« Sérum » par Nicolas Gaignard et Cyril Pedrosa

Pour la première fois, l’auteur inspiré de « Trois ombres » (chez Delcourt) ou de « Portugal » (chez Dupuis) (1) a écrit un scénario pour un autre de ses collègues : un surprenant récit d’anticipation politique, la fois intime et fascinant, sur fond de parabole sur le mensonge.

À la suite d’une condamnation, Kader vit un enfer social dans cette France de 2050 où le pouvoir est tombé aux mains d’un régime autoritaire : sous l’emprise d’un sérum psychoactif, il est obligé de dire tout haut ce qu’il pense tout bas. Cela a pour résultat d’amplifier ses tensions avec les autres humains, car le mensonge sert aussi de régulateur social dans notre vie quotidienne. Ainsi, reclus dans un appartement de la zone de transit, il se retrouve très vite dans une grande solitude, ne parlant plus à personne et s’étant même séparé de sa femme et de sa fille. Pendant ce temps-là, la présidente de la République, elle, martèle, avant chacune de ses interventions ou interviews, qu’elle dit toujours la vérité aux Français : ce qui n’empêche pas une organisation clandestine de se préparer à une spectaculaire action de révolte.Avec son style graphique élégant, entre celui de Blutch et celui de Frederick Peeters, Nicolas Gaignard — un illustrateur et graphiste pratiquement inconnu, mais qui ne devrait pas le rester longtemps —, est totalement en adéquation avec le scénario anxiogène et addictif de Pedrosa qui met en exergue les contradictions humaines.Entre le « 1984 » de George Orwell ou la bande dessinée « SOS bonheur » illustrée par Griffo (dont une seconde époque déboule ces jours-ci chez Dupuis, Stephen Desberg remplaçant Jean Van Hamme au scénario), ce récit futuriste mérite vraiment que vous vous y attardiez !

 Gilles RATIER

(1) Voir : « Portugal » par Cyril Pedrosa. « Sérum » par Nicolas Gaignard et Cyril Pedrosa

Éditions Delcourt (18,95 €) – ISBN : 978-2-7560-6591-5

Galerie

Une réponse à « Sérum » par Nicolas Gaignard et Cyril Pedrosa

  1. Thark B. dit :

    Ca a l’air absolument passionnant (et… anxiogène, oui, avec une dimension prospective qu’on espère pas trop prémonitoire !) et je suis « soufflé » par la qualité graphique qu’on découvre dans ces quelques planches. Ce parti-pris des aplats de couleurs (en demi-teintes sourdes magnifiquement choisies et conjuguées) associés à un trait souple, vif, riche en matières et hachures, ça fonctionne admirablement bien. Bien vu, M. Ratier, ce côté « Peeters’Blutchien » ^^ ; l’ambiance graphique et narrative m’évoque aussi un peu le mélange élégance/dureté (et l’intensité) des dessins de Rochette pour Le Transperceneige… De sacrés compliments, en somme !
    Merci pour cette présentation, mission remplie : l’album s’ajoute d’emblée à ma liste des achats de fin d’année ! :)

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