Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Malédiction Finale » T1 par Jun Watanabe
Le pitch de la nouvelle série de l’auteur de « Montage » est classique : suite à un accident mal géré, la mort viendra frapper un groupe de jeune, un par un tous les sept jours. Bien sûr, on ne peut que faire le parallèle avec la série de films « Destination Finale ». Mais ici, la mythologie japonaise est de la partie et finalement cela donne un récit glaçant où on espère toujours que le sort ne frappe finalement pas. Ce qui est forcément illusoire.
« Que feriez-vous si jamais la mort venait vous cueillir immanquablement dans sept jours  ? » Ainsi débute ce manga. Alors qu’ils reviennent d’un voyage pour fêter la fin de l’année scolaire, un groupe de sept jeunes s’engagent par erreur sur une route non répertoriée. Lorsqu’ils frappent quelque chose avec leur voiture, ils sont soulagés de voir que ce n’est qu’une vache et non un humain. Sauf qu’en s’approchant, ils remarquent que le bovidé arbore le visage d’un homme qui commence à leur parler. Pris de panique, ils achèvent la chose et repartent aussi vite que possible. Le lendemain, la voiture de location est rendue en concession sans aucune trace de l’impact ; incompréhensible. Tout le monde pense à une hallucination collective. Mais quand l’animal réapparaît face à certains membres du groupe, la terreur commence à se mettre en place jusqu’au premier décès dans des circonstances tragiques et inattendues  : une horloge vétuste dans un parc s’est décrochée de son pied et est venu frapper Tatsumi (1) alors qu’il était en train de faire sa déclaration à Ayumi devant tous ses camarades. La mort a bien frappé, comme annoncée, sept jours plus tôt.
Si le point de départ du scénario : une malédiction décimant lentement un groupe de jeunes n’est pas très original, la mise en scène et le traitement graphique rendent le récit prenant. Parce que c’est finalement ce qui fait le piquant de ces histoires mêlant horreur, surnaturel et phénomène inexplicable. Depuis la série des films de « Vendredi 13 », c’est en général toujours la même chose, à la fin, il n’en reste qu’un. Jusqu’à , éventuellement, l’épisode suivant. Mais ce qui est toujours intéressant, c’est de suivre le cheminement psychologique des personnages qui savent leur fin proche. Entre résilience et combat, ils doivent affronter la mort qui vient de leur être annoncée. Là où ce titre diffère des autres, c’est qu’il est impossible au protagoniste désigné de devancer le jugement fatidique en se suicidant.
Avec un dessin assez réaliste, mais quand même typé manga, Jun Watanabe permet au lecteur d’avoir de l’empathie pour ses personnages. Bien sûr, on ne les connaît pas au début de l’histoire. Mais l’auteur arrive à distiller des éléments le rendant à la fois humain et sympathique. Et bien évidemment, il insiste sur l’histoire d’amour inavouée de la première victime. Ce qui renforce l’horreur de la situation puisqu’on imagine qu’il allait forcément être heureux en ayant toute la vie devant lui. Le sort en a bien évidemment décidé autrement.
Le fait d’inclure la mythologie japonaise dans le récit apporte une différence à même de plaire aux amateurs de culture japonaise. L’animal que le groupe a écrasé et massacré par la suite est un Kudan. Un être mi-homme, mi-vache venant de l’ère Edo. Son pouvoir : prédire l’avenir. Au fur et à mesure de ses apparitions, l’animal va prendre corps avec ses précédentes victimes en arborant leur visage. Chacun cherchant un moyen de conjurer le sort et échapper à leur décès pourtant inéluctable. En rencontrant un spécialiste du folklore japonais, le groupe va en savoir un plus sur ce monstre. À la base, le Kudan est une bête sacrée considérée comme un cadeau des dieux. Elle n’a pas pour vocation à punir les hommes, sauf si ces derniers ont commis une mauvaise action qu’il faudrait punir. Par exemple, s’ils avaient essayé de le tuer, ce qui est le cas ici.
« Malédiction Finale » est un manga pop-corn pour l’été qui arrive. Une histoire qui avance inexorablement dans l’horreur au fil des six volumes prévus. Destiné aux lecteurs aimant se glacer le sang et accroc au suspens qui tourne mal. Le tout, très bien mise en scène par un auteur maintenant bien connu des lecteurs français grâce à sa précédente série policière  : « Montage » publiée chez Kana.
Gwenaël JACQUET
« Malédiction Finale » T1 par Jun Watanabe
Édition Komikku (8,50 €) – ISBN : 9782372873536
(1) Par endroit, le nom de ce personnage est malheureusement mal orthographié. Les lettres T et S étant inversées pour passer de Tatsumi à Tastumi. J’ai au moins relevé l’erreur deux fois, en page 95 et 143.
KUDANNOGOTOSHI © Jun Watanabe / Kodansha Ltd.