« L’Or de Morrison » T1 par Daniel Brecht et Roger Seiter

De la poussière, des guerriers apaches, la cavalerie, des hors-la-loi, un shérif à la tête d’une milice locale, les grands espaces des Rocheuses, des soldats perdus sans cause et un coffre-fort, tels sont les ingrédients des meilleurs westerns. On retrouve tous ces fondamentaux cuisinés avec malice et dextérité par le scénariste Régis Seiter pour le dessin impeccable de Daniel Brecht. Pour une poignée d’euros, vous pouvez acquérir le premier volume réussi d’un dytique avec des brutes, des truands et un idéaliste.

Premier avril 1865, dernière bataille de la guerre de Sécession, à Petersburg : les troupes sudistes, mal commandées, sont mises en déroute par l’armée unioniste du général Sheridan. Malgré leur vaillance, le colonel Marion Michaël Morrison et son cousin le capitaine Henry Toutant Beauregard sont faits prisonniers. Ils perdent toute leur fortune pendant leur captivité.

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Morrison

Sept ans plus tard, ils demeurent dans une propriété isolée au pied des Rocheuses nommée Icaria. Ce nom est inspiré du « Voyage en Icarie » d’Étienne Cabet : un socialiste français utopiste.

Le colonel Morrison a voulu créer une communauté icarienne, loin de la civilisation corruptrice, guidé en cela par ses lectures subversives : Cabet, mais aussi « L’Utopia » de Thomas More, « Le Système social » de Robert Owen ou « L’Anabase » de Xénophon.

Seulement, la civilisation approche à grands pas avec l’arrivée imminente de la voie de chemin de fer transcontinentale.

Il faut que Morrison trouve une grosse somme d’argent pour qu’il puisse recréer ailleurs, très loin, en Australie par exemple, une communauté utopique sur les bases d’un communisme chrétien. Il est prêt pour cela à voler les 350 000 dollars du salaire des ouvriers de l’Union Pacific, bien qu’ils soient protégés par un détachement de l’armée. Pour tenter ce hold-up très risqué il dispose d’une troupe disparate : des anciens confédérés de son régiment, des soldats français déserteurs lors de la campagne du Mexique lancée par Napoléon III, une bande d’outlaws peu recommandables dirigés par Russel Jones (une ancienne communarde) et un guide indien.

Un plan est minutieusement mis au point : il est audacieux et risqué, car la petite troupe doit prendre les commandes d’un train protégé par deux mitrailleuses dernier cri de l’armée américaine (les fameuses « Gatling Guns »). Si la bande de Morrison met la main sur un bon paquet de dollars, plusieurs grains de sable perturbent le plan initial. De violents affrontements opposent les hommes de Morrison, d’abord aux soldats qui protègent le pactole dans le train, puis avec des Indiens apaches désireux de voler leurs chevaux et, enfin, avec le Sheriff de la ville de Laramie. Morrison, ses hommes et son or sont pris en chasse entre les montagnes Rocheuses et la côte pacifique par un régiment de la cavalerie des États-Unis, la milice de Laramie et une bande de guerriers apaches. Tous cherchent à se venger des morts subies. La traque promet d’être impitoyable dans le deuxième volume du diptyque.

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Pas d’ironie ni de distanciation référencée à la Sergio Leone dans ce western au classicisme affirmé qui sent la sueur, la poudre et les larmes. La fiction est solidement contextualisée par un dossier de six pages qui ouvre l’album. De quoi rappeler les principales étapes de le la Guerre de Sécession, le déroulement de l’expédition française au Mexique (1861-1867) et le devenir des soldats brisés par ces conflits. Pour Roger Seiter : « Tous ces hommes ont en commun la haine et la détestation d’une société qui, après avoir fait d’eux des machines à tuer, les a tout bonnement laissé tomber. C’est dans cet esprit que le groupe d’anciens combattants rassemblé autour de Morrison fonde une communauté utopiste d’inspiration icarienne. »

La suite, c’est un western choral, épique et rythmé, une poursuite bientôt infernale dans les somptueux décors de l’Ouest américain, magnifiquement mis en image par Daniel Brecht. On avait déjà apprécié son dessin réaliste dans « Death Mountains » scénarisé par Christophe Bec.

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On en saura plus sur le destin de Morrison et de ses amis dans un an, à la parution du second volume. D’ici là, souvenez-vous que pour le colonel Morrison comme pour beaucoup d’autres idéalistes équivoques : « La Terre promise est toujours de l’autre côté du désert¹ »

Russel Jones

Laurent LESSOUS (l@bd)

¹ Henry Havelock Ellis

« L’Or de Morrison » T1 par Daniel Brecht et Roger Seiter

Éditions du Long bec (16,50 €) – ISBN : 979-10-92499-45-2

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