« Cléopâtre, la reine fatale » T1 par Joël Mouclier, Thierry Gloris et Marie Gloris

Après Aliénor, Frédégonde, Isabelle et Tseu-Hi, la collection Les Reines de sang accueille une nouvelle invitée de prestige. Voici Cléopâtre, reine d’Égypte à 18 ans, future maîtresse de César et d’Antoine, retranscrite au travers de ses folles ambitions, de ses charmes vénéneux et de ses luttes de pouvoir. Entre esprit romanesque et véracité du propos historique, on suivra dans cet opus inaugural les primes années d’un règne devenu mythique…

Le sang des Lagides (planche 1, Delcourt 2017)

Paru aux côtés d’un sixième tome signant la fin du cycle « Aliénor, la légende noire » (voir notre article consacré aux deux premiers volumes en 2013), « Cléopâtre » renouvelle fort à propos la collection proposée par Delcourt depuis 2012. Marie et Thierry Gloris, scénaristes mais également grands férus d’Histoire (DEA et Doctorat en poche) avaient précédemment œuvré de concert sur le diptyque « Isabelle, la Louve de France ». Changeant d’époque et de souveraine, ils n’ont pas hésité à aborder de front la personnalité et l’image d’une icône en la matière, à jamais immortalisée entre case et écran, tant par René Goscinny et Albert Uderzo dans « Astérix et Cléopâtre » (1965 ; film par Alain Chabat en 2002) que par Liz Taylor dans le monumental péplum de Mankiewicz (1963). Dans les deux cas, et outre un certain nez susceptible à lui seul de changer la face du monde, on avait pu garder en mémoire la plastique sensuelle et le caractère – aussi orgueilleux qu’autoritaire – de la célèbre reine d’Égypte.

Statue de la reine Cléopâtre VII, moitié du Ier siècle (Musée de l'Ermitage, Saint-Saint-Pétersbourg)

Celluloïd d'étude de personnage pour le film d'animation "Astérix et Cléopâtre" (Uderzo, Goscinny et Belvision, 1968)

Née en 69 avant J.C., Cléopâtre VII Philopator n’est restée dans l’Histoire qu’au travers de la légende noire rédigée par une historiographie antique qui en fit l’ennemie de Rome. La rareté des sources fiables et des représentations (au-delà de quelques pièces, bas-reliefs et sculptures grecques ou égyptiennes) n’ont guère aidé les historiens actuels à se forger une image définitive du physique réel de cette souveraine. Comment dès lors rendre compte de son enfance et ses années d’adolescence ? De sa confrontation avec son frère cadet Ptolémée XIII (né en 61 av. J.-C.), avec lequel elle se retrouve mariée selon la coutume qui l’oblige à ne pas régner seule ? Marie Gloris explique : « Nous voulions travailler sur un personnage qui serait différent, à la fois géographiquement et temporellement, d’Isabelle. Cléopâtre a été une évidence. Et le dessin de Joël, ses couleurs, nous ont semblé d’office être en harmonie et adéquation avec le projet. Comme il y a peu de sources sur Cléopâtre avant sa rencontre avec César, cela nous laissait aussi plus d’espace d’invention dans la narration, afin de lui donner une tonalité que j’ai souhaitée féministe. » A l’automne 49 av. J.-C., une véritable guerre éclate entre Cléopâtre et Ptolémée, poussant la première à fuir en Syrie. Vaincu par César à Pharsale (48 av. J.-C.), Pompée tente en parallèle de trouver refuge en Égypte : en vain car l’ancien protecteur de la dynastie des Ptolémées sera assassiné sur ordre du pharaon, qui cherche ainsi à s’attirer les bonnes grâces du vainqueur. Dans cet épineux contexte géopolitique, la volonté de Cléopâtre et son désir d’imposer « son sexe et son sang » explosent au grand jour : confirmés par les historiens, son charme et sa voix ensorcelante, son esprit brillant et cultivé (outre le grec et l’égyptien, elle parle l’araméen, l’éthiopien, le mède, l’arabe et l’hébreu !) seront de précieux atouts dans son irrésistible ascension.

Un frère dans le nez (planche 3, Delcourt 2017)

Nul doute que, sous les crayons et les chaleureuses couleurs de Joël Mouclier (« Champs d’honneur T4 : Camerone – Avril 1863 » en janvier 2017, sur scénario de Thierry Gloris), les tomes suivants s’intéresseront aux amours entre César et Cléopâtre, à la guerre contre les Parthes, à la rencontre avec Marc-Antoine et à la défaite finale contre les troupes d’Octave à Actium. Avec la mort de Cléopâtre (le 12 août 30 av. J.-C.), la mainmise impériale sur l’Égypte devenait totale. Ainsi s’achevait l’époque hellénistique héritée d’Alexandre le Grand et des diadoques… Digne des grands romans-feuilletons, des tragédies antiques ou des sagas épiques, l’on comprendra qu’un tel règne soit devenu un mythe.

"Cléopâtre rencontre César", par Jean-Léon Gérôme (huile sur toile, 1866)

Philippe TOMBLAINE

« Cléopâtre, la reine fatale T1 » par Joël Mouclier, Thierry Gloris et Marie Gloris
Éditions Delcourt (14,95 €) – ISBN : 978-2-7560-7829-8

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>