Saviez-vous qu’en 1916, à Unicoi (comté de l’État du Tennessee, aux États-Unis), une éléphante prénommée Mary a été condamnée à mort et pendue à une grue pour avoir écrasé la tête du dresseur qui la battait ? Eh oui, en Amérique, à cette époque-là, on ne rigolait pas avec la loi, même en ce qui concernait les animaux à qui ont accordait, suivant la croyance populaire, une conscience morale. La plupart d’entre eux devant alors être exécutés, il y aurait eu, d’après l’excellent narrateur et dessinateur David Ratte (1), des bourreaux assermentés qui devaient parcourir tout le pays pour appliquer la sentence suprême à ces bestioles assassines, à la suite de décisions issues des procédures fédérales. C’était d’ailleurs le métier du jeune Jack Gilet : un type un peu paumé qui aimait tellement les animaux qu’il ne voulait pas qu’on les abatte comme des bêtes…
Lire la suite...« L’Ours Barnabé T18 : Un nouveau monde » par Philippe Coudray
Le plantigrade philosophe le plus célèbre du petit monde de la bande dessinée nous revient dans un dix-huitième volume à l’humour toujours aussi singulier. Cet animal à la zénitude affirmée délaisse, ici, ses montagnes pour la ville et le monde de l’art contemporain. Son regard sans concession hésite entre ironie désabusée et humour absurde.
Depuis 1980, en 18 albums, Philippe Coudray donne vie au petit monde de l’ours Barnabé. Ce sympathique plantigrade vit tranquillement dans un pavillon à flanc de montagne, près d’amis fort différents : une renarde, un kangourou ou un petit lapin. La petite troupe animale vit de courtes aventures en une page, de trois et sept cases, qui n’ont rien de commun avec les fables d’Ésope ou de La Fontaine : sans morale lénifiante, un humour absurde, parfois nonsensique, règne en maître sur ce petit univers.
En une page, le toujours débonnaire Barnabé triomphe, avec une sagesse jamais prise à défaut, des petits tracas du quotidien. Il sait par exemple quoi faire d’une maquette de navire cassée par un ami indélicat. On le voit, dans cet album, délaisser ses montagnes pour la ville et le monde de l’art. Il visite ainsi plusieurs galeries avant de comparer les graffitis contemporains à l’art rupestre du paléolithique, puis s’amuse à déstructurer des statues modernes avant de s’essayer lui-même à la peinture.
De quoi se moquer gentiment de certains travers de l’art contemporain avec des jeux renouvelés avec les mots et avec les images. Ce côté ludique de la narration rapproche le travail de Philippe Coudray, lui-même artiste peintre reconnu, à celui d’auteurs pour la jeunesse comme Claude Ponti.
On peut lire les 48 pages de ce nouvel opus des aventures de cet ours épicurien comme une ode à la liberté, à l’indépendance d’esprit et à une fraternité sans calcul. Tout le monde peut y trouver son compte, des plus jeunes aux plus âgés, car l’album autorise plusieurs niveaux de lecture.
Nous ne pouvons que vous recommander la lecture d’une série récompensée fort justement du prix des écoles lors du festival d’Angoulême 2011 et prescrite pour les élèves de cycle III par l’Éducation nationale. Dans le monde doux et poétique de Barnabé, tout se résout en jeux de mots ou en jeux visuels. Le rejoindre par la lecture est un bonheur toujours renouvelé, une douce addiction dont il est difficile, voire impossible, de se défaire. À vous de vous laisser tenter, si ce n’est déjà fait depuis longtemps !
Laurent LESSOUS (l@bd)
« L’Ours Barnabé T18 : Un nouveau monde » par Philippe Coudray
Éditions La Boîte à Bulles, collection La Malle aux images (12,50 €) – ISBN : 978-2-84953-290-4