« Et il foula la terre avec légèreté » par Laurent Bonneau et Mathilde Ramadier

Direction vers le nord du Nord, vers Bodo, et même plus haut encore, aux îles Lofoten (qui sont, cela dit, norvégiennes). Ethan a quitté Paris pour « se » retrouver, se rendre disponible à lui-même, faire le point, « reconstruire le connu », mais pourquoi ? Et pourquoi là, dans cette contrée qui compte 23 000 habitants et pas grand-chose à faire ?

Dans ces paysages forestiers et froids, Ethan s’est trouvé un « rorbu » : l’une de ces cabanes de pêcheurs dorénavant aménagées et louées aux touristes. De là, de cet isolement, la nature s’offre sans compter, sans durée. Le jeune homme ne semble pas pressé et profite de cet environnement en apparence peu accueillant : tout est rude, âpre, froid… mais les rencontres avec les habitants sont chaleureuses.

On apprend peu à peu qu’Ethan est là dans le cadre d’un « voyage d’acclimatation » et d’une opération pétrolière : les ressources y sont illimitées, mais l’or noir n’est-il pas ce qui est en train d’arriver « de pire à la Norvège ? ». Reste que la compagnie internationale qui l’envoie prospecter — il est ingénieur forage — entend bien s’y installer, y exploiter, y spéculer. Mais, comme on pouvait un peu s’y attendre, Ethan se laisse subjuguer par la beauté de ce paradis nordique, et par cette évidence : « le courant du Gulf Stream a fait des Lofoten une oasis » et ne faut-il pas tout faire pour préserver les oasis ! En fin d’ouvrage, Mathilde Ramadier donne d’ailleurs des repères complémentaires, économiques, historiques, écologiques, tout à fait nécessaires à la réflexion.

À Paris, l’amie d’Ethan, qui frise le burn-out dans son travail avec des réunions à répétition, est bien loin d’imaginer la fascination et la magie d’une soirée à regarder le ciel s’embraser d’aurores boréales ou plus simplement à laisser son regard glisser le long des routes désertes s’enfonçant loin dans des paysages montagneux, ventés et solennels : ce que rendent parfaitement les aquarelles de Laurent Bonneau qui ponctuent le récit. Épurées souvent, elles laissent libre cours aux pensées, à la méditation, au vertige. Le carnet de voyage, car c’en est un au bout du compte, expose une situation économique discutable, étayée de nombre de dialogues argumentés, mais expose surtout ces paysages brumeux, ces ports ensoleillés, ces étendues miroitantes, ces ciels nourris d’étoiles… et ses nuits polaires.

Rappelons que Laurent Bonneau a déjà signé « Ceux qui me restent » (éditions Bamboo, 2014), un récit très réussi et émouvant sur la maladie d’Alzheimer. Plus proche dans l’esprit de sa nouveauté, « Nouvelles graphiques d’Afrique » (éditions Des ronds dans l’O, 2015) évoquait les états d’âme d’un jeune de 21 ans qui remet en question ses conditions de vie en Afrique subsaharienne, son éducation, son pays. Recueil de courtes histoires entremêlant déambulations et pensées intérieures sous forme de témoignages. Le recueil de courtes histoires entremêlait déambulations et pensées intérieures sous forme de témoignages, illustrés de dessins aux styles variés, mais séduisants.

Mathilde Ramadier, elle, nous avait emmenés à « Berlin 2.0 » (éditions Futuropolis, 2016) et nous avions rendu compte ici même de ce séjour instructif.

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Et il foula la terre avec légèreté » par Laurent Bonneau et Mathilde Ramadier

Éditions Futuropolis (27 €) – ISBN : 978-2-7548-1215-3

 

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