« Oblivion Song » T1 par Lorenzo De Felici et Robert Kirkman

Robert Kirkman, auteur acclamé de la série « Walking Dead » délaisse un temps le fantastique pour la science-fiction, avec un nouveau projet paraissant en exclusivité en Europe sous forme d’album, cette première semaine de mars (1). Un événement et un début très prometteur.

Il y a dix ans, 300 000 habitants de Philadelphie, Pennsylvanie, ont soudain disparu, emportés dans ce qui semble être une dimension parallèle, surnommée Oblivion. Tout espoir de les retrouver a été rapidement perdu, d’autant plus que des monstres, aperçus lors du phénomène, parcourent cette abomination. Le gouvernement a donc abandonné les recherches. Seul un homme, le scientifique Nathan Cole, ayant trouvé un moyen pour passer d’un monde à l’autre, continue à effectuer des incursions afin de retrouver des survivants. Lâché par la majorité, il va néanmoins découvrir une réalité encore plus complexe qu’il n’y parait… Rarement le lecteur ne sera immergé aussi rapidement dans l’intrigue et l’action que dans ce comics. Il faut rappeler que Robert Kirkman s’y connait en scénarios et en punch line, on ne s’étonnera donc pas de l’aspect très cinématographique des premières scènes d’« Oblivion Song » : un couple apeuré, fuyant à toutes jambes devant un monstre improbable, dans un monde pas plus ragoûtant. Un homme capé et portant un masque à gaz les surveille et les protège de loin avec une arme, puis, au moment fatidique, les tire avec une sorte de seringue spéciale. Un éclair violacé, et l’instant d’après, ils ont disparu. Cet homme est Nathan Cole, et lui aussi devra s’infliger cette procédure, pour revenir « à la maison ». Sans dévoiler l’intrigue, très riche, mêlant regrets des hommes et femmes déjà récupérés dans un délai raisonnable par notre héros, qui ont comme laissé une part d’eux-mêmes dans cette réalité alternative, et désirs d’autres, luttant, après un isolement trop long, pour y rester au contraire, on appréciera les va et viens entre les deux mondes. Ceux-ci permettent à l’auteur d’alterner scènes d’action à la thématique « fin du monde » déjà bien maitrisées, aux échanges plus terre à terre et sociaux-politiques, entre Nathan, ses amis, et ses relations professionnelles. Lui est un outsider, et en cela il rappellera un petit peu le Jack Cadillac des « Chroniques de l’ère Xénozoïque » de Mark Schultz. Mais la survie d’une communauté en milieu hostile n’est pas loin non plus des préoccupations de la série phare de Robert Kirkman. On ne lâche pas si facilement une formule intéressante (et gagnante).

Il est donc temps de parler de ce qui fait un bon 65 % de la qualité de cette nouvelle histoire : le dessin de l’excellent Lorenzo De Felici. Ce jeune dessinateur italien, coloriste et illustrateur de nombreuses couvertures, a surtout été révélé au public français par les séries « Drakka » (Ankama 2011-2012) et plus récemment sur « Infinity 8 » T5, aux côtés de Davy Mourier, Lewis Trondheim et Olivier Vatine. Son trait onctueux, qui a beaucoup progressé à ce jour, fait merveille et immanquablement penser à celui de Frederik Peeters, bien que sous certains aspects, dont ceux de la colorisation effectuée par Annalisa Leoni,on peut y trouveraussi une petite accointance avec le style de Jessica Abel, dans son superbe récit SF « Trish Trash Roller Girl » (Dargaud 2015). Tout cela pour dire que ces 150 premières pages passent très vite et très agréablement. Ce qui est l’apanage des réussites, non !?

« Oblivion Song » : un chant des sirènes, nous réservant sans aucun doute encore bien des surprises !

Franck GUIGUE

(1) Le 07 mars, date de sortie, les États-Unis n’ont eu droit qu’à un premier fascicule de 34 pages.

« Oblivion Song » T1 par Lorenzo De Felici et Robert Kirkman
Éditions Delcourt (16,50 €) – ISBN : 978-2-413-00750-0

Nb : Lorenzo de Felici sera présent sur le stand des éditions Delcourt au Salon du livre de Paris, du 16 au 19 mars, porte de Versailles.

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2 réponses à « Oblivion Song » T1 par Lorenzo De Felici et Robert Kirkman

  1. Marcel dit :

    « aux côtés de David Mourier, Lewis Trondheim et Olivier Vatine. »

    C’est Davy Mourier.

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