« Ether T1 : L’Assassinat de la flamme d’or » par Matt Kindt et David Rubin

Une idée alternative qui fonctionne court le même risque qu’une autre, plus mainstream, déjà rentable : être usée jusqu’à la corde. C’est ce qui transparaît de récents comics de science fiction, pourtant agréables, écrits entre autre par Matt Kindt et Jeff Lemire, dont on sent les références se télescoper à l’occasion. « Ether », étonnant récit de science-fiction cabotin en fera t-il les frais ? L’enquête est ouverte.

La couverture annonce d’entrée le propos et le genre : Dave Rubin, dont le style graphique se situe entre un Gabriel Rodriguez (« Locke and Key ») et Frederik Peeters (« Aama ») présente son personnage principal : Boone Dias, en pied, scindé entre deux mondes que l’on devine reliés. Car il s’agit bien de cela : ce scientifique terrien, ne croyant pas en la magie, a un jour été contacté par une force gouvernementale afin de tester un portail ouvrant sur une dimension magique appelée Ether. Il s’est avéré qu’il était le seul à pouvoir en revenir vivant. Partant de là, il va régulièrement y retourner et, en qualité d’enquêteur, régler des affaires suspectes de l’autre coté. Mais aujourd’hui, une gardienne (une flemme d’or) a été assassinée sur Ether, permettant la création et l’ouverture d’une porte inverse amenant vers le monde réel. Il va falloir trouver l’origine du problème, avant que le désastre n’arrive…

Lors de son lancement aux USA chez Dark Horse, ce projet, présentant pour la première fois le scénariste Matt Kindt en binôme avec Dave Rubin, avait un parfum de friandise appétissant. Le style de dessin de l’artiste, publié en France depuis 2008, d’abord par les éditions Rackham (cinq livres, dont la série « Le Héros ») avant de passer chez Casterman (« Beowulf ») puis Urban comics avec « Aurora West Battling Boy » avec Paul Pope, puis « Black Hammer », qui l’a consacré auprès de Jeff Lemire, donnait une envie furieuse de découvrir l’histoire derrière le pitch.

Si les histoires dans lesquelles il était jusqu’à présent impliqué portaient suffisamment d’éléments originaux, d’ailleurs pratiquement toujours axés sur des univers mythologiques, de Fantasy et de science-fiction pour lui reconnaître une patte personnelle, c’est moins le cas dans cet « Ether » où, dès la couverture, montrant cet aventurier dans un décor de végétation luxuriante et sauvage, une sorte de gorille au poil ras apparaît en arrière plan. Il s’agit du sidekick (le compagnon de route) de Boone Dias, gardien d’une région de l’Ether, qui le catapulte habituellement vers sa destination. Celui-ci va néanmoins cette fois l’accompagner, pour diverses raisons, dans son enquête. Or, ces éléments (de dessin, d’univers, de personnages…) ont un goût de déjà vu pour tout ceux qui auront lu la fantastique série « Aama » précédemment citée.Alors certes, on ne pourra résumer « Ether » à ce simple constat, mais c’est un élément qui pourra déstabiliser ou freiner les moins motivés des lecteurs lors d’un feuilletage rapide. Surtout que depuis, « Oblivion Song » de Robert Kirkman et Lorenzo De Felici a paru chez Delcourt, donnant aussi à moudre cette idée de voyage d’un aventurier entre deux mondes parallèles…(Lire la chronique sur nôtre site : http://bdzoom.com/127348/comic-books/%c2%ab%c2%a0oblivion-song-%c2%bb-t1-par-robert-kirkman-et-lorenzo-de-felici/ ).

Pourtant, à regarder et lire plus avant, Matt Kindt développe une histoire qui ne fait pas « qu’emprunter » à « Aama ». Boone Dias a eu une femme et deux filles, qu’il a du quitter pour ses missions il y a quelques années. Des flashbacks et un retour jusque dans sa maison aujourd’hui le mettent à nouveau en relation avec sa femme, qui a vieilli. Un voyage de deux heures dans l’Ether correspond en effet à cinq ans sur Terre … cela ne vous rappelle rien ? : « Black Hammer » et sa ferme familiale paumée dans l’espace temps, avec une fille dont le père héros (le Black Hammer) a disparu ! Et là, on se dit que les choses risquent de devenir, sinon compliquées à expliquer, au moins évidentes en termes de collaborations et d’idées partagées. Car enfin, qui a dessiné « Black Hammer » ? : Dave Rubin. Qui est l’auteur le plus proche de Jeff Lemire, tant au niveau scénario que dessin ? : Matt Kindt. Et qui va très prochainement travailler sur un projet commun ? Les deux. Les univers de « Black Hammer », « Sherlock Frankenstein » (sa suite) et celui de « Ether » se rencontreraient à un moment donné, que cela n’étonnerait personne.
Il n’en demeure pas moins, et pour finir avec ces allers-retours hasardeux entre fantasme et réalité, que ce premier tome d’« Ether », contenant les cinq premiers comics de la série, se lit avec beaucoup de plaisir et nous laisse sur un suspens digne des meilleurs histoires, obligeant à attendre la suite. Un comics « cool » de science-fiction, tous publics, au croisement des chemins, donc, mais méritant votre attention.

Franck GUIGUE

« Ether T1 : L’Assassinat de la flamme d’or » par Matt Kindt et David Rubin.
Éditions Urban comics (10 €) – ISBN : 9791026814214

 

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