« Le Fulgur T3 : Les Terres brulées » par Dejan Nenadov et Christophe Bec

Toujours échoués dans une profonde caverne souterraine à bord du submersible Le Fulgur, le docteur Claudian et ses comparses, rescapés d’un incroyable séisme survenus au Yucatán en 1907, tentent par tous les moyens de regagner la surface. L’immense puits aux parois de quartz qu’ils viennent de découvrir sera-t-il celui de leur liberté ? Constituant l’épilogue d’une trilogie feuilletonesque démarrée en avril 2017, ce tome joue de nouveau avec les lois du genre… pour notre plus grand plaisir aventureux.

Le Fulgur a disparu... (Tome 3, planches 1 et 4 - Soleil 2018)

Livrée en un temps record entre avril 2017 (« T1 : Au fond du gouffre »), novembre 2017 (« T2 : Les Survivants des ténèbres ») et mai 2018, « Le Fulgur » n’aura guère laissé aux lecteurs le temps de souffler ; si ce n’est pour reprendre un rare bol d’air par 4 000 mètres de fond, en compagnie d’une équipe d’explorateurs piégés sur un lac salé souterrain. L’équipe retrouvera l’espoir en identifiant une circulation d’air dans la grotte, preuve qu’une issue existe. Dans ce scénario digne de « Voyage au centre de la Terre » (Jules Verne, 1864), les dangers ne manqueront pas : flore et faune intriguant ou hostile, éruptions et éboulements, tensions entre les personnages, coups du sort divers… Au-delà de l’immanquable référence vernienne, il conviendra de préciser que cette série adapte en réalité un récit de Paul de Sémant paru à l’origine en épisodes dans la revue Le Globe trotter entre mars et août 1907. Illustrateur et satiriste disparu en 1915, De Sémant fut également connu – sous son nom véritable de Paul Cousturier – comme un fervent candidat boulangiste en 1890.

Couvertures des tomes 1 et 2

Le combat contre le mosasaure : dessins conceptuels et planche issue du tome 2

Couverture de l'édition Flammarion (1910) illustrée par Marin Baldo.

Le Fulgur dans le Globe Trotter (1907)

Non dénué de rebondissements et de suspense, « Le Fulgur » est digne de tout un pan (amplement ignoré ou méconnu) du patrimoine littéraire français du début du XXe siècle. Bien que rempli d’archétypes (le génial mais ambigu scientifique désireux d’une revanche vis-à-vis de ses pairs, l’aventurier aux nerfs d’acier, le riche mécène, le valet de chambre dévoué), la série ne démérite pas en dévoilant dès ses couvertures tout le sel de la grand aventure. Si le bestiaire extraordinaire (calamar géant et mosasaure préhistorique) visible sur les visuels des tomes 1 et 2 (dessinés par Yvan Villeneuve) annonçaient des combats dantesques entre le sous-marin et ses créatures, celui du tome 3 (montrant les vestiges d’une cité aztèque environnée d’une forte pétrifiée) est plus fantasmatique et surnaturel, dans la veine d’autres séries de Christophe Bec inspirées tant par Lovecraft (« Bunker », « Carthago », « Sanctuaire ») que par Conan Doyle (« Le Monde perdu ») : dans chaque cas, mondes chtoniens, cités cyclopéennes, entités démoniaques, roches infranchissables et gouffres sans fonds ouvriront sur des abysses de terreur ou, du moins, sur des terra incognita interrogeant tous les mystères de l’humanité (voir à ce titre « Prométhée »). Dessinées par l’auteur serbe Dejan Nenadov (les tomes 6 à 10 d’« Arcanes » chez Delcourt ; « Ys la légende » chez Soleil), les planches renverront également à d’autres titres ou auteurs : les bandes dessinées « Les Pionniers de l’espérance » par Raymond Poïvet, « Les Challengers de l’inconnu » par Jack Kirby (série débutée en 1957 et dans laquelle quatre aventuriers sont appelés par le gouvernement américain pour résoudre des énigmes étranges et surnaturelles), le roman horrifique « Medusa » (Edward Harold Visiak, 1929) ou, encore, les travaux illustratifs de l’Américain Joseph Clement Coll (1881- 1921) pour de nombreux romanciers tels Conan Doyle ou Sax Rohmer. Soit autant de trésors défiant l’imaginaire et l’ailleurs : une raison louable pour parcourir ce feuilleton sous-marin et souterrain, colorisé par Tanja Cinna dans des tonalités de bleu explicitement fantastiques.

Philippe TOMBLAINE

« Le Fulgur T3 : Les Terres brulées » par Dejan Nenadov et Christophe Bec
Éditions Soleil (15,50 €) – ISBN : 978-2-302-06966-4

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Une réponse à « Le Fulgur T3 : Les Terres brulées » par Dejan Nenadov et Christophe Bec

  1. BARRE dit :

    Bien lancée au premier tome et atteignant une bonne dimension fantastique au second, ce triptyque s’achève un peu en eau de boudin. Le lecteur aura l’impression que les auteurs cherchent autant une bonne sortie que les protagonistes de la série. Dommage…

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