Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Bungô Stray Dogs » T1 & 2 par Harukawa 35 et Kafka Asagiri
Publié en France par l’éditeur Ototo, « Bungô Stray Dogs » suit le parcourt d’Atsushi Nakajima : un jeune homme très étrange. Il a en effet la faculté de se transformer en gros tigre blanc ; même si au début de la série, il ne le sait pas encore. Ce manga est un mélange de thrillers mettant en scène l’agence des détectives armés, mais aussi de fantastique : chaque membre de cette agence possédant un pouvoir surnaturel. Le tout enrobé dans un contexte ou chaque personnage est affublé du nom d’un romancier célèbre.
Tout commence par Atsushi Nakajima en train d’agoniser sur les berges d’une rivière. Tiraillé par la faim, il a à peine la force de se tenir debout. Renvoyé de son orphelinat, selon lui sans raison, il doit tenter de survivre ; même si cela l’oblige à de petits larcins. Ce jour-là, dans la rivière, il aperçoit un homme en train de se noyer. Malgré sa faible condition, il réussit à le sauver. Bien mal lui en a pris, ce naufragé peu reconnaissant lui explique qu’il cherchait juste à se suicider. Atsushi découvre que cet homme se prénomme Osamu Dazai, comme le grand écrivain japonais dont l’œuvre, pessimiste, évoque bien évidemment la notion de suicide. D’ailleurs, Dazai est mort dans des conditions très étrange, noyé, en compagnie de sa compagne ; ils se seraient peut-être suicidés ensemble ou elle l’aurait tué avant de se jeter elle-même dans la rivière : ce mystère n’a jamais été élucidé. Cette introduction n’est du coup qu’une métaphore entre la vie réelle de cet auteur littéraire et le personnage excentrique présenté dans le manga.
Rejoint par Kunikida Doppo, Dazai conduira Atsushi à leur bureau et lui expliquera qu’ils sont détectives. Leur agence, ne s’occupant que des cas spéciaux, ce sont des limiers aux pourvois paranormaux de l’agence des détectives armés. Actuellement, ils enquêtent sur un mystérieux tigre blanc qui sèmerait le trouble dans la ville. L’animal féroce est un monstre qui semble poursuivre le jeune Atsushi. Bien que ne l’ayant jamais vu, il sait que le félin rode autour de lui. Ce qu’il ne sait pas, c’est que cet animal est en lui, Atsushi a la faculté de se transformer en tigre blanc, même s’il ne l’a pas encore découvert et, donc, qu’il ne contrôle pas ces métamorphoses.
Par la suite, une fois cette affaire de tigre sauvage résolu, Atsushi Nakajima va naturellement rejoindre l’agence des détectives armés sur la suggestion de Dazai. Son pouvoir a maintenant un nom : La bête au clair de lune. Il va unir ses forces avec Osamu Dazai (au pouvoir de déchéance d’un homme) et Doppo Kunikida (au pouvoir de poète solitaire), mais également Akiko Yosano (au pouvoir de ne pas mourir), Edogawa Ranpo (au pouvoir de super déduction) et Kenji Miyazawa (au pouvoir plus fort que la pluie).
Comme nous l’avons déjà vu, chaque protagoniste est nommé d’après un illustre écrivain et tire le nom de ses facultés hors normes de leurs œuvres. Ainsi, il est facile de comprendre pourquoi les capacités de super déduction sont dédiées à Edogawa Ranpo, pseudonyme de Tarō Hirai basé sur une retranscription phonétique du célèbre écrivain américain Edgar Allan Poe. Rampo était précurseur dans le genre policier d’investigation au Japon et son œuvre a également était influencée par les plus grands écrivains occidentaux du genre comme Maurice Leblanc ou Arthur Conan Doyle.
Je pourrais ainsi vous faire la biographie de chaque écrivain, mais je vous laisse plutôt découvrir ou approfondir par vous même les anecdotes liant ces détectives à leurs pouvoirs.
Prépubliée dans le magazine Young Ace depuis décembre 2012, cette série a fait l’objet d’une adaptation en animation par le studio Bones en 2016. En France, une version simulcast est disponible chez Crunchyroll. Fort du succès de cette adaptation, l’édition premium du treizième volume du manga (qui sortira en août 2017) contiendra un DVD avec un épisode complémentaire inédit. Pas sûr que celui-ci arrive en France. Mais peut être en complément du simulcast.
En voyant le nom du scénariste (Kafka Asagiri), on ne peut que remarquer la référence à un autre monument de la littérature dont l’œuvre à l’atmosphère inquiétante et absurde a donné naissance au néologisme permettant de caractériser certaines situations insoutenables de kafkaïennes. Quant au dessinateur, Harukawa 35, il faut prononcer son nom en japonais : Harukawa Sango. Avec un trait classique, particulièrement dynamique et léger, il sait mettre en valeur l’action dans des scènes claires de batailles entre ces maîtres de la littérature.
Cette série surprenant par son contenu reste traditionnelle et devrait toucher un public assez large. En tout cas, son adaptation en manga et la dizaine de tomes qui la compose ne démentent pas son succès.
Gwenaël JACQUET
« Bungô Stray Dogs » T1 & 2 par Harukawa 35 et Kafka Asagiri
Éditions Ototo (7,99€) – ISBN : 9782377170005
BUNGO STRAY DOGS © Kafka ASAGIRI 2013 © Sango HARUKAWA 2013 KADOKAWA CORPORATION