Questions à Vincent Turhan, au sujet du « Chemin des égarés »…

À l’occasion du dernier festival d’Angoulême, nous sommes allés à la rencontre d’un nouveau talent du 9e art : Vincent Turhan. Publié par la maison d’éditions Les Enfants rouges, située dans les Alpes maritimes, son premier album nous a paru vraiment digne d’intérêt !

Vincent Turhan.

BDzoom.com : Vincent Turhan, pouvez-vous commencer par vous présenter ?

Vincent Turhan : Alors pour faire court, j’ai 30 ans, je vis en région parisienne, et « Le Chemin des égarés » est ma première bande dessinée.

BDzoom.com : Quel est votre parcours ? Votre formation ?

Vincent Turhan :Après le bac, j’ai commencé une fac d’histoire de l’art et d’archéologie. J’étais spécialisé en iconographie maya. Ce qui m’intéressait déjà le plus, c’était l’étude de l’image, la composition, redessiner les sculptures et les monuments. Ça a duré 6 ans. Après cela, comme je passais presque tout mon temps à dessiner de toute façon, j’ai tenté une formation en illustration et bande dessinée à Paris. Depuis, je travaille en indépendant, en tant que maquettiste/graphiste pour l’édition, en illustration quand des commandes tombent, et en BD quand il me reste du temps.

Recherches.

Storyboard.

BDzoom.com : Je crois que vous donnez aussi des cours ?

Vincent Turhan : Oui, des cours d’histoire de l’art aux ateliers des Beaux-Arts pour des Prépas et je réalise également des ateliers de BD pour des enfants en association.

BDzoom.com : « Le Chemin des égarés » est une histoire contemporaine se déroulant à La Nouvelle-Orléans. Pouvez-vous nous la résumer en quelques mots ?

Vincent Turhan : En fait, l’histoire commence en périphérie de La Nouvelle-Orléans, juste après Katrina : l’ouragan qui a eu lieu en 2005. Layne, César, et Joe, trois vagabonds junkies se retrouvent en manque d’héroïne et partent à la recherche de leur dealer qui est parti se réapprovisionner, justement, à La Nouvelle-Orléans. Contraints de faire la route à pied, ils se confrontent à l’étendue du désastre, aux sinistrés, et aux premières phases de désintoxication. Ils font aussi la rencontre de Zoé, une jeune femme à la recherche de sa tante. Et c’est sur ce chemin qui les amène à Big Easy que germe l’idée (en tout cas chez certains) de peut-être se reconstruire…

BDzoom.com : Vos personnages principaux sont des marginaux, drogués. Comment vous est venue cette histoire ?

Le tout premier dessin représentant Layne.

Vincent Turhan : De plein de choses en fait. Quand j’ai commencé ma formation d’illustration, j’ai été amené à beaucoup traîner dans les gares. J’y dessinais principalement, mais j’ai sympathisé avec des sans-abri. J’avais besoin de dessiner du mouvement et des gueules, juste pour m’améliorer. J’ai par la suite visité régulièrement une association dédiée aux sans-abri. Je les dessinais, on discutait. Certains étaient addicts au crack. D’autres à l’héroïne. En outre, c’était une période un peu difficile dans ma vie personnelle, d’où peut-être le côté sombre. Enfin, je m’intéresse à la Louisiane depuis un moment : ses paysages, son histoire sa culture et surtout ses musiques. J’ai appris sur le tard que Katrina, en grec ancien, voulait dire purifier/purification… et je crois que le projet est un peu né d’un mélange de tout ça : l’envie de raconter l’histoire de personnes qui n’ont rien, et alors que tout le monde est socialement revenu à égalité, trouvent peut-être l’opportunité de repartir à zéro.

BDzoom.com : L’histoire est très sombre, même si la fin est plutôt positive. Le traitement graphique l’est également. Ce n’est pas trop déprimant de travailler sur une telle thématique ?

Storyboard.

Vincent Turhan : (Rires) oui, ça n’a pas toujours été une partie de plaisir, je l’avoue. De manière générale, je ne suis pas le plus grand optimiste et cela se ressent peut-être dans mes thématiques et dans mon graphisme. Après, cela m’a permis d’extérioriser pleins de choses négatives qui me trottaient dans la tête. L’avantage de raconter et de se confronter à ces pensées (en tout cas en ce qui me concerne) c’est que, une fois le projet fini, je n’ai plus aucune envie de m’y replonger. J’ai évacué. Par ailleurs, comme tu dis, la fin est pleine d’espoir. Figure-toi que plus l’histoire prenait une tournure positive, plus je prenais plaisir à la dessiner. En terminant la dernière case, je me suis juste senti très léger.

BDzoom.com : Étant auteur complet, comment travaillez-vous ? Faites-vous un synopsis ? Partez-vous directement sur un story-board ?

Vincent Turhan : De manière générale, je consacre une bonne partie du temps à écrire le scénario, découper l’histoire en séquences et en scènes, en gros m’attaquer à la construction du récit. Pour « Le Chemin des égarés », j’ai aussi passé un bon moment à écrire les dialogues et textes en voix off pour trouver le ton que je recherchais. En parallèle, c’est les recherches de graphismes en général, de personnages, de décors, de lieux, etc. Une fois tout ça bouclé, je me lance sur un découpage des scènes, à la manière d’un story-board, sans trop travailler le graphisme, mais surtout sur la mise en scène. C’est pour moi la partie la plus amusante, car vraiment créative. Vient ensuite l’encrage.

Recherches.

BDzoom.com : Quelles ont été vos sources d’inspirations ?

Si tu parles d’influences graphiques, il y en a bien sûr, et en fait elles ne se limitent pas à la BD. Bien sûr, il y a Larcenet, il y a Gipi, il y a Manuele Fior, David Prudhomme, Naoki Urasawa et bien d’autres… mais j’essaie de me nourrir de l’art en général, de Rembrandt à Paul Klee, de Hokusai à Judith Reigl, les livres de Jack London à Sylvain Tesson, le cinéma de Kubrick et la musique de Mogwai…

Pour le reste, « Le Chemin des égarés » est une fiction, même si beaucoup de faits, dialogues, voix off sont inspirés de ressentis très personnels. Il y a bien sûr un peu de moi dans chaque personnage, je ne peux pas le nier, mais à part tout ça, c’est bien une fiction.

Vincent Turhan.

BDzoom.com : Ce premier roman graphique à peine publié, travaillez-vous sur un nouveau projet ?

Ça ne serait pas drôle sans ça !

Oui, j’ai plusieurs projets dans les tiroirs, en fait 4 voir 5. Mais j’aimerais partir sur une BD un peu plus courte et amusante avant de me relancer sur un gros projet.

Dans l’immédiat, c’est un projet d’adaptation (en illustration) pour une nouvelle de Stefan Zweig pour la maison d’édition avec qui je travaille en tant que maquettiste/graphiste.

Julien DEROUET

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