« Montana 1948 » par Nicolas Pitz et Larry Watson

Le Montana est situé au nord des États-Unis, faisant frontière avec le Canada. L’état évoque les Montagnes Rocheuses, le monde indien, celui des trappeurs ou des chercheurs d’or… et Little Big Horn : bataille terrible où se sont opposés les Sioux de Sitting Bull et les troupes du général Custer. En 1948, le Montana est-il encore celui des Indiens et des discriminations ? C’est tout le sujet du roman de Larry Watson que vient d’adapter Nicolas Pitz…

Publié en 1993 aux USA, le récit de Larry Watson fut traduit en 1996 aux éditions Galmeister. Télérama en disait : « Écrit avec une sensibilité et une retenue qui évoquent celles de Norman Maclean, ce livre au style fluide distille doucement l’angoisse. Les silences de Hayden et des habitants de Mercer County ont un parfum de mort ». Ces silences, on les retrouve dans l’adaptation en bande dessinée qui met davantage l’accent sur les relations et les tensions humaines plutôt que sur le « parfum de mort ».

L’histoire est vue par les yeux de David : un enfant de 12 ans dont le père est shérif. Le gamin vit au sein d’une famille traditionnelle où l’on respecte la loi et la religion.

Les Hayden constituent une famille respectée et respectable, d’autant que le grand-père et le père étaient déjà shérifs et que l’oncle de David, Franck, est médecin, connu aussi pour ses actes de bravoure pendant la guerre.

David est un enfant tranquille, attentif à ce qui se passe autour de lui sans jamais trop poser de questions, mais cet été-là, tout bascule et le jeune garçon va grandir bien malgré lui !

Marie, la jeune Sioux au service de la famille Hayden, tombe malade et contre toute attente, elle refuse d’être examinée par Franck : le frère toubib. Les révélations qui en découlent risquent bien de faire exploser la famille. David entend, observe et comprend bien que l’honneur de la famille est en jeu. D’une part, son père shérif peut-il, doit-il arrêter son frère au risque de dynamiter la fratrie ? Peut-il ternir l’image de toute une famille pour faire justice ? Son père, quelqu’un de foncièrement gentil, fragilisé depuis qu’à l’adolescence une ruade de cheval l’a gravement blessé (il boite et marche avec une canne), peut-il aller jusqu’à s’opposer au grand-père intraitable qui veut le silence sur les « affaires » ? La situation, tout à coup complexe, amène David à se demander s’il y a des hommes au-dessus des lois et, surtout, si l’on peut être intouchable quand on viole des Indiennes… ou s’il y a meurtre ! Est-ce imaginable, même, de tenter de cacher de telles abominations ?

Le huis clos est assez pesant pour qu’on ne veuille plus le lâcher, d’autant qu’on se met à la place de l’enfant qui découvre ce que le monde adulte peut inventer pour faire souffrir ou pour faire taire. Le plus terrible, ce sont évidemment les choix douloureux que doit faire le père de David : lui, le représentant de l’autorité et de la justice, subit l’autorité de son propre père et sent que même sa femme aimerait mieux l’injustice que l’opprobre.

Cet album de Nicolas Pitz, s’il n’est pas totalement convaincant graphiquement, n’en reste pas moins l’occasion de découvrir un drame et un conflit familial qui donnent de l’Amérique de l’après-guerre une image teintée par les discriminations envers la population indienne et par la mainmise des seuls Blancs sur les rouages du pouvoir, transmis et imposés égoïstement, sous couvert pourtant de moralité et de religion.

Son précédent album, « Les Jardins du Congo » paru à La Boîte à bulles, date de 2013. L’auteur y évoquait Yvon, un jeune Belge, qui, après s’être caché durant quatre ans dans la forêt pour échapper aux camps de travail allemands, décidait, à la Libération, de prendre un bateau pour le Congo belge. Le pays lui permet de trouver un nouvel équilibre à sa vie. Il y fonde une entreprise prospère, mais le peuple congolais aspire à son indépendance et Yvon doit rentrer au pays où l’attend un père avec lequel il ne s’entend pas. Si le contexte était intéressant, le personnage d’Yvon avait, lui, du mal à convaincre, car c’est un colonialiste et plus généralement un individu qui n’est jamais à l’écoute des autres.

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Montana 1948 » par Nicolas Pitz et Larry Watson

Éditions Sarbacane (19,50 €) — ISBN : 978-2-8486-5970-1

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