cela est plutôt réjouissant. Lorsque de plus, cet auteur se fait accompagner par un dessinateur doué comme Ryan Bodenheim, cela donne un résultat tout à fait remarquable et esthétiquement imparable.

A ce sujet, il est étonnant comme la tonalité, mais aussi, sur certains aspects, l’encrage, voire la colorisation (réalisée par Michael Garland), pourra évoquer l’autre grande série publiée chez Glénat : « The Wicked and the Divine » (par  Kieron Gillen et Jamie McKelvi). Non pas que le dessin de Ryan Bidenheim, jeune auteur hyper doué que l’on a déjà pu voir sur des couvertures de « Bloodshot Reborn » ou dans le nouveau « X O Manowar » chez Bliss comics soit identique, mais il s’échappe quelques réminiscences stylistiques de certaines ambiances et physiques de personnages. (Par exemple du « fantôme » féminin Shurra, lorsqu’elle est coiffée de son grand chapeau).

Dans la continuité parfaite de ses récits de qualité en cours : « East of West » et « Black Monday Murders », Jonathan Hickman nous propose d’embarquer, en aveugle, sur une rivière, jusqu’à l’épilogue d’une histoire intrigante et belle…Alors, embarquons !

Franck GUIGUE

Pour marquer le lancement de ce titre, une édition collector et grand format de l’ouvrage a paru parallèlement. (Mais celle-ci est aussi en couleur, étonnamment !)

 

« The Dying and the Dead » par Jonathan Hickman et Ryan Bodenheim
Glénat comics (17,50 €) – ISBN : 9782344018460

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