On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...« Les Nuits d’Aksehir » T1 par Raku Ichikawa
En cette période où la culture musulmane est mise en avant pour de mauvaises raisons, les éditions Akata ont décidé de tordre le cou aux idées reçues en éditant un manga atypique, faisant la part belle à la culture traditionnelle turque. Même si, en France, le kebab est devenu un repas rapide et facile d’accès, on peut pourtant constater que les Français ne connaissent pas grand-chose de la cuisine turque.
Tout commence de manière très étrange. Ayuko, une jeune Japonaise est guidée par un homme surprenant vers un lieu qui s’avère être un restaurant turc. Comme elle portait un collier avec une perle de verre typique de la Turquie, il pensait que la jeune femme connaissait déjà cette culture. Or, ce collier s’avère être un simple présent offert par une amie en guise de porte-bonheur. Une simple amulette censée protéger de la jalousie et très courante en Turquie, ce qu’elle-même ne savait pas. Embarquée malgré elle dans ce décor exotique, elle va finalement accepter un travail de serveuse à mi-temps dans ce restaurant situé en plein cœur de Tokyo : l’Aksehir.
Novice, Ayuko a tout à apprendre. Elle ne connaît pas encore le nom des plats ni leur composition. Du coup, le lecteur découvre avec elle ce monde exotique au travers d’une cuisine qui l’est tout autant. Étudiante dans une école de fashion design, elle va se servir de ce qui l’entoure tous les soirs à son travail et l’inspire, afin de l’intégrer dans l’étude des vêtements d’évaluation de fin d’année.
Au contact d’Hodja, l’émigré turc rencontré par hasard et de Zakuro, la serveuse et danseuse orientale travaillant elle aussi dans le petit restaurant perdu dans le quartier de Sinjuku, la jeune Ayako va se familiariser avec un monde qui va nourrir son imagination et finalement toute sa vie. Elle va puiser, dans cette culture et ces gens très différents, une curiosité et un charme du quotidien, bien loin des clichés de carte postale habituellement véhiculés.
Au fil des épisodes, elle va prendre de plus en plus d’assurance, ce qui va l’amener à faire des rencontres qui vont nourrir le récit. Même si celui-ci a commencé d’une manière déconcertante pour le lecteur, la suite est beaucoup plus traditionnelle. C’est une sorte de parcours initiatique où la jeune étudiante va se révéler et progresser en s’imprégnant de ce qu’elle vit au quotidien. Encore jeune, elle doute de ses capacités, elle n’a pas vraiment trouvée sa voie et la vie amène son lot de moments de désespoir et de résignation. Néanmoins, ce manga est extrêmement positif et montre une jeune fille simple, mais souhaitant aller de l´avant, même si elle ne sait pas encore vraiment dans quelle direction.
« Les Nuits d’Aksehir » est un manga hybride, destiné aussi bien aux amateurs de culture orientale que ceux de cuisine exotique. Les scènes de danse sont particulièrement bien rendues, ainsi que les décors turcs, même s’ils sont malheureusement peu présents. La psychologie torturée des protagonistes est au centre de l’histoire, ou plutôt des histoires qui s’entremêlent pour faire un récit dense et évolutif. Les volumes suivants allant même jusqu’à évoquer les problématiques liées à la conversion à l’islam. Sujet que connaît très bien Raku Ichikawa, auteur de cette histoire. Elle-même, ayant choisi d’habiter Istanbul, elle raconte aujourd’hui son expérience personnelle quotidienne dans son nouveau manga semi-autobiographique.
Comme toujours avec les éditions Akata, cette série plonge le lecteur dans une réflexion sur notre monde et l’oblige à voir plus loin que sa propre vie. Cette histoire montre clairement qu’il est parfois bon d’aller chercher une source d’inspiration lointaine et inhabituelle pour transcender ses propres créations. C’est cette ouverture d’esprit sur une culture et des moeurs étrangères qui grandissent et inspirent l’héroïne de cette série. L’échange et le dialogue sont montrés sous un jour positif, quand en plus c’est amené de manière ludique et didactique, il n’y a aucune raison de ne pas se plonger dans les nuits d’Aksehir.
Gwenaël JACQUET
« Les Nuits d’Aksehir » T1 par Raku Ichikawa
Éditions Akata (8,50 €) – ISBN : 978-2369742029