Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Seule » par Ricard Efa et Denis Lapière
Humaniste et initiatique, l’histoire émouvante de Lola, fillette élevée par ses grands-parents durant la guerre d’Espagne, se révèle être la première excellente surprise de ce début d’année 2018.
Lola, âgée de sept ans, est séparée de ses parents depuis trois ans : une éternité pour cette fillette gardée à Isona, chez ses grands-parents Marie et Ventura, depuis la naissance de sa petite sœur. Pour un moment, d’abord, puis pour une durée indéterminée quand la guerre civile éclate : nous sommes en Espagne, en 1936 ! Et si le temps semble d’abord se dérouler dans une forme d’insouciance, le bombardement du village, situé au cœur de la Catalogne, par les avions franquistes, bouleverse la vie de Lola, qui découvre les ravages de la guerre.
Contraints à l’exode, où l’amusement de la gamine fait place à la frayeur, Marie, Ventura et Lola rejoignent la bourgade de Lloda, chez les Calxic. Dans ce village sans repère, les grands parents de Lola tentent de maintenir une forme de routine quotidienne pour oublier les fracas de la guerre. Un bataillon de soldats républicains occupe également les lieux. Parmi eux, un lieutenant se prend d’affection pour la gamine, au point de s’occuper d’elle quand le grand-père doit emmener sa femme blessée à l’hôpital de la ville. Pendant ce temps, Lola murit et ne rêve que de retrouver ses parents. Quand son grand-père retourne à la ville et que les nationalistes attaquent Lloda, la fillette met son projet à exécution et part seule à la recherche de ses proches. De son périple introspectif, dont elle apprendra la différence entre les fantasmes et la réalité, elle reviendra avec la sage intention de ne pas vieillir trop vite.
Après son travail remarqué sur le tumultueux et lumineux  « Monet, nomade de la lumière », Ricard Fernandez, alias Efa (puis Ricard Efa), illustre avec un graphisme aquarellé, dont l’expressivité et les teintes d’une beauté saisissante collent parfaitement aux sentiments exprimés par le point de vue enfantin, un récit pourtant réaliste et qui lui est très personnel. L’histoire raconte, en effet, les souvenirs de la vraie Lola, la grand-mère de la femme du dessinateur aujourd’hui âgée de 83 ans. Pour réaliser ce projet graphique, Efa s’est associé à Denis Lapière, avec qui il avait déjà collaboré sur quelques épisodes de la série concept, créée par Pierre-Paul Renders : « Alter Ego ». Le scénariste retrouve ici l’humanisme dont il avait fait preuve pour « Le Bar du vieux Français » (avec Jean-Philippe Stassen) et sa collaboration avec Ruben Pellejero (« Le Tour de valse », etc.). Avec « Seule », les deux auteurs réussissent à mettre en scène, avec finesse, un récit bouleversant illustrant avec réussite le décalage entre la vision candide d’un enfant et la réalité de la vie.
Laurent TURPIN
« Seule » par Ricard Efa et Denis Lapière
Éditions Futuropolis – ISBN : 978-2-7548-2099-8