« Giant »T2 par Mikaël

Aux États-Unis, à New York, au début des années trente, dans ce monde qui voit haut, qui voit loin, il y a ces immeubles qui se mettent à gratter le ciel, et puis des hommes sans vertige qui nous le donnent ; des géants, enfin, des colosses… aux pieds d’argile. C’est le cas de Dan, le héros de ce diptyque, un Irlandais qui se laisse aller à une faiblesse qui lui revient comme un boomerang. Et le boomerang s’appelle Mary Ann…

Philippe Tomblaine a interviewé ici-même l’auteur de cette histoire qui expliquait ce qui avait motivé cette intrigue aux personnages incroyablement attachants. Comment ne pas s’émouvoir de cet ouvrier costaud qui, pour ne pas faire de peine, préfère ne rien annoncer à la veuve et lui écrire comme s’il était son mari ?… Sans imaginer que cela déclencherait une correspondance et qu’elle se déciderait à venir le rejoindre aux États-Unis.

Philippe Tomblaine rappelait aussi fort justement que ce contexte historique avait été souvent traité en bande dessinée, donnant sur la situation des ouvriers et sur quelques photographiques mythiques d’utiles renseignements. Mais le trait est virtuose, les décors urbains sont fascinants, époustouflants même, et le tout coloré admirablement, il fallait y revenir ! Alors qu’il sait à la perfection proposer des vues hyper documentées, de tel ou tel chantier ou de tel ou tel quartier, Mikaël a également une maitrise savante du clair-obscur. Il sait, d’une part, ne pas s’embarrasser de décors pour mettre en avant des personnages, comme éclairés de l’arrière par des ciels blancs, ou, d’autre part, aligner des avenues ou des immeubles débouchant sur des clartés surréelles qui magnifient les premiers plans.  Mikaël aime ainsi à faire flotter des constructions ou des vues urbaines les pieds nageant dans le brouillard. Il y a comme de fréquentes étuves cerclant les  gratte-ciels, les couvrant, les cachant…

On le sent également hanté par les perspectives infinies, vertigineuses comme ces personnages installés sur des poutres métalliques au-dessus du vide, maniant la perspective exacerbée vers les sols où ils pourraient s’écraser ou vers l’horizon, étale, d’où tous ces travailleurs migrants rêvent peut-être de repartir.

Du coup, comme on peut le vérifier sur l’encrage de la couverture ci-dessus, ses noirs sont profonds, pesant quand c’est nécessaire, appuyant lourdement  les scènes  inquiétantes,  le tout consolidé par ces vides lumineux dont on a parlé ou par ces hachures qui glissent le long des façades, l’ensemble baignant dans des sépias plus ou moins marron, plus ou moins rouge, plus ou moins verts quelquefois, étrangement, efficacement. Et pour une très belle histoire !

À noter pour la première édition un cahier de huit pages de croquis et inédits.

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Giant » T2 par Mikaël

Éditions Dargaud (13,99 €) – ISBN : 978-2-5050-6953-9

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