« Le Fanfaron » par Lele Vianello

Il y a les voyages que l’on fait, ceux dont on rêve et ceux que certains prétendent avoir réalisés. Les Tartarin de Tarascon sont de cette trempe de menteurs, qui se vantent en rhabillant les séjours qu’ils ont faits ou les mésaventures qu’ils ont subies. Le Fanfaron de Vianello n’échappe pas à la règle, ce que l’édition intégrale de ses exploits (incluant deux récits inédits) démontre sans peine…

Ce fanfaron-là s’appelle Teddy Brag et il est un de ces aventuriers voyageurs anglais qui courent le monde, quelquefois pour fuir ! Dans les années trente, ce membre éminent du Royal Club des explorateurs de sa gracieuse majesté est indéniablement allé un peu partout dans le monde, mais les récits qu’il en rapporte travestissent, Ô combien, la réalité de ses pérégrinations ! Ces récits sont donc doubles : d’un côté ce qu’il dit, de l’autre, ce qui fut : des mots que les images contredisent très fréquemment.

C’est Hugo Pratt lui-même qui suggéra à Vianello ce type de personnage, lui permettant qui plus est d’introduire dans son premier récit Corto Maltese lui-même, mais jeune. C’était en 1993, pour la revue qui portait précisément le nom du célèbre marin aventurier. On rencontre ainsi le jeune maltais pendant la révolte des Boxers prêtant main-forte à Teddy Brag, en Chine, une aide que ce dernier minimise bien évidemment quand il rapporte les faits auprès de ses collègues.

Après « Rixe chinoise », « Vieille botte & poêle à bois » installe le personnage en Australie en recherche de mines d’opale, puis on le retrouve, en Afrique, où il monte notamment une expédition à la recherche de l’or de Mansa Musa, le mythique empereur du Mali. Bien sûr, les versions qu’il raconte à ses collègues en font à chaque fois un héros. Le fait est, pourtant, qu’il vit aussi des aventures particulièrement délicates. Ainsi, dans « Sables arabes », Brag traverse la mer Rouge sur un petit voilier arabe, mais, pas de chance, parmi les marins se cachent des pirates. Jeté à la mer, il est recueilli et fait prisonnier par les hommes de Sayed Hassan.

Teddy Brag pourrait s’en tenir à ce qu’il subit et passerait déjà pour un homme courageux, mais il lui faut être héros admirable ou rien. En Inde, à la suite d’une pitoyable chasse au tigre avec un Rajah, Brag est enlevé par erreur par des adorateurs de Kali, use de tous les moyens pour sauver sa peau et découvre qu’il est au centre d’une affaire d’espionnage, rencontrant au passage une agent secret britannique fort séduisante… La dernière histoire se situe également en Inde, plus exactement dans un cargo pour Calcutta où le commandant de bord est assassiné…

Au-delà des voyages et des tartarinades, il faut aussi apprécier le talent du dessinateur qui, dans un style très proche de celui de Pratt, joue des noirs et blancs de façon savoureuse. Pas étonnant puisque Lele Vianello a été très longtemps l’assistant d’Hugo Pratt et qu’il a collaboré à presque tous les épisodes de « Corto Maltese ». Si la façon de traiter les mouettes, les soleils, les mers font indéniablement penser au grand maitre italien, Vianello sait aussi portraiturer des personnages pittoresques inoubliables, au fil d’aventures rocambolesques à souhait. Pour ceux qui voudraient davantage le connaitre, rappelons que les éditions Mosquito ont déjà traduit plusieurs de ses albums : « Cubana », « Lunes Vénitiennes», « Argentina », etc.

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Le Fanfaron » par Lele Vianello

Éditions Mosquito (25 €) – ISBN : 978-2-35283-452-6

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