« Hibakusha » par Olivier Cinna et Thilde Barboni

Cela aurait pu s’intituler « Hiroshima, mon amour », mais le titre était déjà pris ! Cela aurait pu tout aussi bien se nommer « Hiroshima, fin de transmission » du titre de la nouvelle de Thilde Barboni dont l’album est tiré, mais les auteurs ont préféré ce nom étrange, intrigant d’« Hibakusha », dénommant en japonais les survivants d’Hiroshima et de Nagasaki…

Publiée en 1983 (aux éditions Affaires de style, à Bruxelles), la nouvelle est scénarisée par l’auteure elle-même et met en scène Ludwig Muelller : un Allemand d’une trentaine d’années, traducteur et interprète auprès du parti hitlérien. On l’envoie à Hiroshima, en 1938, pour traduire des textes très confidentiels : une aubaine pour ce mari et père qui semble s’ennuyer dans son couple, pris dans l’étau de ses activités professionnelles qui ne supposent aucun écart, idéologique notamment !

Depuis une blessure à la jambe dont il n’a jamais dénoncé le coupable, Ludwig a toujours considéré qu’il fallait être neutre, transparent, ne jamais prendre de risques pour survivre ! Et pour être honnête, il sait que son handicap l’a écarté des champs de bataille. En quelque sorte, il l’a sauvé ! Le gamin qui l’a blessé était un petit Japonais du temps où Ludwig vivait au Consulat, avec ses parents… et c’est sur lui qu’il tombe quand il revient au Japon pour visiter Hiroshima. Hasard ou destin ?

Mais ce qui devait arrivait de plus troublant pour cet « indifférent » professionnel, c’est de tomber fou amoureux d’une belle Japonaise, troublante, sensuelle, qui plus est masseuse ! Tout bascule quand, en 1945, l’Allemagne capitule et que les Allemands installés au pays du Soleil levant apparaissent, aux yeux des Japonais, comme des traîtres : « on ne capitule jamais face à l’ennemi ! » Tout bascule vraiment le 6 août 1945, quand l’explosion atomique anéantit une ville entière, laissant des ombres étranges imprimées sur des pierres, des traces fantomatiques, des souvenirs douloureux…

Ce récit sensible et original est porté par le dessin au pinceau d’Olivier Cinna, dont le trait contoure admirablement les corps : plus à l’aise là, d’ailleurs, que dans les décors que l’auteur rehausse en revanche de couleurs séduisantes et suggestives. Il en ressort une fragilité qui convient bien à cette histoire sentimentale et dramatique.

Rappelons que Thilde Barboni avait signé, il y a quelques années, toujours chez Dupuis, « Rose d’Élisabethville » avec la dessinatrice Séraphine : une histoire d’héritage et de diamants sur fond de tensions politiques et de bouleversements historiques au moment où le Congo belge devient République du Congo et où Élisabethville devient Lubumbashi (après avoir été la capitale du Katanga, région du sud Congo riche en minerais et diamants, entre 1960 et 1963), chroniqué ici même. Plus récemment, avec « Agence Interpol T 3 : Rome : Purple Cats », via une histoire de gangsters (et de diamants également !), on en profitait pour visiter Rome (sur BDzoom.com, également).

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Hibakusha » par Olivier Cinna et Thilde Barboni

Editions Dupuis (16, 50 €) – ISBN : 978-2-8001-7073-2

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Une réponse à « Hibakusha » par Olivier Cinna et Thilde Barboni

  1. Franck dit :

    Cela fait envie. Merci.

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