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« Kilum : rencontre avec les Himbas » par Samuel Figuière et Vincent Lemonde

25/08/2017
Par Didier Quella-Guyot

Au nord de la Namibie s’est installée — au XVIe siècle, semble-t-il — une population venant de l’actuel Angola : les Himbas, refoulés au XIXe, puis réintégrés vers 1920. Dans un pays colonisé par les Allemands (qui ont massacré au début du XXIe siècle les ethnies Namas et Heréros, ces deniers issus des Himbas), ce peuple réduit à quelque 10 000 individus fait figure de monde à part. Ce sont eux que le scénariste est allé rencontrer…

Vincent Lemonde quitte le monde des affaires et la cellule familiale, forcé et contraint par des revers de fortune et un divorce. Début 2015, il s’exile loin du décevant monde capitaliste et s’installe dans ces contrées pittoresques avec un vélo et beaucoup de ténacité, avec la ferme intention de comprendre ce peuple et d’apprendre sa langue. C’est d’abord atteindre le nord-ouest de la Namibie : une région sans grand réseau routier, qui plus est quand on veut s’installer dans un village himba véritable (curieux, d’ailleurs, qu’aucune carte ne figure dans l’album pour situer ce séjour).

Rencontrer les Himbas, c’est d’abord appliquer les protocoles d’approche en respectant la hiérarchie traditionnelle, les coutumes vestimentaires ou capillaires étonnantes et spectaculaires — d’épaisses tresses, notamment —, les habitudes culinaires ou les notions du temps. Il faut s’intégrer coûte que coûte, notamment en mangeant selon des notions hygiéniques sans rapport avec les contraintes occidentales, le tout au sein d’un peuple en fréquente difficulté alimentaire.

Pas question évidemment pour Vincent d’accepter, pour s’intégrer, l’ablation des quatre dents de la mâchoire inférieure ou de se faire circoncire, encore moins d’accepter un mariage local ! Il participe, en revanche, aux tâches animalières et prend des notes sur ce peuple totalement marginalisé, et même discriminé par l’ethnie dominante : les Owambos. L’auteur aurait pu d’ailleurs en dire un peu plus sur ce point, se contentant d’illustrer cet aspect par deux dessins représentant la capitale Windhoek (sans la nommer, page 70). Intéressante, en revanche, cette tentative d’emmener quelques habitants découvrir l’important Parc national d’Etosha et les éléphants, des animaux peu présents du Kaokoland (la région où ils demeurent).

Dans un dossier complémentaire, nourri de nombreuses photos, l’auteur fait le point sur ces deux années passées loin du monde occidental, ce qu’il a appris, ce qu’il a retenu de ce peuple d’éleveurs (vaches et chèvres) connu pour s’enduire d’une graisse de vache très odorante, additionnée d’ocre et d’aromates, qui justifie le surnom de « peuple rouge », un peuple résistant à l’évangélisation, mais répondant de plus en plus du côté de la capitale régionale, Opuwo, aux sirènes du tourisme et au risque de l’exhibition !

Graphiquement, le travail de Samuel Figuière n’était pas évident et manque un peu de maturité et de souplesse, mais rappelons qu’on lui doit aussi « La Voie des chevriers » (éditions Warum, 2016) : un témoignage sur le quotidien de Cécile et Nicolas, un jeune couple de paysans venus s’installer comme chevriers aux pieds du Mont Ventoux (on est, du coup, très loin de l’Afrique du Sud !). Le couple souhaite un élevage à taille humaine, milite contre les logiques industrielles et la normalisation et prône la valeur du travail artisanal. L’album est à la fois une chronique sociale et un documentaire pédagogique très complet sur le métier d’éleveur de chèvres, vu par un couple militant en butte aux tracasseries administratives et aux difficultés du métier lui-même. C’est à la fois riche, instructif, vivant et sympathique.