Hommage anniversaire à Mister Steve Ditko, avec deux titres rares en français…

Steve Ditko, né le 02 novembre 1927, a eu 90 ans cette année. Le dessinateur, cocréateur avec Stan Lee de certains des plus grands personnages Marvel dans les années 1960, avec Spider-Man, Docteur Octopus, le Bouffon vert, Docteur Strange ou Kraven, entre autres, a aussi connu une carrière, entre les années 1950 et 1970, un peu moins mise en lumière, chez les éditeurs Charlton, DC ou Fawcett. L’occasion pour deux éditeurs hexagonaux de comics de ravir les amateurs avec deux parutions patrimoniales : « Les Gardiens de Terre – 4 » chez Urban comics et « Histoires improbables » chez Néofélis.

Image tirée du documentaire "In Search of Steve Ditko" © Douglas E. Pratt

« Les Gardiens de Terre – 4 »

En 1965, Dick Giordano, dessinateur chez Charlton Comics, devient directeur de rédaction à la place de John Santangelo. Il a compris que les choses bougeaient en ce début des années soixante, et qu’il fallait redonner un coup de fouet aux productions de l’éditeur, alors en perte de vitesse. Une bonne troisième place, derrière Marvel et DC, serait toujours bonne à prendre.

Steve Ditko est un « ancien » de chez Charlton et a participé à créer le personnage de Captain Atom, en mars 1960, dans le comics « Space Aventures ». Le capitaine Allen Adam, suite à un accident de test spatial, devient ce super héros atomique, aux cheveux blancs et au costume rouge et or. Les scénarios sont signées de Jo Gill. Mais, en 1962, Steve Ditko est aux côtés de Stan Lee chez Marvel pour cocréer le légendaire Spider-Man. Tout aurait pu s’arrêter là, sauf que des dissensions entre les deux auteurs amènent le dessinateur à claquer la porte en 1965 et retourner chez Charlton. Là, avec Dick Giordano, il modernise « Captain Atom », change son costume, et tous deux inventent les action heroes.

De nouvelles histoires sont écrites et le héros bénéficie de son propre titre, en lieu et place de Strange Suspenstories. L’encrage est de Rocke Mastroserio. Captain Atom est accompagné d’un sidekick : Nighshade, une brunette à gadget, bénéficiant tout de même d’un pouvoir la transformant en ombre. Le Fantôme est leur principal ennemi. En accompagnement, le héros principal contient un vieux titre des années 1930 : « Blue Beetle », qui a déjà été ressorti de l’oubli et modernisé par Jo Gill et Joe Faccio (dessin) en 1964.

Blue Beetle en pleine action

Steve Ditko apporte aussi sa patte sur ce héros, changeant le nom de son alter ego, Dan Garrett devenant Ted Kord, mais aussi son costume, lui ajoutant un équipement de pointe. Il y a beaucoup de « Spider-Man » dans ce héros au costume bleu, à l’humour verbal intrusif et aux chorégraphies de combat assez similaires. Tandis que son petit vaisseau en forme de bug (punaise) très en avance sur son temps, et son repaire sous-marin, lui apportent le plus nécessaire et rappellent fortement « Batman ».

En juin 1967, « Blue Beetle » obtient son propre titre et c’est un nouveau back up (matériel d’accompagnement) qui est créé : « La Question ». Ce personnage sans réels pouvoirs (le propre de ces action heroes pour Dick Giordano) est Vic Sage, un chroniqueur sans complaisance de la chaîne Worldwide Broadcasting. Le professeur Rodor a conçu pour lui un masque spécial, déformable, qu’il tire de sa ceinture au besoin. Celui-ci a la particularité de laisser actif l’ensemble des sens, mais offre une face sans visage apparent à l’extérieur. Des gaz spéciaux projetés sur son corps et ses vêtements lui donnent aussi une apparence différente. D’autres émanent de ses mains et servent d’arme. C’est ce personnage que l’on découvre en couverture de ce recueil, avec une illustration issue du numéro 1 de Mysterious Suspense d’octobre 1968, un numéro entièrement dédié au héros.

Vic Sage est La question

Tous ces personnages, évoluant dans la ville d’Hub City, ne vont cependant pas fonctionner au niveau des ventes et vont disparaitre rapidement des kiosques. Ils refont surface timidement au milieu des années 1970, au sein du fanzine Charlton Bullseye (1), mais c’est surtout en 1986 qu’après le rachat des licences par DC, Marv Wolfman et George Perez les incluent dans la méga série événement : « Crisis on Infinite Earths ». Là, ils évoluent sur Terre-4, d’où le clin d’œil du titre de ce recueil. Quant au mot « Gardiens », il fait allusion, dans un autre clin d’oeil, au fait qu’Alan Moore s’est inspiré de ces anciens action heroes pour ses propres « Watchmen » (« Les Gardiens » en français) la même année. La boucle est bouclée.

