« Les Archives secrètes de Sherlock Holmes » par Frédéric Marniquet et Philippe Chanoinat

Depuis son apparition en 1887 dans « Une étude en rouge » sous la plume d’Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes n’a plus jamais vraiment quitté la scène du crime. Nous connaissions la soixantaine d’investigations canoniques narrées par le docteur Watson, mais ce dernier avait-il tout dit ? Non, si l’on en croit les innombrables pastiches forgés depuis des décennies ou ces untold stories relevées par les holmésiens confirmés. Avec leurs propres « Archives secrètes de Sherlock Holmes », série qui voit paraître un 4e tome ce mois-ci, Frédéric Marniquet et Philippe Chanoinat empruntent à leur tour le chemin de l’hommage référentiel : de la lande marécageuse du Devonshire jusque dans les bas-fonds de Londres en passant par l’Inde, l’Égypte et la France, les enquêtes du plus fameux des détectives recèlent assurément bien des mystères…

Face à une nouvelle Bête : couverture du tome 1 et encrage pour la planche 31

Hommage au "Chien des Baskerville" (par Terence Fisher, 1959) et à Peter Cushing

Tome 1, planches 1 et 4

Par goût autant que par défi, romanciers, cinéastes et dessinateurs n’ont guère hésité à investir très vite (dès 1900 !) le fabuleux univers victorien planté par Conan Doyle entre novembre 1887 et mars 1927, date de publication de l’ultime « Aventure de Shoscombe Old Place ». Si Holmes est toujours le personnage le plus représenté au cinéma (pas moins de 260 films !), la bande dessinée ne démérite pas, comme en attestent les 348 références actuellement listées par la Société Sherlock Holmes France (SSHF). Inspiré par le docteur Joseph Bell, le fictif Sherlock Holmes aura eu une carrière bien remplie : ayant rencontré Watson en 1881 et mené sa première enquête en 1891, il disparaît en 1891 à la suite de son affrontement avec le professeur Moriarty et la mort de ce dernier dans les chutes suisses du Reichenbach (« Le Dernier Problème »). Réapparu après un grand hiatus de trois ans (« La Maison vide ») pour échapper et piéger le Colonel Sebastian Moran, l’exécuteur des basses œuvres de Moriarty, Holmes reprend du service jusqu’en 1903. Il s’ensuivra une retraite à la campagne en 1907, où Holmes passe ses dernières années à étudier les abeilles et à écrire un traité d’apiculture. Il sortira néanmoins de cette paisible activité pour rendre service à son pays, à la veille du premier conflit mondial, en déjouant les ruses d’un espion prussien (« Son dernier coup d’archet », paru en 1917).

Peter Cushing, référence graphique...

Mais aussi Basil Rathbone, qui joue dans la version 1939 du "Chien des Baskerville" et interprète Holmes dans 13 autres films.

Couverture du tome 2 et planche 1 ; du texte, c'est élémentaire...

Cette chronologie est nécessaire pour comprendre l’intérêt des auteurs à réinvestir les nombreuses parts d’ombre de la vie du détective. Et ce d’autant plus que Conan Doyle lui-même à su attiser la curiosité de ses lecteurs : tout au long du « Canon », le narrateur (Watson, qui met par écrit le récit des enquêtes pour le Strand Magazine) évoque des aventures inédites, aux titres souvent étranges tels « L’affaire de l’assassin du Boulevard » ou « L’Affaire du rat géant de Sumatra ». Doyle aurait-il écrit ces aventures sans jamais les faire publier ? Ou alors Watson, tenu par le secret d’état – lié à certaines enquêtes délicates impliquant de hautes personnalités liées à la Couronne britannique -, a-t-il dû taire certains faits ? Entre mythes, réalités et fictions littéraires, le duo composé par le scénariste bourguignon Philippe Chanoinat et le dessinateur marnais Frédéric Marniquet s’est lancé depuis novembre 2011 dans sa propre interprétation du genre. Initialement parues aux éditions 12bis (créées en 2008 et rachetées par Glénat en septembre 2013), « Les Archives secrètes de Sherlock Holmes » sont composées de trois volumes : « Retour à Baskerville Hall » est une suite directe au célébrissime « Chien des Baskerville » (1902) dans laquelle la fantomatique silhouette du dogue meurtrier semble être de retour ; « Le Club de la mort » (paru en août 2012) voit Holmes enquêter sur des personnalités assassinées selon un rituel historique ; enfin, « Les Adorateurs de Kâli » s’en réfère à la révolte des Cipayes (1857) pour mettre Holmes, Watson et l’écrivain Rudyard Kipling sur la piste des adorateurs de la déesse hindoue de la mort… Naturellement, le fidèle des enquêtes des Holmes y retrouvera une galerie de personnages connus : la logeuse Mme Hudson, l’ inspecteur du Yard Lestrade, les Irréguliers de Baker Street, Mycroft Holmes (frère de qui-vous-savez et chef des services secrets), Moriarty, etc. Réédités ce mois-ci chez Glénat sous des visuels de couvertures très légèrement modifiés, ces différents albums sont complétés par une nouveauté, « L’Ombre d’Arsène Lupin ». L’intrigue de ce nouvel opus débute en janvier 1903, alors que le Professeur Ruppert Matheson ramène en Angleterre le fabuleux trésor découvert quelques mois auparavant en Égypte. Frappé d’un mal inconnu, les membres de son équipe font halte dans la ville de Dieppe, au moment même où Sherlock Holmes reçoit à Londres une lettre d’une lointaine cousine, Louise Boyer, dont la fille aurait été enlevée dans cette même ville de Dieppe. Le célèbre détective du 221B Baker Street et son fidèle compagnon Watson vont enquêter et découvrir l’implication dans l’histoire d’un certain… Arsène Lupin !

