Un premier voyage dans les Terres australes et antarctiques françaises — retranscrit dans le très bel ouvrage « Voyages aux îles de la Désolation » — n’a pas rassasié le dessinateur Emmanuel Lepage (1) : 12 ans après, en 2022, il embarque à nouveau pour les îles Kerguelen. N’ayant pas pu, lors de sa première excursion, vivre au plus près le quotidien de tous ceux qui travaillent sur cet archipel au relief montagneux d’origine volcanique, situé au sud de l’océan Indien, il y reste cette fois-ci deux mois et demi : s’attachant donc plus aux personnes qui partent avec lui, tout en montrant les changements déjà à l’œuvre sur la nature, en raison du réchauffement climatique. Du beau, écologique et humaniste, voire quasiment poétique, récit de voyage en BD !
Lire la suite...« Nam-Bok » par Thierry Martin [d’après Jack London]
Une tribu du Grand Nord canadien vit, reculée, isolée, entre mer glaciale et montagnes, entre lac gris et sapins décharnés. On se croirait en hiver, mais c’est l’été. C’est alors que revient, vers ces habitants à la vie rustique, un des leurs depuis longtemps disparu et qu’on croyait mort ; sauf sa mère qui scrutait le rivage espérant un jour le voir revenir. Et le revoilà dans son kayak…
Nam-Bok débarque. Les habitants le reconnaissent, certes, mais on n’est pas sûr que ce ne soit pas un fantôme ou une ombre malveillante. Il finit par prouver sa réalité, mais à l’évidence il a beaucoup changé. Il a, par exemple, beaucoup de mal à manger la viande de phoque crue ! Cela dit, enfin accepté et écouté, il commence à raconter ce qu’il a vu au-delà de l’horizon, à évoquer son voyage et à distiller des récits extraordinaires. Mais les « étranges choses qu’il a vues » ne vont pas forcément séduire. Nam-Bok décrit en effet des bateaux gigantesques, sans pagaies puis « un monstre gros comme mille baleines » (un train), mais bien évidemment, on ne le croit pas : « Cela ne peut être, cela n’est pas dans l’ordre des choses… »
Nam-Bok, tout heureux de ce qu’il a découvert, continue pourtant d’évoquer l’Amérique, car c’est d’elle qu’il s’agit et c’est de là qu’il revient : l’Amérique des gratte-ciel et des moyens de transport gigantesques. Or, il n’est pas bon de venir brutalement montrer aux autres que leur vie est arriérée et que tout est bien plus évolué ailleurs, bien plus moderne. Nam-Bok va comprendre à ses dépens qu’il ne faut pas faire peur pour séduire ni éveiller les consciences sans ménagement.
Le récit de Jack London, « Nam-bok le hâbleur », sorte de fable finalement et belle leçon de vie, est très joliment mis en images par Thierry Martin qui a choisi un graphisme assez caricatural pour les personnages et des décors nettement plus évocateurs, plus travaillés. D’ailleurs, plusieurs séquences sont constituées de dessins pleine page commentés d’une voix off racontant l’expédition du narrateur ; des pages, essentiellement constituées de scènes de mers déchaînées, de loin les plus réussies.
À noter la parenthèse de planches muettes mettant en scène un renard qui rappelle (volontairement ?) la très belle adaptation du « Roman de Renart » que l’auteur a réalisée avec Mathis aux éditions Delcourt, il y a une dizaine d’années. Le dessinateur avait déjà opté pour une mise en images limpide et lumineuse laissant beaucoup d’espace au blanc et aux aplats très clairs.
Depuis quelque temps, Thierry Martin signe, aux éditions de la Gouttière, « Myrmidon » : une série de récits jeunesse muets, autour d’un gosse dont les changements de costumes le propulsent à chaque fois dans de nouveaux mondes. Quatre titres sont d’ores et déjà parus.
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Nam-Bok » par Thierry Martin [d’après Jack London]
Éditions Futuropolis (18 €) – ISBN : 978-2-7548-0364-9











