On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...« Our Summer Holiday » Par Kaori Ozaki
C’est bientôt les vacances d’été ! Pourquoi ne pas en profiter pour lire un bon manga parlant justement de cette période où les enfants en profitent pour découvrir de nouveaux horizons ? Ces deux mois de transition ne sont pas un simple passage à vide entre deux classes, c’est également un temps de changement et de découverte. Le jeune Natsura va lui aussi partir à l’aventure et découvrir une vie bien différente de son quotidien. Entre secrets et non-dits, beaucoup de choses vont se passer pendant cet été un peu spécial et inattendu.
À 11 ans, Natsuru a l’insouciance des jeunes garçons entrant dans l’adolescence. Il voit ses camarades féminins grandir et prendre des formes autour de lui. Pourtant, sa seule passion, c’est le foot. Il passe tout son temps à s’entraîner avec ses camarades. Fraîchement débarqué dans son nouveau lycée, il lui a été extrêmement facile de se faire des amis. Il s’est également fait remarquer par la princesse de l’établissement : une jeune bourgeoise qui pensait que tout lui était dû dans la vie. Pourtant, lorsqu’à la Saint-Valentin elle a offert des chocolats directement importés de France à son prétendant, la passion du foot l’a emporté et elle s’est fait gentiment rembarrer. « Je m’en fous, je n’ai pas besoin des filles pour vivre, d’abord. Il n’y a que le foot qui compte ! », s’évertue-t-il a déclamer à ses camarades suite à cet « incident ».
Cette passion dévorante va tourner court lorsque l’ancien entraîneur du lycée, atteint d’un cancer, va être remplacé par un jeunot un peu trop autoritaire. Licencié de la Japan Football Association, Maruo Sakai entend bien faire de ces jeunes garçons des champions. Mais sa technique critiquant la moindre action et épuisant les jeunes ne porte pas vraiment ses fruits. Elles les découragent plutôt. Du coup, Nanao Natsura a décidé de sécher le camp sportif auquel il devait participer durant les grandes vacances. Il trouve donc refuge chez Suzumura : une camarde de classe qu’il ne connaît pas si bien que ça, mais avec laquelle il partage un secret. En effet, Nanao a demandé à sa camarade d’héberger son chaton qu’il a recueilli, alors qu’il était abandonné dans une boîte. Sa mère allergique aux poils de cet animal ne pouvait clairement pas le tolérer sous son toit. Ça tombe bien, cette petite boule de poil va être le point de rencontre de ce couple impromptu. C’est le début d’une belle aventure qui va entraîner le jeune prodige du foot dans un monde totalement inconnu, fait de sacrifices et de désillusions.
Déjà connu en France pour sa seule longue série, « Immortal Rain », un shojo manga de fantasy en onze volumes parus depuis 2011 chez Doki-Doki, Kaori Ozaki est de nouveau publié en France avec ce shonen proposé en un volume unique chez Delcourt Tonkam. Ici, le sujet est grave : sous des airs de manga classique et amusant, se cache une vérité tout autre. Le ton est enjoué, malgré une réalité faite de sacrifices quotidiens. Plus le lecteur avance dans l’histoire, plus la situation de Suzumura et de son petit frère plombe le récit, mais finalement ouvrent les yeux de Maruo sur la difficulté de la vie. Abandonnés par leur père, soi-disant parti pécher en Alaska, leur mère est morte et leur grand père également. Livrés à eux même, ces deux enfants ne savent pas encore comment gérer la partie administrative de leur vie. Pourtant, en femme du foyer et grande soeur, Suzumura prend soin des maigres économies qu’ils ont. Elle arrive à donner le change à l’école où leur situation n’est pas connue. C’est d’ailleurs un secret qu’elle ne peut partager, ayant peur que les services sociaux viennent les enlever pour les placer dans des familles d’accueil différentes. Elle refuse catégoriquement d’être séparée de son petit frère.
Partager ce secret et cette vie d’été avec Natsuru est une nouveauté pour elle. Elle va s’ouvrir à quelqu’un envers qui elle a confiance. Elle retrouve le goût des fêtes traditionnelles en famille, même si le garçon qu’elle côtoie n’est clairement qu’un voisin et un camarade de classe. À onze ans, ils ont encore l’insouciance de la jeunesse, mais le poids des responsabilités commence à se faire sentir. Le récit progresse au fil des pages comme une tranche de vie qui se dévoile devant les yeux des lecteurs. Natsuru et Suzumura sont à la fois portés par le cours des événements qu’ils ne savent pas encore comment appréhender et également maître de leurs destins, même s’ils ne savent pas vraiment si leurs choix sont bons. Rien ne semble prévisible, on est loin d’une romance classique, ce n’est même pas le sujet ici. C’est une rencontre, un passage vers une vie plus adulte, une désillusion grandissante au fur et à mesure des découvertes et une prise en main certaine de ces deux êtres au vécu et à l’histoire si différente.
D’ailleurs, le titre français – étonnement en anglais – dénote un peu par rapport au message fort du titre japonais : « Kamisama Ga Uso o Tsuku » : « Les Dieux nous racontent des mensonges ». Sous-entendu qu’ici, les dieux sont les parents qui cachent la vérité à leurs enfants et vivent une vie qui leur sont totalement inconnue, voire cachée. Largement basé sur l’incident des enfants abonné de Sugamo qui a défrayé la chronique judiciaire japonaise à la fin des années 1980, ce manga est pourtant loin d’être aussi pessimiste. Si dans les réalités, une mère a abandonné ses enfants durant 9 mois, les laissant avec seulement ¥50,000 pour vivre dans l’appartement familial, le manga de Kaori Ozaki rend cet abandon moins funeste. Suzumura, même si elle n’a que 11 ans, apprend rapidement à gérer la situation et tenir un budget. Ses talents de cuisinière font qu’elle et son frère se nourrissent bien et ne sont pas dans un état de malnutrition, comme c’était le cas dans la réalité. Le manga ne s’attarde d’ailleurs pas sur l’inconscience des parents, mais plutôt, sur le devenir des enfants et la manière qu’ils ont de traverser cette épreuve dignement et sereinement.
« Our Summer Holiday » est une belle histoire, mettant en avant un été très particulier pour ces jeunes. Sans tomber dans le pathos, Kaori Ozaki, livre un message positif même s’il est empreint d’une certaine mélancolie. Bref, c’est la vraie vie qui défile au gré de pages emplies d’allégresse, mais également d’amertume, durant cet été ou tout va changer.
Gwenaël JACQUET
« Our Summer Holiday » Par Kaori Ozaki
Éditions Delcourt Tonkam (7,99 €) – ISBN : 978-2-7560-9573-8