« Nengue » par Samuel Figuière et Stéphane Blanco

Sous-titré « L’Histoire oubliée des esclaves des Guyanes », « Nengue » est avant tout l’adaptation du récit de voyage « Le Mendiant de l’Eldorado » de Jules Crevaux (1847-1882). En 1877, ce médecin français décide d’explorer l’intérieur des terres guyanaises. Accompagné d’un piroguier local, il découvre l’histoire du peuple boni qu’Apatou lui raconte et, notamment, la révolte de ce peuple « descendants de Marrons du Suriname réfugiés en Guyane française depuis 1776 »

Deux préfaces précèdent le récit en bande dessinée et un dossier final d’une quinzaine de pages est consacré à l’explorateur : c’est dire le sérieux apporté au sujet traité par les auteurs. Ces derniers, dans ce dossier, précisent leurs sources, leurs méthode et expliquent notamment ce qu’était le « maronnage », du terme espagnol cimarron désignant du bétail qui s’enfuit. Les esclaves qui tentaient de d’échapper à la cruauté des planteurs en rejoignant des marais, des forêts ou des montagnes se sont vus attribués ce mot. Le sort réservé aux fugitifs rattrapés était d’une horreur absolue !

Ayant vécu au Sénégal puis en Guyane, Stéphane Blanco explique d’abord ce qui l’a passionné dans ce sujet, celui des « noirs-marrons », et plus particulièrement des Bonis, au Suriname devenu français au XVIIIe siècle. Stéphane Blanco reconnait qu’il s’agit là d’une histoire méconnue et compliquée à raconter tant ces rebelles sont restés reclus, cachés. Jean Moomou, historien de civilisations, qui connait bien le sujet, confirme l’enjeu ethnographique et scientifique qui a prévalu à la réalisation de l’album.

De fait, on embarque sans réticence dans la pirogue de Crevaux qui, ce 22 juillet 1887, progresse sur le Maroni. Au fil de cette exploration vers l’intérieur des terres, Crevaux se rappelle le jour où, à Paris,  il a décidé de cette mission considérée comme un « appel » depuis qu’il a vu pour la première fois la forêt guyanaise. Comme on peut s’en douter, un tel périple est, à cette époque, plus que dangereux et la détermination de Crevaux étonnante. Outre les 15 à 25 kilomètres par jour à parcourir, tout en essayant de motiver les hommes qui l’accompagnent, il faut nouer des contacts avec les tribus indiennes rencontrées,  éviter les accidents alors que fièvres et maladies menacent constamment. Son but, atteindre les mythiques monts Tumuc-Hamac et poursuivre au-delà si possible.

Sans l’aide et l’amitié d’Apatou qui connait très bien le terrain, lui sert de guide et d’interprète et lui sauve plusieurs fois la vie, nul doute que Crevaux n’aurait pas réussi ses trois expéditions guyanaises. Apatou viendra même à Paris et, en reconnaissance de son rôle, la France lui accordera une concession devenue aujourd’hui une petite ville qui porte son nom et reliée depuis 2010 par la route à Saint-Laurent du Maroni.

À noter que Stéphane Blanco a déjà écrit sur la Guyane avec « Aux iles, point de salut », un album dessiné par Laurent Perrin (Caraïbes Editions, 2011).  Il y mettait en scène Léa qui, lors d’un voyage en Guyane avec sa petite-fille, se remémore son enfance en tant que fille de gardien, puis épouse de gardien du bagne, l’occasion pour elle de dévoiler un secret ! De Saint-Martin de Ré à Cayenne ou de Saint-Laurent du Maroni aux îles du Salut, c’est à travers le regard d’une enfant qu’est restituée cette vision du bagne de Guyane et de ses forçats, riche en anecdotes et en informations. De son côté, Samuel Figuière, avec Vincent Lemonde, a déjà signé aux éditions Steinkis « Kilum : rencontre avec les Himbas », chroniqué ici-même sur BDZoom.com.

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Nengue » par Samuel Figuière et Stéphane Blanco

Éditions Steinkis (18 €) – ISBN : 978-2-36846-172-3

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