« Au pied de la falaise » par ByMöko

Difficile, en découvrant cet album, de ne pas penser au pays du peuple dogon, au Mali, dont les villages sont installés au pied de la falaise de Bandiagara. Difficile encore de ne pas, du coup, penser que l’énorme rocher qui surplombe le village ne soit pas le mont Hombori, non loin de Bandiagara, précisément. Si ce n’est pas le Mali, ça y ressemble pourtant déjà beaucoup, mais l’auteur est français et semble n’être jamais allé en Afrique. Il a probablement fantasmé son village…

ByMöko, scénariste et dessinateur de cet album, a un double projet : raconter la vie, toute une vie, d’un jeune villageois africain, au fil de petites histoires qui permettent au héros de grandir et à l’auteur d’évoquer des expériences, des contes, des fables… De récit en récit, s’étoffe peu à peu une vision du monde, éducative, morale, altruiste, philosophique quelquefois, mystique aussi, entre ciel et terre, entre cieux et ancêtres : « La nuit tombe, l’âme du monde s’éveille… », bref un récit d’initiation qui évoque la vie, mais aussi la mort.

Une certaine poésie du texte accompagne ces petites histoires qui hésitent entre l’anecdote et la leçon de vie, ce qui fait tout leur charme. Les adultes savent piéger les enfants (l’histoire de la gourde d’eau), mais les enfants, entre eux, jouent au plus fin (le coup du buffle). Il se trouve que le père du petit héros, Akou, est le fils du chef de village : il juge, conseille et son fils se nourrit de ses leçons, car il devra sûrement le remplacer un jour. Mais l’auteur n’a pas négligé les croyances : celles du sorcier Sigma, notamment, qui impressionnent tant le jeune Akou, lequel sera bien plus impressionné encore par l’assurance de « sa Soleil », la jeune femme dont il tombe amoureux. Akou grandit, mais même adulte, il continue de jeter un regard amusé sur ses congénères.

Le dessin de ByMöko est incroyablement précis et séduisant. On entre dans ses villages et dans les cases (celles des villages !), on vaque au bord du fleuve ou derrière les troupeaux. Tout est fait pour qu’on observe les greniers à mile sur pilotis ou la décoration de la case du chef avec mobilier travaillé, masques ou têtes de zébu. Et l’arbre à palabres est une merveille graphique : son tronc noueux jette vers le ciel des branches effilées porteuses de feuilles qui envahissent l’espace. On déambule aussi sur les marchés où les femmes vendent sur leurs petits étals de bois leurs meilleurs beignets, mais où la concurrence est rude et le chaland rusé ! La vie n’est pas facile, il faut se battre au village où « seuls les féticheurs sont devenus moins chétifs », contre la sécheresse précisément qui amaigrit le troupeau et les hommes. Cela n’empêche pas les femmes de danser, de virevolter s’il le faut !

À noter que les couleurs sont étonnantes constituées d’un ensemble de grisés sablonneux, de tons pierre, de végétations cendrées… du plus bel effet !

Puisqu’on parle danse, parlons musique et « projet transmedia » : non seulement « Au pied de la falaise » est une bande dessinée, mais c’est également un site (aupieddelafalaise.bandcamp.com) où l’on peut écouter et télécharger bandes-son et chansons ; un clip, et un site 360°…

Alors, bon voyage,

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Au pied de la falaise » par ByMöko

Éditions Soleil, collection Noctambule (17,95 €) – ISBN : 978-2-3020-5387-8

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