Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Disparition de Len Wein : une étoile des comics s’est éteinte…
On a appris ce dimanche 10 septembre par les réseaux sociaux la nouvelle de la mort de Len Wein : scénariste de comics et éditeur. BDzoom.com se joint à tous les fans et lecteurs de cet auteur influent, afin d’honorer sa mémoire.
Pour beaucoup de lecteurs ayant grandi dans les années soixante-dix, le nom de Len Wein évoque d’abord au moins une chose : « Swamp Thing ». Cette créature des marais que Len Wein, alors récemment embauché par la firme DC (en décembre 1968), proposa à son jeune conscrit de vingt ans Bernie Wrightson pour la revue The House of Secrets n° 92 en juillet 1971. Cette histoire qui ne devait être qu’un épisode sans lendemain plut tellement aux lecteurs que l’éditeur demanda une suite et proposa même un titre complet dédié à ce nouveau personnage attachant : le scientifique Alex Olsen (puis Alec Holland) et son avatar monstrueux. Celui-ci, transformé en créature mi-humaine, mi végétal après un accident, va passer sa vie à essayer de garder le peu d’humanité qui reste en lui. Une invention poignante et dramatique superbement dessinée, qui a vraiment lancé la carrière de l’un des meilleurs dessinateurs de son époque (se reporter à l’hommage précédent rendu à Bernie Wrightson par Laurent Lefeuvre sur notre site).
Si certains ont découvert en France ce superbe récit dés 1974 dans le petit format Spectral, d’autres ont attendu un peu plus tard afin de pouvoir le lire en album, car Fershid Barucha, responsable de la revue L’Écho des savanes spécial USA le publia aux éditions du Fromage en 1977. Le titre évoluera au fil du temps, se complexifiant, et au début des années 1980, « Saga of the Swamp Thing », édité par Wein, se positionnera parmi les premiers travaux de l’auteur Alan Moore. Abigail Arcane, l’un des personnages (féminin) majeurs de la série fut introduit par Wein et Wrightson dans Swamp Thing n° 3 (février-mars 1973).
Wein écrivit la seconde histoire de « Man-Thing » (écrite en mai 1971, mais publiée seulement en juin 1972 dans Astonishing Tales), introduisit Barbara Morse et le concept que « Quiconque connaît la peur brûle au toucher de Man-Thing » et édita ensuite le fameux run de Steve Gerber sur le titre.
Ensuite, un autre nom ressort de la carrière de Len Wein : Wolverine. C’est en effet en décembre 1974, lors de l’épisode « Between Hammer and Anvil » de la revue The Incredible Hulk vol. 2, n° 182, que ce nouveau personnage fait son apparition (en France : Gamma n° 12, Aredit, 4e trimestre 1980).
En 1975, il est l’auteur qui, avec Dave Cockrum, fait renaître les « X-Men », licence de Marvel, après cinq ans de désert éditorial, dans la revue Giant-Size X-Men n° 1. Non seulement il relance la série, mais pour la rendre un peu plus internationale, il inclut le Wolverine : ce personnage canadien, héros taciturne aux fameuses griffes de sabre en adamantium. Gloire lui soit rendue, car la carrière qui a mené jusqu’aux blockbusters actuels ce super-héros n’était pas toute tracée à l‘époque. Si Wein imagina les tout premiers « New X-Men » avec le dessinateur Dave Cockrum, ces chapitres furent ensuite scénarisés sous le titre « Uncanny X-Men » n° 94 et 95 par Chris Claremont, lequel développa le titre pour le faire devenir l’une des licences les plus importantes de l’éditeur Marvel.
À la suite de quelques différends avec le management de Marvel, Len Wein revient chez DC à la fin des années 1970. Là, il travaille avec les principaux dessinateurs de l’époque sur pas mal de super-héros emblématiques. Il crée, entre autres, avec le dessinateur José Luis Garcia-Lopez, un cross-over : « Hulk Batman » (DC Special Series #27, 1981. En France dans Collection Superman et Batman no 5, chez Sagédition, 1982) et surtout, comme éditeur, travaille sur les douze premiers numéros de la série « Camelot 3000 ». Notons aussi les réussis : « The New Teen Titans », « All-Star Squadron », « Batman and the Outsiders », « Who’s Who in the DC Universe », et surtout le reconnu et très influent « Watchmen » d’Alan Moore et Dave Gibbons.
Plus tardivement, on remarquera sa collaboration avec le scénariste Kurt Busiek et le dessinateur Kelley Jones sur la série en quatre épisodes : « Conan : The Book of Thoth » pour Dark Horse Comics, série sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir en détail.
Dans les années 2000, en plus d’autres scénarios (en 2012, Wein travailla sur le projet « Before Watchmen », devenu culte depuis, écrivant les mini séries « Ozymandias » avec Jae Lee au dessin), Len Wein consacra pas mal de temps à des interviews contenues dans des éditions DVD de films adaptés de comics, comme le film d’animation « Justice League : The New Frontier », et les films « Spider-Man », « Les Quatre Fantastiques », « X-Men », « X-Men Origines : Wolverine », « Watchmen », les épisodes télévision de « The Swamp Thing », etc.
Récompensé à plusieurs reprises dans son pays, considéré comme une figure importante et incontournable de l’univers des comics des années 1970/1980 (le fameux Silver Age), il a été introduit au Will Eisner Comic Book Hall of Fame en 2008. Il avait dû subir un quintuple pontage en février 2015, et a donc succombé à un arrêt cardiaque le 10 septembre.
« L’histoire des comics modernes serait incroyablement différente si vous ne preniez pas en compte les contributions de Len Wein. Le fait que personne ne s’en aperçoive la plupart du temps est vraiment déplaisant. Nous devons beaucoup de ce que nous sommes – en tout état de cause sur les X-Men – à Len et Dave (Cockrum) » : Chris Claremont, cité par : Kurt Anthony Krug le 22 avril 2009 dans : « Legends : Chris Claremont » Mania.com.
NB : cette citation n’est plus disponible en ligne aujourd’hui.
Franck GUIGUE