Frederic Marniquet et illustrations pour un portfolio

Couverture du Strand en avril 1927, annonçant L'Aventure de Shoscombe Old Place

Première maquette de couverture (12bis) pour le tome 3 et planche 9

Outre des textes toujours très abondants (les amateurs de Jacobs, « Blake et Mortimer » n’avaient encore rien vu !), un dessin privilégiant les plans rapprochés et des visages inspirés par les grands acteurs anglo-saxons (au fil des albums : David Niven, Charlton Heston, Roger Moore, Christopher Lee, Michael Caine, Clark Gable ou – Holmes oblige – Peter Cushing et Jeremy Brett), cette dernière enquête s’amuse une nouvelle fois avec les références des lecteurs. Ainsi, l’on se souviendra qu’en février 1908, Maurice Leblanc fait publier « Arsène Lupin contre Herlock Sholmès », un recueil (de deux histoires) qui fait suite à son « Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur ». Désireux de placer son propre héros en concurrence avec celui de Conan Doyle (dont les aventures sont publiées avec succès en France depuis 1902), Leblanc devra y renoncer sous la menace d’un procès ! Ce pastiche fameux pourra rappeler des tentatives plus récentes : l’album « Ric Hochet contre Sherlock » en 1987 ou le jeu vidéo « Sherlock Holmes contre Arsène Lupin » en 2007. Enfin, n’oublions pas le décor présenté dès la couverture, lequel suggère le mystère normand (Étretat) de « L’Aiguille creuse », roman de Leblanc (paru en 1909) dans lequel Arsène Lupin s’oppose à Isidore Beautrelet, jeune lycéen et détective amateur. Au final, l’enquête de ce quatrième volume des « Archives secrètes de Sherlock Holmes » se suivra avec plaisir entre Angleterre et France, dans une ambiance un rien désuète mais où le fil du suspense est tenu de main de maître : au lecteur-enquêteur de collecter les indices et de deviner l’identité du ou des coupable(s) avant les révélations (et le twist) de la 48ème planche…

Encrage pour la couverture du tome 4 et planche 1

Arsène Lupin contre Herlock Sholmès (1908)

Jaquette du jeu PC (Focus et Frogwares, 2007)

Philippe TOMBLAINE

« Les Archives secrètes de Sherlock Holmes T1 : Retour à Baskerville Hall » par Frédéric Marniquet et Philippe Chanoinat
Éditions Glénat (14,50 €) – ISBN : 978-2344020982

« Les Archives secrètes de Sherlock Holmes T2 : Le Club de la mort » par Frédéric Marniquet et Philippe Chanoinat
Éditions Glénat (14,50 €) – ISBN : 978-2344020999

« Les Archives secrètes de Sherlock Holmes T3 : Les Adorateurs de Kâli » par Frédéric Marniquet et Philippe Chanoinat
Éditions Glénat (14,50 €) – ISBN : 978-2344021002

« Les Archives secrètes de Sherlock Holmes T4 : L’Ombre d’Arsène Lupin » par Frédéric Marniquet et Philippe Chanoinat
Éditions Glénat (14,50 €) – ISBN : 978-2344001622

Galerie

Une réponse à « Les Archives secrètes de Sherlock Holmes » par Frédéric Marniquet et Philippe Chanoinat

  1. PATYDOC dit :

    Heureuse surprise que cet article . En effet, le « milieu » de la BD n’a eu de cesse de « casser  » systématiquement ce que font Marniquet et Chanoinat. S’ils ont un peu « patiné » il y a quelques années, force est de constater que leur travail est tout à fait réussi de nos jours …

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