Un épisode rare dessiné par Alex Toth

On remarquera la qualité de scénario de Dave Kaler sur « Captain Atom » et le récit très SF, étonnant de modernité : « L’Agonie de Ronthor », qui pourra faire penser à du Ray Bradbury. Cette histoire et « Captain Atom contre 13 » ont la particularité d’être encrées par Frank McLaughlin, au style beaucoup plus marqué années soixante que celui de Rocke Mastroserio. Tous ces chapitres un peu oubliés de science-fiction, très imprégnés de polar et à la forte connotation « The Shadow », ou « The Spirit », délivrent ceci-dit une couleur Marvel, inhérente au passage de Ditko sur le personnage de l’Araignée. Certaines scènes de combats très dynamiques de « Blue Beetle » et les aspects de ses vilains, évoquent même Jack Kirby. En parlant d’encrage, signalons aussi celui de John Byrne lui-même, sur les deux récits noir et blanc de « Captain Atom », tirés du fanzine Charlton Bullseye. Des récits franchement sympas et bien écrits, qu’il aurait été dommage de laisser dans le placard. Un vrai feu d’artifice rétro !

« Histoire improbables » nous livre de son côté, sur plus de 200 pages restaurées, une compilation de 40 courts récits parus au sein des revues This Magazine is Haunted, Tales of the Mysterious Traveler, ou encore Out of this World, dans les années cinquante. Ambiances fantastiques proches des EC comics, c’est un régal de découvrir ces histoires vintage au charme intacte.

 

Il est rare de pouvoir tenir dans ses mains un tel travail patrimonial consacré aux comics de ces années là, en français, si joliment présenté. Neofélis nous a déjà démontré son talent à défendre ce média dans de beaux albums, aussi lui ferons-nous entièrement confiance en achetant ce recueil original et bienvenu, mettant en lumière les travaux « oubliés » d’un artiste à l’influence majeure. Attention, cet ouvrage est limité à 700 exemplaires seulement.


(1)
Le Charlton Bullseye était un fanzine créé par le CPL gang, une bande de copains fans de comics, où officiait entre autre à l’époque le jeune… John Byrne. Parmi les bonus de ce recueil : des extraits issus des numéros 1 et 2 du Charlton Bullseye (1975) comprenant les épisodes noir et blanc de Sunuria de « Captain Atom », un extrait du #5, daté juillet à septembre 1976, avec, excusez du peu : un inédit de « La Question », dessiné par le grand Alex Toth ! Inclus aussi : le Charlton portfolio #9-10 (1974) de la même équipe de fan, présentant « Blue Beetle » #6.

Tristan Lapoussière a assuré la traduction de ces histoires, aussi, rappelons qu’il est l’auteur d’un livre complet dédié à Steve Ditko : « Steve Ditko, l’artiste aux masques », paru en janvier 2012 aux Moutons électriques.

Franck GUIGUE

« Les Gardiens de Terre – 4 » par Steve Ditko et divers
Édition Urban comics (35 €) – ISBN : 9791026810131

 

« Histoires improbables » par Steve Ditko
Éditions Néofélis, (35 €) – ISBN : 979-10-90314-11-5

Galerie

6 réponses à Hommage anniversaire à Mister Steve Ditko, avec deux titres rares en français…

  1. Franck dit :

    Les plus perspicaces d’entre vous auront remarqué un petit changement dans l’article concernant l’auteur. Merci à Frederick Stephan Stockman de Néofelis, pour son coup de pouce rectificatif bienvenu.

  2. Xof91 dit :

    Bonjour, À mon goût une excellente pioche de l’éditeur. Héros travaillés et attachants, Ditko impliqué, et du matériel jamais traduit, et hors de prix en VO. Un must?

  3. Franck G dit :

    En tous cas de beaux albums pour tout fan de comics de ces années là Xof91 ! ;-) Merci pour votre commentaire.

  4. JC LEBOURDAIS dit :

    Fawcett ?

  5. FranckG dit :

    Ce sera effectivement sans Fawcett, puisque Ditko n’a participé à la revue « This Magazine Is Haunted » qu’à partir du numéro 16, alors qu’elle venait d’être reprise par Charlton. Dont acte. Merci JC pour ce petit rectificatif ;-)

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