« Le Beffroi » par Jeff Stokely et Simon Spurrier

Les éditions Akileos nous présentent un one shot de science-fiction étonnant issu des studios Boom, mêlant différentes influences européennes, américaines et japonaises, dans un format comics au dessin un peu amateur, mais néanmoins charmant. Un courant frais alternatif bienvenu.

C’est un album apparu comme un mirage parmi l’encombrement des nouveautés en bande dessinée. Un de ces bouquins dont rien que la couverture invite à la découverte. Une jeune femme assise au sommet du fameux beffroi de l’histoire semble songeuse et attend on ne sait quoi. Shå est la capitaine de la garde, chargée de la sécurité du Beffroi, l’appellation d’une cité plantée au milieu d’un désert aride et radioactif. Celle-ci est organisée en niveaux : plus on monte, plus notre rang dans la société est haut. Aujourd’hui, le Baron, dirigeant de la cité, vient de mourir, et de sanguinolents événements vont venir chambouler l’investiture de sa fille Tavi.

Shå, qui était appréciée par le Baron, n’est cependant pas dans les petits papiers de cette nouvelle venue aux manières rudes. Notre héroïne, elle-même, mène une vie un peu étrange : en couple avec la propre jeune sœur de Tavi et issue d’une des nombreuses races déviantes qui peuplent la cité ou ses environs. Son apparence semble d’ailleurs avoir été entièrement remodelée, et elle aurait trente ans de plus que son âge apparent. En tant que Sculptée, elle possède aussi des pouvoirs particuliers.
Ceux-ci, associés à l’aide de ses acolytes : Milk et le petit messager volant Pug, suffiront-ils à découvrir qui se cache derrière les massacres prémédités qui ensanglantent le beffroi ? Et pourquoi ? D’autant plus que Tavi joue avec le feu, puisque les déviants Zoarims, sensés prêter allégeance, ont découvert une arme antique de destruction massive, qui pourrait bien tout remettre en jeu.


Simon Spurrier est un jeune auteur britannique en pleine ascension qui s’est fait connaître au début des années 2000 avec ses nombreux récits pour la revue 2000 AD. Il est, entre autres, le créateur du personnage Lobster Random. Ces dernières années, il a été remarqué par les éditions Marvel qui lui ont laissé les rênes de divers super-héros, et plus particulièrement le titre « X-Men Legacy », mettant en scène le personnage de Legion. Cet auteur a déjà eu l’occasion de travailler avec le dessinateur Jeff Stokely, autodidacte plus jeune et débutant, sur la série « Six Gun Gorilla » traduite aux éditions Ankama. N’empêche, ces deux-là se sont, semble-t-il, trouvés, arrivant à mixer leurs deux talents respectifs, créant des univers riches, au style très indépendant, tant au niveau du rythme, des dialogues, ou du graphisme. Les couleurs douces informatiques de André May rajoutant à cette impression.

Leur héroïne, Shå, avec sa personnalité très marquée et frondeuse, ne manquera pas de rappeler au moins deux autres fonceuses du monde des comics : Tank Girl, de Jamie Hewlett, et encore davantage : Halo Jones, de Alan Moore, pour son parallèle marqué d’univers science-fictionnel et l’origine anglaise de son créateur.

L'effrontée Shå, cousine de Halo Jones ?

Jeff Stokely développe quant à lui un dessin très influencé par les maîtres japonais Hayao Miyazaki (période « Nausicaa ») ou Taiyō Matsumoto (« Number 5 », « Amer béton »), ce dernier, lui-même fortement influencé par Moebius et ses dessins au trait. On pense aussi étonnement, par moments, aux story-boards du réalisateur de films d’animation Bill Plympton. Mais si son dessin fonctionne sur l’ensemble de l’album, dont le scénario bien construit et le suspens sont particulièrement maîtrisés, on ne peut s’empêcher de s’arrêter devant de nombreuses cases, dont l’encrage laisse songeur. Des yeux à peine dessinés, des habits trop peu détaillés, des couleurs sans ombrage, plaquées telles quelles… donnant vraiment l’impression d’un travail, soit trop amateur, soit trop bâclé. Si ces petits défauts graphiques, non systématiques, ne sont pas suffisants pour détourner la lecture et l’intérêt de la superbe histoire, à la fin d’ailleurs très émouvante, cela interpelle quand même un peu.

Spurrier – Stokely : un duo de choc, dont le rendu graphique ne pourra que se bonifier.

Franck GUIGUE

« Le Beffroi » par Jeff Stokely et Simon Spurrier
Éditions Akiléos (17 €) — ISBN :  235 574 315 378

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>