Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Les Chevaliers d’Héliopolis T1 : Nigredo, l’œuvre au noir » par Jérémy et Alejandro Jodorowsky
Le mythe de Louis XVII, mort à dix ans dans la prison du Temple, selon la grande Histoire, a inspiré à Alejandro Jodorowsky (88 printemps et toujours au top), cet éblouissant récit initiatique et onirique, où fresque historique et fable alchimique cohabitent harmonieusement.
Mars 1778. Après sept années d’union avec Marie Antoinette, Louis XVI est désespéré de n’être pas encore père et fait appel à l’alchimiste Fulcanelli. Ce dernier conseille à la reine de boire les trois gouttes d’un vin d’Égypte qu’il lui confie, et au roi de caresser la vulve de sa femme avec une plume arrachée au paon royal qui fut le favori de son grand-père.
Neuf mois plus tard, un enfant voit le jour : un futur dauphin qui se révèle posséder deux sexes. Pour Fulcanelli, le futur Louis XVII est le mythique hermaphrodite que les alchimistes attendent depuis des siècles. Au même moment, Charlotte, la boulangère et maîtresse forcée du roi, met au monde un enfant difforme et idiot. C’est elle, après l’avoir allaité pendant trois ans, qui aide le dauphin à fuir la tour du Temple où il est enfermé depuis la mort de ses parents guillotinés.
Initié par Fulcanelli dont il est devenu le protégé, baptisé comte Astamar (ou comtesse selon les moments), celui qu’il appelait XVII devient, en 1814, membre des Chevaliers d’Héliopolis : une assemblée d’alchimistes immortels isolés du monde et dont le temple secret se situe dans un monastère du nord de l’Espagne. Afin d’obtenir l’élixir de longue vie, le fils du roi défunt doit ravir à son oncle le roi Louis XVIII la couronne d’or antique de son ancêtre Marie-Joseph d’Autriche, la seule capable de produire l’huile miraculeuse dont chaque goutte fait gagner des siècles de vie…
Fruits d’une imposante documentation, ces « Chevaliers d’Héliopolis » jouent à la fois sur la grande Histoire et le mythe de l’éternelle jeunesse cher aux alchimistes. Après nous avoir éblouis avec les six albums de sa première série (« Barracuda », scénarisée par Jean Dufaux et publiée chez Dargaud), Jérémy Petitqueux, qui signe ses dessins de son seul prénom, réalise un rêve d’enfant : dessiner une histoire imaginée par Jodorowsky, dont il a toujours admiré les scénarios. Coloriste, dès 17 ans, du « Murena » de son ami et maître Philippe Delaby (après son décès brutal, il a dessiné les 21 dernières planches du tome 4 du 2ème cycle de la « Complainte des landes perdues »), Jérémy plonge avec délice dans les arcanes de l’histoire de son trait fluide et lumineux, aussi habile dans la réalisation des séquences oniriques que dans la reconstitution fidèle des décors et des uniformes. Un travail de perfectionniste qui le place, à 33 ans (il est né en 1984), parmi les meilleurs dessinateurs réalistes classiques du moment.
« Nigredo, l’œuvre au noir » est le premier volume d’une série de quatre (il sera suivi par « Albedo, l’œuvre au blanc », « Rubedo, l’œuvre au rouge » et « Citrinitas, l’œuvre au jaune ») qui figure parmi les meilleures surprises de ce premier semestre.
Henri FILIPPINI
« Les Chevaliers d’Héliopolis T1 : Nigredo, l’œuvre au noir » par Jérémy et Alejandro Jodorowsky
Éditions Glénat (14,50 €) — ISBN : 9 782 344 011 324